Réminiscence A soixante-quinze ans passés, Lla Atika (comme l?appellent ses proches) se souvient encore, au détail près, des années de sa jeunesse dans sa maison à La Casbah. Mais ce qu?elle se rappelle le plus, ce sont ses voisins avec qui elle partageait «les moments de joie et de peine». A cette époque-là, «le voisin n?était pas ce qu?il est aujourd?hui, un vulgaire étranger dont on se méfie et qu?on évite à tout prix de saluer ou de croiser sur le palier», précise Lla Atika. Cette vieille dame regrette le changement radical dans les relations de voisinage et pense que «la dégradation de ces relations sont à l?image de tous les changements opérés dans notre société. On n?entretient plus de bonnes relations ni avec son voisin, ni avec sa famille ou sa belle-famille, ni avec ses collègues de travail, encore moins avec l?épicier ou le boulanger du coin», lance-t-elle amèrement. Pour elle, les relations avec ses voisins ont toujours eu une place primordiale dans sa vie : «On ne pouvait rien faire sans consulter son voisin.» D?ailleurs, dira-t-elle, «le quotidien à La Casbah était un partage entre voisins. On était plusieurs familles qui occupaient des pièces dans le même dar. Toutefois, on n?avait pas de porte qui nous séparait, mais de simples rideaux qu?on baissait juste avec l?arrivée des hommes du travail». Lla Atika estime que le voisin fait partie de la maison et ne conçoit pas habiter une maison sans faire connaissance avec le voisin. «Ne dit-on pas qu?on achète le voisin avant d?acheter la maison ?», soutient-elle l?air amusé. Parfois, «il est beaucoup plus proche qu?un membre de la famille tellement les relations sont extraordinaires et belles», estime-t-elle. Cette éducation sur le bon voisinage et comment entretenir de bonnes relations avec eux, elle a tenu à l?inculquer à ses enfants et à ses petits-enfants. «Mes enfants ont reçu une éducation marquée par le respect et l?estime de l?autre. Il n?est pas question pour eux de vivre en ignorant le voisin ou sans l?aider en cas de besoin». D?ailleurs, cette vieille personne entretient toujours des relations avec ses voisins de La Casbah où elle a vécu plus de soixante ans. «J?ai quitté la Casbah pour habiter aujourd?hui chez mon fils au 1er-Mai. Mais je n?ai jamais rompu les liens avec mes anciens voisins qui font partie de ma vie.»