Guerre Le débat s'amplifie aux Etats-Unis sur la mort, presque quotidienne, de soldats américains en Irak. Certains experts mettent la timidité des médias à les évoquer sur le compte de pressions de l'Administration Bush. Depuis la guerre du Vietnam, l'image de cadavres de «boys» sur un champ de bataille ou de cercueils recouverts de la bannière étoilée hante l'opinion publique américaine. Or la barre psychologique des 100 militaires tués, depuis l'annonce de la fin des combats majeurs en Irak le 1er mai par le président George W. Bush, a été franchie la semaine dernière, et ce chiffre n'inclut pas le nombre des morts qui ne sont pas dus à des situations de combats, comme les accidents de la route ou les suicides. Les conservateurs estiment que les médias font preuve d'une obsession morbide pour ces bilans, alors que les experts, situés plutôt à gauche, affirment, au contraire, que l'Administration Bush fait pression sur la télévision et la presse écrite pour qu'elles ne s'attardent pas sur ce thème. «C'est un vieux clivage, qui repose sur le mythe selon lequel la guerre du Vietnam a été perdue à cause d'une couverture médiatique trop négative», explique Mark Miller, professeur sur les médias à l'université de New York. Mais les experts sont d'accord dans l'ensemble pour estimer que la plupart des télévisions, tout en évoquant les décès, ont mis la question des bilans en veilleuse. «Au début, la couverture (des événements par les médias, ndlr) était plus personnalisée», rappelle Christopher Simpson, professeur de communications à l'Université américaine de Washington. «Nous voyions des photos, nous avions des noms. Mais avec l'accumulation des morts, (la couverture) est devenue plus anonyme, plus dépersonnalisée», note-t-il. Récemment, le journal new-yorkais Newsday a publié les photos et un bref portrait de cinq militaires tués en Irak, accompagnés d'un commentaire acerbe. «Des gens obscurs meurent dans l'obscurité. Les journalistes aux ordres ne ressentent pas le besoin d'écrire sur eux. Seuls les gars qui se trouvaient près d'eux savaient de quoi ces morts étaient faits», indiquait le texte. Les séquences de cercueils recouverts du drapeau américain sont censées avoir un énorme impact sur l'opinion américaine et pendant plus de 10 ans, photographes et équipes de télévision étaient interdits d'accès à la base aérienne de Dover (Delaware, est), où sont déposés les restes des GI tués sur les théâtres extérieurs. Cette interdiction a été renouvelée en mars, à la veille du déclenchement de la guerre en Irak.