Résumé de la 41e partie n Plusieurs années en prison et une famille abandonnée, Nicky a le pressentiment qu'il a tout perdu : sa femme et ses enfants. Il se sent responsable de la souffrance des siens. «Voudras-tu dîner à ton retour ? demanda Marie. Je dis ça parce que je suis de garde de midi à neuf heures du soir. Veux-tu que je te laisse quelque chose dans le réfrigérateur ? — Laisse tomber.» Il resta silencieux pendant qu'ils roulaient sur l'autoroute de Fort Hamilton, traversaient le tunnel de Brooklyn-Battery, arrivaient dans le bas de Manhattan. Au club, rien n'avait changé. Toujours la même devanture crasseuse à l'extérieur. A l'intérieur, la table de jeu et les chaises étaient prêtes à accueillir les joueurs ; il retrouva la grosse machine à espresso ternie, le téléphone dont tout le monde savait qu'il était sur écoute. La seule différence était l'attitude du clan. Bien sûr, ils se pressèrent tous autour de lui, lui présentèrent leurs respects, sourirent, des sourires factices de bienvenue. Mais il n'était pas dupe. Il fut heureux quand vint l'heure de se rendre à Mulberry Street. Mario, le propriétaire du restaurant, parut sincèrement heureux de le revoir. La salle privée était préparée à leur intention. Les pâtes et les entrées étaient celles qu'il préférait avant son incarcération. Nicky commença à se détendre, sentit revenir en lui un peu de son énergie ancienne. Il attendit que le dessert fût servi, des cannoli accompagnés d'un espresso noir et fort, avant d'examiner l'un après l'autre les visages des dix hommes assis autour de lui, comme deux rangées identiques de soldats de plomb. Il hocha la tête, regardant ceux qui se trouvaient sur sa droite, puis ceux qui étaient à sa gauche. Deux parmi eux étaient nouveaux pour lui. Le premier lui parut correct. L'autre portait le nom de «Carmen Machado». Nicky l'examina attentivement. La trentaine, des cheveux et des sourcils épais et noirs, le nez pointu, maigre mais vigoureux. Faisait partie du clan depuis trois, quatre ans. En taule pour vol de voiture quand Alfie avait fait sa connaissance, dirent-ils. Instinctivement, Nicky ne lui fit pas confiance. Il cuisinerait Joey pour voir ce qu'ils savaient réellement sur lui. Ses yeux s'arrêtèrent sur Joey. Joey, sorti au bout de six ans, et qui avait pris le commandement pendant que lui, Nicky, restait à l'ombre. Le visage rond de Joey était creusé de rides qui passaient pour un sourire. Joey ressemblait au chat qui a avalé le canari. Sa poitrine le brûlait. Soudain le dîner lui pesait sur l'estomac. «Bon, raconte-moi, ordonna-t-il à Joey. Quels sont tes projets ?» Joey continuait à sourire. «Avec tout le respect que je te dois, j'ai de grandes nouvelles pour toi. Nous savons tous ce que tu ressens pour Kearny. Ecoute. Il y a un contrat lancé pour éliminer sa fille. Et ce n'est pas nous. Steuber veut sa peau. C'est presque un cadeau pour toi.» Nicky bondit sur sa chaise et tapa du poing sur la table. Blême de rage, il martela le plateau de chêne. «Pauvres cons ! hurla-t-il. Vous n'êtes qu'une bande d'empaillés ! Débrouillez-vous pour le résilier.» Il eut une impression fugace en regardant Carmen Machado, et sut soudain qu'il était en présence d'un flic. «Faites-le résilier. Je vous dis de l'annuler, compris ?» La physionomie de Joey refléta tour à tour la peur, l'inquiétude et la pitié. (à suivre...)