Résumé de la 71e partie n La jalousie ronge Jack. Il veut savoir s'il existe un homme dans la vie de Neeve. Elle suivit son parcours habituel. Grand View jusqu'à Lincoln Avenue, un kilomètre et demi en ville, contourner l'arrêt du bus et retour à la maison. Avec l'agréable impression du devoir accompli, elle se débarrassa de son survêtement et de ses sous-vêtements dans la corbeille à linge de la salle de bains, prit une douche, enfila un pyjama d'intérieur et s'examina dans la glace. Elle avait toujours été mince et gardait raisonnablement sa ligne. Les rides autour des yeux étaient peu profondes. Son coiffeur était parvenu à retrouver le roux naturel de ses cheveux. «Pas mal, dit Kitty à son reflet, mais grands dieux, dans deux ans j'aurai soixante ans !» C'était l'heure des informations de dix-neuf heures et évidemment celle de prendre un sherry. Kitty traversa la chambre et s'apprêtait à gagner le couloir quand elle s'aperçut qu'elle avait laissé allumée la lumière de la salle de bains. L'économie protège du besoin, ne gaspillons pas l'électricité. Elle retourna dans la salle de bains et tendit la main vers l'interrupteur. Ses doigts se figèrent. La manche de son sweat-shirt bleu dépassait de la corbeille. La peur, comme un étau glacé, serra la gorge de Kitty. Elle sentit sa bouche se dessécher, ses cheveux se hérisser sur sa nuque. Cette manche. Il devait y avoir une main. Hier. Quand son cheval s'était emballé. Le bout de plastique qui lui avait frôlé la joue. La vision brouillée d'un morceau de tissu bleu avec une main. Elle n'était pas folle. Elle avait vu une main. Kitty oublia de prendre les nouvelles de dix-neuf heures. Elle s'assit devant la cheminée, penchée en avant sur le canapé dégustant son sherry. Ni le feu ni le sherry n'apaisèrent le froid qui la pénétrait jusqu'à la moelle. Fallait-il appeler la police ? Et si elle s'était trompée ? Elle aurait l'air d'une courge. Je ne me suis pas trompée, se dit-elle, mais j'attendrai demain. Je vais retourner en voiture jusqu'au parc, retrouver le talus. J'ai bien vu une main, mais celui ou celle à qui elle appartient n'a plus besoin d'aide. «Tu dis que le neveu d'Ethel est dans l'appartement ? demanda Myles tout en remplissant le seau à glace. Il a donc emprunté de l'argent et l'a ensuite remis à sa place. Ce sont des choses qui arrivent.» Une fois encore, l'explication raisonnable que proposait Myles des circonstances qui entouraient l'absence d'Ethel, les manteaux d'hiver et maintenant les billets de cent dollars, donnèrent à Neeve l'impression d'être une idiote. Elle se félicita de n'avoir pas raconté à Myles son entrevue avec Jack Campbell. En rentrant, elle était allée se changer et avait passé un pantalon de soie bleue et un chemisier assorti. Elle s'attendait à ce que Myles dise : «Très chic pour servir la bouffe !» Mais son regard s'était adouci en la voyant entrer dans la cuisine, et il avait dit : «Ta mère était toujours ravissante en bleu. Tu lui ressembles de plus en plus.» Neeve prit le livre de cuisine de Renata. Elle avait prévu du melon au jambon, des pâtes au basilic, une sole farcie aux crevettes, une jardinière de petits légumes, une salade d'endive et de mâche, du fromage et une charlotte. Elle feuilleta le livre jusqu'à la page ornée de croquis. Evitant de les regarder, elle se concentra sur les instructions inscrites par Renata sur le temps de cuisson requis pour la sole. (à suivre...)