Magasin n La devanture est très agréable à regarder, des vêtements de femmes très colorés, sont pour certains accrochés et pour d'autres portés par des mannequins inertes. La boutique qui se situe sur une grande artère à El-Biar appartient à Réda. Ce commerçant est connu pour être un «touche-à-tout» comme le qualifient ses amis. «Il change d'activité comme il change de chemise. D'ailleurs, pour venir le voir on ne prend jamais pour repère sa vitrine, mais celle de ses voisins», plaisantent ses amis devant lui. «Le commerce, c'est comme ça. Il faut savoir s'adapter. Rien n'est stable, rien n'est constant», explique avec philosophie ce commerçant de 38 ans. Pour Réda, la reconversion est une affaire de «vie ou de mort.» «Tu ne réussiras jamais dans le commerce si tu n'as pas de petites combines bien à toi. Le pouvoir d'achat des Algériens est en baisse perpétuelle, les taxes sont lourdes et les clients rares. Nous sommes donc obligés, nous, commerçants, de nous débrouiller pour ne pas fermer boutique.» «Tout le monde fait ça. Et dans beaucoup de cas légalement. Sinon comment expliquer qu'un commerçant en alimentation générale vende du pain dans sa boutique, ou qu'un boucher présente du «couscous» ou de la «rechta» et du persil dans sa vitrine. Un taxiphone qui commercialise des bonbons et des cigarettes dans sa boutique, ça vous semble normal ?» s'interroge notre interlocuteur. Réda qui ne cherche «pas à avoir une villa avec piscine, mais juste de quoi pouvoir, demain, faire face aux dépenses imprévues» voit la vie d'un commerçant en Algérie très instable. «Rien n'est constant. Le commerce chez-nous est occasionnel. Par exemple, les Algériens n'achètent de vêtements que pour la rentrée sociale, Aïds, noces… en dehors de ces périodes, je ne vends presque rien. Et pendant ce temps, les charges, elles, ne diminuent pas. Alors je suis obligé de m'adapter.» Sur la reconversion pendant le ramadan, Réda avoue qu'il a lui-même pratiqué «ce sport national.» «Ici, dans cette boutique, avec mon cousin; qui avait acquis la recette pour la préparation de la zlabia. C'était très facile à faire est très lucratif. Je ne peux pas vous dire exactement combien cela m'a rapporté, mais sachez que c'est quand même quelques millions de centimes non imposables puisque non déclarés.» «Mais, poursuit-il, cela fait plus de deux ans que j'ai arrêté ce genre d'activité. D'abord parce que, depuis l'année dernière, les contrôles sont très stricts à ce sujet et le prix à payer — la fermeture immédiate du commerce – très lourd. Mais aussi, les clients sont devenus de plus en plus exigeants, ils sont prêts à faire plusieurs kilomètres en voiture pour avoir la meilleure zlabia des environs. Et puis, il y a encore une autre raison, c'est que le ramadan de cette année est accompagné de la rentrée scolaire donc, pour nous les commerçants c'est une aubaine. Il n'y a qu'à voir ces jours-ci. La journée ce sont les marchés et les boulangeries-pâtisseries qui sont pleins de monde, et le soir ce sont plutôt les magasins de vêtements et d'articles scolaires. Donc, il y a à manger pour tout le monde.»