Moïra ! Veux-tu aller chercher mon chapeau de paille vert dans ma chambre ? Gena vient de s'adresser à sa cousine Moïra. Elle est bien plus âgée que Moïra : sept ans de plus. Elle a seize ans et Moïra neuf seulement. — Moïra ! Tu m'entends ? Aucune réponse. Moïra n'est plus là. Mais si ! La voilà qui sort de la maison. Elle tient le chapeau de paille vert de Gena à la main. C'est quand même étrange. Elle est partie avant même que sa cousine ne le lui demande, et elle revient justement avec le chapeau de paille vert. Pas le rose ni le bleu ni le blanc... le vert. — Merci, mon chou ! Mais comment as-tu su que je voulais mon chapeau vert ? — Je ne sais pas. J'ai deviné que tu allais me demander d'aller le chercher... C'est ainsi que Gena Bigelow et Moïra Harbell en viennent à se demander s'il n'existe pas entre elles deux, une possibilité extraordinaire de communication : la télépathie. — On va voir : je vais penser très fort à quelque chose et tu vas essayer de deviner à quoi je pense. Moïra ferme les yeux pour mieux se concentrer. Gena fait de même pour projeter une image mentale vers sa petite cousine. — Tu penses à James Philips ! — Gagné ! Mais c'était trop facile. Nous en avons parlé ce matin ! On recommence ! Nouvel essai. Les deux jeunes filles observent une nouvelle minute de concentration : — Je vois le perroquet de tante Karyn. — Tout juste ! C'est formidable ! On va essayer dans l'autre sens. Cette fois, c'est Moïra, la plus jeune, qui se concentre pour lancer une image mentale vers l'esprit de sa cousine Gena. Gena qui, après un court instant, lance : — Je vois les confitures de groseilles dans le placard ! — Oui, c'est ça ! Ça me donne faim. Et les deux cousines décident d'aller voir si les confitures de groseilles sont toujours aussi bonnes. Bientôt, hélas, les deux cousines sont séparées. Gena est en âge d'aller poursuivre ses études à l'université. Mais elle est trop belle, trop blonde, ses yeux sont trop verts. A Melbourne, elle est vite la «vedette» du campus universitaire. Les compliments pleuvent : — Avec votre silhouette et votre allure vous devriez tenter votre chance comme mannequin ! Gena réfléchit quelque temps. Très peu de temps. Et elle se lance. Séances de poses, défilés de collections, prises de vue en maillot de bain sur les plages de sable immaculé. La vie de mannequin, bien qu'un peu aléatoire, a du charme. Gena fréquente un milieu de gens riches, bien éloigné de celui où sa mère, la tante Karyn de Moïra, a vécu toute sa vie... — Moïra, tu en fais une tête ! Tu boudes ? — Non, je m'ennuie de Gena. Vivement que je puisse aller la rejoindre à Melbourne. Elle a l'air de vraiment s'amuser là-bas. Mais le destin en décide autrement. Le père de Moïra se méfie de la grande ville et de ses tentations. Pas question pour Moïra d'aller poser à moitié nue pour des magazines. D'ailleurs, il faut bien l'avouer, Moïra est beaucoup moins jolie que sa cousine... Alors Moïra Harbell se contente de vivre la grande vie à travers ce que sa cousine lui en laisse apercevoir lors de ses rares visites... Moïra Harbell vient d'avoir vingt ans. Elle est en voiture et roule sur une petite route tranquille. Soudain, elle prend conscience qu'un véhicule jaune, une Rover, la suit de très près. Pourquoi si près sur cette route rectiligne et déserte ? Si le conducteur est pressé, il n'a qu'à la dépasser. Dans le rétroviseur, Moïra distingue deux visages dans l'autre véhicule. Deux hommes. Soudain le conducteur de la Rover se décide à accélérer. Il double la petite Ford de Moïra et lui fait une queue de poisson, l'obligeant à stopper en catastrophe sur le bas-côté herbeux de la route. (à suivre...)