C'était le 16 janvier 1992. Un des membres fondateurs du Front de libération nationale (FLN) foulait, pour la première fois depuis son départ en exil au Maroc où il dirigeait une briqueterie, le tarmac de l'aéroport international Houari-Boumediene. Il avait été rappelé, à l'âge de 73 ans, pour devenir président du Haut -Comité de l'Etat (HCE) après la «démission» de Chadli Bendjedid. «Répondant spontanément à l'appel de son pays pour lequel il a passé la moitié de sa vie dans la lutte et la seconde en exil, sans demander de reconnaissance aucune, estimant qu'il n'avait fait que son devoir, Mohamed Boudiaf est revenu en Algérie le 16 janvier 1992», indique la fondation qui porte aujourd'hui son nom et qui est présidée par sa veuve, Mme Fatiha Boudiaf. Elle ajoute : «Sa droiture, sa franchise, sa loyauté étaient, pour ceux qui l'ont sollicité, ce qu'il fallait à l'Algérie pour retrouver le chemin qu'elle venait de perdre, la lumière qui allait la guider pour éviter l'obscurantisme qui voulait l'envelopper de ses ténèbres.» «Tayeb El-Watani», sollicité en urgence le 2 janvier de la même année, accepte la proposition. «Il a accepté de relever un défi très difficile. Il s'y est attelé dès sa descente d'avion : il a entrepris de dynamiser tous les chantiers en souffrance en Algérie, à commencer par l'établissement d'une démocratie réelle, l'entame de réformes économiques importantes et la lutte contre la corruption qui gangrenait le pays. A la tête du Haut-Comité de l'Etat, il a voulu rétablir l'équilibre brisé de son pays et redonner l'espoir à une jeunesse perdue et presque sans repères», témoigne sa veuve. Sauf que l'auteur de «Où va l'Algérie ?» a été «sacrifié sur l'autel de la bêtise», pour reprendre les propres termes de sa veuve. Après six mois passés à la tête du Haut-Comité de l'Etat, il a été «liquidé». C'était le 29 juin. Alors qu'il prononçait un discours devant les cadres de la nation à Annaba, le président du HCE recevra une rafale. Il a été assassiné.