Le bon père est mort ! Le bon père est mort ! La nouvelle se répand comme une traînée de poudre, selon l'expression consacrée, dans Annaya, un petit village du Liban. Quel est ce bon père ? Simplement Youssel Maklouf, prêtre maronite connu en religion sous le nom de père Charbel. — Alors, le bon père Charbel est mort ! Quelle tristesse ! Quel âge avait-il ? — Soixante-dix-huit ans, il ne faut pas espérer de miracle. Dieu l'aura certainement accueilli dans Son Paradis. C'est un signe qu'il ait choisi de le rappeler à Lui dans la nuit de Noël ! Sans doute, et même avec beaucoup plus d'honneurs que les autres si l'on en croit la suite de cette histoire qui n'est en fait qu'une longue liste de témoignages. Le père Charbel avait depuis longtemps choisi de vivre en solitaire et de se consacrer à la prière dans un petit ermitage éloigné du village. Autour de lui, la montagne et les cèdres du Liban dont les ancêtres servirent, dit-on, à construire la charpente du temple de Salomon. Le supérieur de la communauté donne donc les ordres qui s'imposent : — Nous allons déposer la dépouille mortelle de notre cher père Charbel dans le tombeau de la communauté, juste à côté de l'église ! C'est ce qui est fait. Le tombeau est une pièce en contrebas de la chaussée. Les moines ont soigneusement rassemblé sur un côté les crânes et autres ossements, restes des moines morts avant le père Charbel. On pose le corps de celui-ci sur une sorte de marche. Puis on referme la tombe et on en obture l'entrée avec une grosse pierre que l'on recouvre de terre. Il ne reste plus qu'à le laisser en paix dans ce «pourrissoir» jusqu'à ce que la nature l'ait réduit à l'état de squelette… Dans les jours qui suivent, le préfet de la région, Cheikh Mahmoud Hémadé, se voit contraint de réunir quelques hommes : — Nous allons devoir faire une expédition du côté de la montagne et du monastère de Saint-Maron, à Annaya. J'ai reçu des renseignements selon lesquels la troupe de bandits qui a dévalisé plusieurs voitures s'est réfugiée dans le secteur. Nous opérerons cette nuit de manière à les surprendre ! Personne n'aurait dans l'idée de discuter les ordres du Cheikh Mahmoud Hémadé. Les hommes qui vont faire partie de l'expédition punitive se préparent. En espérant que tout se passera bien. Quelques heures plus tard, ils se retrouvent sur leurs chevaux aux abords du monastère de Saint-Maron, progressant en silence pour surprendre les bandits qui pourraient traîner dans le secteur : — Chef, vous voyez cette lumière ? — Oui, ça vient du monastère. Je ne savais pas qu'ils avaient fait installer l'électricité ! — Mais non, ils s'éclairent toujours à la chandelle et avec des lampes à gaz. Mon cousin travaille pour eux ; il m'aurait certainement informé si les bons moines s'étaient équipés. La petite troupe avance, contourne le monastère et se retrouve près de l'église : le mur oriental du monastère est éclairé comme en plein jour. — Mais qu'est-ce que c'est que cette lumière ? On dirait qu'elle vient d'en face. C'est quoi, cette espèce de petit bâtiment ? — C'est le tombeau où l'on dépose les moines à leur mort. — Et c'est ça qui éclaire tout ? Il faut demander au supérieur du monastère si par hasard les brigands n'auraient pas pu trouver refuge dans le tombeau. Le supérieur des maronites, le père Antoine El Michmichani, ne dissimule pas son étonnement devant cette histoire. — Vous dites que vous avez vu de la lumière provenant du tombeau ? Impossible ! Tenez, venez d'ailleurs le constater vous-même. (à suivre...)