Débat n La sécurité routière concerne tout le monde. Les auto-écoles en premier lieu, mais ces dernières exigent d'abord que leur métier soit sécurisé par rapport aux multiples dérives auxquelles elles sont exposées. Censé amener les personnes à bien conduire un véhicule motorisé, le permis de conduire, ce précieux document qu'on prépare d'abord à l'auto-école, est devenu en Algérie un véritable problème. Un dilemme ! Face à l'hécatombe des accidents de la route qui tuent annuellement plus de 4 000 personnes en moyenne, en plus des milliers de handicapés à vie, des traumatismes difficiles à panser et des milliards de dinars de préjudices pour le Trésor, les pouvoirs publics, par l'entremise du ministère des transports, ont voulu révolutionner le permis de conduire. Du permis ordinaire, on compte passer au permis à points, des cours traditionnels aux cours informatisés. Les auto-écoles professionnelles sont ainsi censées céder la place aux auto-écoles «échoppes», mais la révolution n'est pas près de franchir le Rubicon. Beaucoup reste à faire et les anciens propriétaires des auto-écoles le disent haut et fort : «Nous avons plus de 40% d'illettrés dans notre pays. Comment voulez-vous que cette catégorie de personnes puissent répondre le jour de l'examen par le biais de l'outil informatique», fulmine M. Aoudia, président du comité national des auto-écoles. Revenant sur les problèmes auxquels font face les 6 000 auto-écoles inventoriées à travers le territoire national, notre interlocuteur signale d'abord l'épineux problème des circuits d'apprentissage de conduite quasi inexistants et qui, quand ils existent, sont «situés soit au milieu de marché de négoce, soit en plein centre-ville avec tous les désagréments qu'on imagine». «Le problème des circuits est récurrent. Il existe des circuits qui sont situés en plein milieu de marchés hebdomadaires et en plein centre-ville. C'est l'exemple des circuits de Rouiba, de Gué-de-Constantine, de Mohammadia, de Boudouaou et de Boumerdès», s'emporte-t-il, tout en posant l'éternelle question : «Comment voulez-vous qu'un candidat puisse apprendre à conduire en regardant passer à longueur de journée un défilé de camions et des milliers de gens en train de négocier ?» M. Aoudia pense, par ailleurs, qu'il est anormal que le comité qu'il préside «n'ait jamais été sollicité par le ministère de tutelle, le ministère des transports» qui, à ses yeux, «fait comme bon lui semble» alors que, «les auto-écoles doivent être les premières concernées par tout ce qui touche au code de la route, au permis de conduire et à la sécurité routière». Plus grave encore, à son avis, c'est qu'«au lieu d'être sollicité, on nous colle l'étiquette de la tchippa». «Je ne dis pas que la corruption n'existe pas. Il y a des examinateurs et des auto-écoles qui s'y adonnent, nous les avons toujours dénoncés. Mais le phénomène n'a pas l'ampleur qu'on lui prête. D'ailleurs, la loi stipule clairement que le candidat doit impérativement signer sa présence dans le circuit le jour de l'examen», argumente-t-il clairement. Détenir le permis de conduire n'est jamais, précisons-le, une fin en soi. Pour preuve : «90% des instructeurs disent aux candidats que le permis de conduire est une arme à double tranchant. Celui qui manie maladroitement une arme à feu, soit il tue autrui, soit il se tue. Pour le permis de conduire, c'est presque la même chose.»