InfoSoir : Comment évaluez-vous l'évolution de notre marché du travail depuis l'indépendance à ce jour ? ll M. Nouad : Le marché du travail est très lié au système de fonctionnement économique du pays, on peut le caractériser par trois phases. Une phase d'euphorie durant les décennies 1960-70 avec des programmes intensifs d'investissement qui a même entraîné l'exode rural au détriment du développement de l'agriculture. Une phase du déclin (décennies 1980-90) caractérisée par une période de restructuration des entreprises et la baisse des revenus liés aux hydrocarbures suivie de la décennie noire qui a engendré un fort taux de chômage. La troisième phase de relance économique avec comme impact la création d'emplois qui a baissé sensiblement le taux de chômage. Un commentaire sur la nouvelle stratégie lancée par le ministère du Travail et de la sécurité sociale... ll Elle vient compléter les mécanismes déjà existants «emplois des jeunes» avec une nouvelle formule. Notre patronat (Onpe) a accueilli favorablement cette initiative. Elle va permettre l'utilisation de la ressource humaine universitaire capable d'évoluer et de faire promouvoir l'entreprise en développant le potentiel compétitif et technologique de celle-ci. Peut-on s'attendre à une baisse réelle du chômage tel que cela a été annoncé par les autorités, après la mise en application de ce nouveau dispositif ? ll L'Etat va accompagner à la fois l'employé et l'employeur par le biais de subventions et autres mesures fiscales incitatives pendant une durée déterminée. Au terme de celle-ci, la préservation des emplois est subordonnée à une croissance économique significative susceptible d'entraîner dans son sillage l'essor de l'entreprise et une réelle dynamique économique. Donc la baisse du chômage est proportionnelle à la croissance économique. Et celle-ci reste tributaire de la volonté de l'Etat d'aider efficacement les entreprises algériennes. Les indicateurs annoncés vont vers cette direction, notamment par le volet formation des demandeurs d'emploi qui sera pris en charge pendant six mois par l'Etat. Par conséquent, la demande sera bien ciblée et la probabilité d'avoir un emploi permanent est élevée. Notons que l'objectif est de relever le taux annuel de recrutement durable de 12% à 33% pour le contrat de type CID. Donc, ce projet en cours plus ceux développés par l'Ansej et la Cnac au profit des jeunes porteurs de projets créateurs d'emploi et de richesses vont sûrement contribuer à la baisse du taux de chômage si les outils de suivi et de réalisation sont mis en place et que les parties concernées par le pacte social jouent réellement le jeu. Ne faut-il pas craindre que les employeurs profitent de cette procédure pour avoir une main-d'œuvre gratuite sans pour autant la recruter définitivement ? ll Certes le risque existe, mais cette nouvelle stratégie se veut aussi un moyen de faire oublier l'échec des dispositifs précédents qui ont montré leurs limites sur le terrain. Cette politique donnera aux entreprises la possibilité de disposer de ressources humaines diplômées qui leur permettront d'évoluer dans un environnement compétitif et de mieux s'inscrire dans l'innovation technologique. Pour limiter ce risque, il faut inscrire cette stratégie dans la mise à niveau des entreprises et également dans la mise en œuvre de la stratégie industrielle adoptée il y a une année déjà. n Selon le Dr Nouad, la question de l'inadéquation doit être cernée en créant une plate-forme de concertation avec l'ensemble des acteurs (patronat, université, centres de formation et pouvoirs publics). Selon lui, «les infrastructures et les moyens de formation existent, mais ne répondent pas suffisamment et efficacement aux multiples demandes exprimées». Cela peut s'expliquer, estime-t-il , par «les difficultés rencontrées sur le terrain par les organisations patronales à pouvoir s'organiser en conséquence afin d'être à même d'exploiter en temps utile et réel les énormes potentialités que recèle le pays dans ce domaine». La solution consiste donc «à créer une véritable passerelle entre les deux parties et pourquoi ne pas aller vers une formation à la carte conventionnée».