Résumé de la 6e partie n Dans l'avion en partance pour le Kansas, Amelia profite pour se documenter sur son futur reportage.... Seigneur ! Et puis, grâce à ça, elle pourrait s'offrir des semaines de restaurant une fois de retour. Ses amis new-yorkais riraient tellement au récit de ses aventures qu'ils crieraient grâce. Amelia rangea ses papiers, mais laissa allumé le petit projecteur encastré au-dessus de son siège. L'avion volait à travers une couche de nuages qui obscurcissait la cabine. Amelia ne craignait pas spécialement la tempête, ou les secousses de l'atterrissage. Mais elle aimait cette petite lampe qui l'entourait d'un halo de lumière rassurant dans la pénombre de la cabine. Elle comprit qu'elle était arrivée en apercevant la tête d'un chameau au-dessus d'une clôture. Derrière le chameau — le dromadaire, rectifia-t-elle, en constatant qu'il n'avait qu'une bosse se trouvaient plusieurs zèbres, dont un adorable poulain qui gambadait en décrivant des cercles autour de ses aînés. Au volant de sa voiture de location, Amelia longea un autre pré dans lequel d'énormes autruches déployaient leurs ailes magnifiques pour les faire claquer au-dessus d'elles. Elle fut tentée de croire, comme Dorothy dans Le Magicien d'Oz, qu'elle «n'était plus au Kansas». Mais un grand panneau proclamait : BlENVENUE À L'AUBERGE SERENGHETI. Et, dessous : Bed & Breakfast. Plus loin, pour qui en aurait douté, un autre écriteau annonçait d'une écriture élégante : ANIMAUX EXOTIQUES. Et les nouveaux arrivants étaient prévenus : Visites autorisées uniquement. Amelia s'engagea sur l'allée de gravier. Elle s'arrêta le long d'une clôture pour regarder les autruches qui vinrent aussitôt vers elle en hâtant le pas pour la regarder. Et, tandis qu'elles la f1xaient en battant de leurs paupières blanches, Amelia se sentit soudain au bord des larmes. Jadis, à une époque qui lui semblait désormais si lointaine, elle avait rêvé de devenir «médecin des bêtes». Et pas seulement des chats et des chiens. Elle voulait être la vétérinaire de tous les animaux. — Vous êtes d'assez grosses bêtes, dit-elle aux autruches. Mais je ne pensais pas vraiment à vous. A des chevaux, plutôt, à des vaches, et même à des moutons. Un cabinet quelque part en Nouvelle-Angleterre où elle avait passé des étés chez ses grands-parents. La campagne. Les pâturages. Mais le rêve avait tourné au cauchemar. Et elle avait bifurqué vers des études de journalisme sans se soucier réellement du diplôme qu'elle décrocherait et du métier qu'elle exercerait, ni même de ce que serait son avenir. Elle avait, en réalité, perdu toute notion de ce qu'on appelait l'«avenir». Le temps se divisait pour elle entre «avant» et «maintenant», et il n'y avait plus de «demain». Soudain furieuse contre elle-même (sa grand-mère n'avait jamais toléré qu'on «se vautre dans l'autoapitoiement comme le porc dans sa fange»), Amelia renifla, cligna des yeux et se hâta vers la maison blanche qui attendait au bout de l'allée. (à suivre...)