Johan Paul Friedrich Richter, qui signe Jean-Paul, est un écrivain allemand (1763-1825) poète et auteur de nombreux romans. Il a également écrit beaucoup sur le rêve et, dans plusieurs passages, il fait allusion au rêve lucide. «Lorsque, vers le matin, je me suis volontairement rendormi, une première rêverie, où je perds successivement des objets que je cherche, me donne la consolante pensée que je rêve. Aussitôt, j'acquiers la certitude de rêver en tentant de voler, et en y parvenant. Ce vol tantôt planant et tantôt montant tout droit, les bras battant l'air comme des rames, est, pour le cerveau, un véritable bain d'éther, voluptueux et reposant, si ce n'était que le tournoiement trop rapide de mes bras de rêve me fait éprouver un vertige et craindre un engorgement du cerveau. Réellement heureux, exalté dans mon corps et mon esprit, il m'est arrivé parfois de m'élever tout droit dans le ciel étoilé, saluant de mes chants l'édifice de l'Univers. Dans la certitude, à l'intérieur de mon rêve, de tout pouvoir et de ne rien tenter, j'escalade à tire-d'aile des murs hauts comme le ciel, afin de voir par-delà apparaître, soudain, un immense paysage luxuriant ; car, selon les lois de la représentation et les désirs du rêve, l'imagination doit recouvrir de montagnes et de prairies tout l'espace d'alentour ; et chaque fois elle le fait. Je grimpe sur des sommets, afin de m'en précipiter par plaisir ; et je me souviens encore de la jouissance toute nouvelle que j'éprouvai, lorsque, m'étant jeté du haut d'un phare dans la mer, je me berçai, fondu parmi les ondes écumantes à perte de vue.»