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Ces hôpitaux où l'on ne trouve plus de médicaments Des patients hospitalisés contraints d'acheter des produits de santé pour espérer recevoir leurs soins
Photo : S. Zoheir Par Abderrahmane Semmar L'indisponibilité de médicaments au sein des hôpitaux continue de susciter de vives polémiques. Malgré toutes les assurances affichées par le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, à maintes reprises, des médecins praticiens et des paramédicaux sont montés au créneau pour tirer la sonnette d'alarme et dénoncer l'absence d'approvisionnement des infrastructures hospitalières en produits pharmaceutiques. Preuve en est, l'été dernier, des sources médicales de plusieurs établissements sanitaires de la wilaya de Béjaïa n'ont pas hésité à exprimer leur inquiétude concernant le manque de médicaments utilisés dans des cas d'urgence. Le personnel médical de cette wilaya éprouvait beaucoup de peine à soulager, sinon à prendre en charge, des cas urgents, notamment en l'absence d'Adrénaline et de Dobutrex, indiqués dans les états de choc et en réanimation cardiaque. Durant la même période, à l'hôpital de Bordj Bou Arreridj, la pénurie de médicaments a été estimée par le personnel médical local à 90%. Dans cette ville de l'est du pays, la situation était telle que les malades étaient tout simplement contraints de procéder à l'achat de produits de santé pour recevoir des soins à l'hôpital. Ainsi, selon plusieurs sources médicales concordantes, ils sont légion dans notre pays ces hôpitaux sous-équipés et touchés de plein fouet par une pénurie criante de médicaments. Les wilayas des Hauts Plateaux et du Sud sont, selon de nombreuses enquêtes, les plus exposées à ce problème. Des médicaments comme le Ranitidine, sous forme injectable, qu'on appelle en termes médicaux Azantac, indiqué dans les crises d'estomac et les maladies ulcéreuses, et certains produits consommables, à titre d'exemple les cathéters centraux utilisés dans les services de réanimation, sont tout simplement absents dans de nombreux hôpitaux des régions enclavées. Ce constat amer risque, malheureusement, de perdurer encore longtemps dans plusieurs structures hospitalières de plusieurs wilayas intérieures du pays. La raison avancée pour expliquer cette situation est que d'infimes quotas de certains produits pharmaceutiques existent au niveau des pharmacies locales de ces hôpitaux. Et pour cause, la Pharmacie centrale d'Alger n'arrive pas toujours à satisfaire en quantités suffisantes leurs commandes de médicaments. Cependant, intervenant sur ce dossier, M. Boudiba Abderrahmane, expert en pharmacie auprès du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, a affirmé récemment sur les ondes de la chaîne III que toutes les infrastructures hospitalières sont approvisionnées en produits nécessaires pour les malades hospitalisés. «Si l'on prescrit à un malade hospitalisé des médicaments et qu'on lui demande de les acheter à l'extérieur de l'hôpital, ce dernier a le droit de saisir la tutelle», a-t-il également déclaré à ce sujet. De plus, pour ce responsable du département de Barkat, «lorsqu'un malade est admis à l'hôpital, il bénéficie d'une prise en charge totale par rapport à son traitement». Et dans le cas contraire, celui-ci peut réclamer son droit au traitement. A cet effet, selon M. Boudiba, tous les médicaments sont disponibles au niveau des infrastructures hospitalières, à l'exception de certains produits. «Pour certains produits, le ministère de la Santé a mis en place un texte réglementaire qui stipule que, même si le produit n'est pas enregistré, il est mis à la disposition des malades par le biais d'une ATU [Autorisation temporaire d'utilisation]», précise-t-il. Pour étayer ses propos, M. Boudiba Abderrahmane a révélé qu'actuellement des réformes sont entreprises par le ministère de la Santé pour assurer l'approvisionnement des officines hospitalières en médicaments. En plus de cela, une nomenclature hospitalière est prévue dans ce cadre et sera mise à la disposition du malade. Toutefois, dans ce sillage, le même responsable n'a pas écarté que, dans certaines structures, «il peut survenir, parfois, une rupture d'approvisionnement de certains produits, mais on ne peut parler de pénurie à travers le territoire national», démentant ainsi de façon catégorique les SOS lancés e part et d'autre par de nombreux patients et praticiens de la santé. Sur un autre chapitre, d'autres acteurs du secteur sanitaire préconisent l'encouragement de la production pharmaceutique nationale, seule solution à leurs yeux pour venir à bout de la pénurie de médicaments, dans les hôpitaux comme dans les officines. Pour ce faire, une liste établie par le ministère de la Santé, en collaboration avec les producteurs nationaux, visant la suspension de l'importation des produits fabriqués localement, comportant 70% de produits essentiels, dont des médicaments destinés aux maladies chroniques, devrait entrer prochainement en vigueur. Mais, de leur côté, les pharmaciens ne partagent pas cet optimisme qu'ils jugent «exagéré» et déplorent toujours la pénurie de certains médicaments, pourtant essentiels dans le traitement de maladies chroniques. Selon plusieurs pharmaciens que nous avons interrogés à ce sujet, pas moins de 40 médicaments sont indisponibles, dont certains sont très demandés sur le marché national, depuis plus deux mois. Par ailleurs, on nous a signalé également la péremption de plusieurs médicaments. De l'avis de plusieurs pharmaciens, la cause de cette pénurie est imputable, en premier lieu, au retard mis dans la mise en place du programme d'importation et au système de quotas appliqué par le ministère de la Santé. A cela vient s'ajouter le retard dans l'application de la liste des médicaments identifiés par le décret ministériel portant sur l'interdiction d'importation de médicaments produits localement. Cette dernière, adoptée en octobre 2008, attend, à ce jour, d'être mise en vigueur. Dans ce contexte, des médicaments tels que Amelor, Tenormine 50, Délatron, destinés aux malades souffrant d'hypertension, Ana Alfa et Lofinox, pour les insuffisants rénaux, la Ventoline pour les asthmatiques, en plus de certains comprimés contraceptifs, font cruellement défaut dans les pharmacies du pays. C'est dire, enfin, que le problème de disponibilité des médicaments est loin d'être réglé dans notre pays. Et c'est une pure naïveté de croire que les hôpitaux sont à l'abri des ravages suscités par cette pénurie. Car il s'agit bel et bien d'une réalité qui risque d'avoir des conséquences catastrophiques sur la santé de milliers de malades chroniques, surtout si les pouvoirs publics continuent à faire la sourde oreille et se vanter d'avoir résolu le problème. Aujourd'hui, plus que jamais, un malaise général est palpable dans le secteur de la santé.