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Voyage dans la ruine de la Palestine
Israël, cahier bleu de Philippe Jaccottet
Publié dans La Tribune le 08 - 01 - 2009

«Je souffre pour un peuple humilié. La voix de son grand poète, Mahmoud Darwich, me touche profondément. Puis, à la fin d'un défilé parisien pour la Palestine, quand des extrémistes déploient une banderole souillée par l'ignoble inscription “Mort aux juifs”, je bute, une fois de plus, sur l'inextricable.»
«Ceux qui, plus récemment, jetant par-dessus bord toute idéologie et toute règle, parce que toutes perverties, limitatives, arbitraires, ont nourri la jeunesse de l'illusion du bonheur dans l'anarchie, de la fête perpétuelle dans le dérèglement général, ont-ils rien résolu ?»
L'un des plus grands poètes et traducteurs suisses, Philippe Jaccottet, a consacré un livre à un voyage qu'il a effectué, en Israël, le 18 mars 1993. Intitulé Israël, cahier bleu, ce livre est d'une importante portée d'un homme à l'écoute du monde. Loin de l'exotisme de Loti, le livre de Jaccottet est un regard lucide sur les beautés du Moyen-Orient ainsi que son embrasement dont le feu refuse de s'éteindre, et ce qui s'y passe n'est que l'expression d'une barbarie.
Refusant les fausses lumières qui font oublier la triste réalité de tout un continent, Jaccottet note minutieusement tout ce qui échappe à l'œil indifférent et dit combien la plaie est profonde. Majestueusement écrit, ce livre rend aussi visibles quelques opacités dont les médias transforment les tenants et les aboutissants de surcroît dans ces temps de massacres et de mensonges. Il se veut une plongée dans le cœur des lieux même si l'auteur fait remarquer que «pour parler [de profundis], il faut être descendu dans les profondeurs ; pour parler des confins, il faut y avoir été déporté, ou s'y être risqué». Cette remarque dit qu'on ne peut parler à la place du témoin, cela nous rappelle Paul Celan, le poète déporté qu'il cite à l'occasion d'un passage à El Qods, où des amis du poète ont enregistré sa voix : «Faire entendre l'enregistrement, d'ailleurs très émouvant, d'une lecture faite par Paul Celan à Tel-Aviv en 1966», écrit-il. Les pérégrinations qui y sont effectuées traduisent de par la symbolique des lieux toute une charge émotive : «Saint
Sépulcre, Via Dolorosa, Saint Anne, Le mur des lamentations, jardin des Oliviers, Gilboa, le Jourdain, le lac de Tibériade» sont ainsi visités, et il dit dans la douleur des mots ce qui étreint honteusement les hommes.
Il évoque aussi les récits bibliques : «récits bibliques, la grande bataille de Saül contre les Philistins, sa mort et celle de Jonathan». Comme pour dire que le sang a, depuis longtemps, coulé sur cette terre pourtant dite bénie.
Au cœur du texte est interrogé le bleu de l'ecchymose de cet Israël où «les marques de la violence étaient partout en Israël ; les marques sempiternelles de la misère, de l'injustice et de l'âcre haine qui s'ensuit… [la contagion du mal]».
Il tente de tirer matière à réflexion et tempère l'atmosphère houleuse qui prévaut actuellement. Accompagné d'une panoplie de noms : Bach, Chirico, Hôlderlin, Paul Celan, Hugo, Dante, Rûmî, Rembrandt, Lev Brinsky sauvé par l'armée rouge.
Israël, cahier bleu se veut le témoignage d'un homme qui est doué d'un profond sens de l'humain, qui ne se contente pas seulement de tracer pour noircir mais de clarifier, de ne pas se laisser faire par les canons de l'exclusion : «Je ne peux pas me contenter de noter, sans essayer de les comprendre, des impressions aussi peu rationnelles, et aussi contradictoires, en apparence du moins.» Il est aussi de sa mission d'homme de distinguer et de ne point tomber dans la surenchère dont le monde se nourrit aujourd'hui.
Sans emphase et sans merci, Jaccottet s'insurge contre les fanatismes multicolores et écrit : «La prédominance du pire : à savoir, superstition, plus ou moins dérisoire, et fanatisme, toujours effrayant». Il livre une guerre à la surenchère religieuse, il écrit : «Mais le moins qu'on puisse dire est qu'il n'y règne plus [une obscurité favorable à la piété et au recueillement de l'âme] : la vaine curiosité des touristes, trop nombreux où qu'ils soient, et d'autant plus sots, dirait-on, que plus nombreux, l'exaltation fanatique ou niaise de bien des pèlerins, et la coexistence, que l'on sait depuis toujours peu pacifique, des divers courants religieux qui ont la garde des Lieux saints, vous donneraient plutôt le vertige qu'aucun sentiment de ferveur ou de vénération.»
Il y a dans ce livre des passages exprimant pleinement tout le profond malaise des Palestiniens qui vivent clandestinement dans leur propre pays, comme l'indique ce passage :«Un seul [vrai Palestinien], venu là, dit-il, sans y avoir été autorisé par la police israélienne, et assez maladroitement, même si légitimement, agressif ; mais les propos des autres invités, théologiques, lyriques ou symboliques -Michal G. comparant la ville sainte à un sexe de femme sans que la raison, sur l'instant, m'en soit apparu bien claire-, il me semblait qu'ils planaient un peu trop haut au-dessus des réalités prosaïques et brutales dont le Palestinien était comme le douloureux et insistant rappel, que visiblement personne ne semblait très soucieux d'écouter.» En scrutateur, l'auteur de Nuages note des détails qui
dénotent bien la situation et fait comprendre que les extrémismes sont là pour juguler toute forme de vie. Lorsqu'il écrit : «Le lendemain du jour où, à deux ans et demi de ce voyage, j'avais noté ces réflexions, Itzhak Rabin était assassiné par un étudiant juif.» Cela n'est que l'expression d'un refus de mettre fin au sang qui gicle des enfants et tiraille des vies entières.
L'autre mal qui prolifère dans ce climat de violence est inévitablement l'islamisme. L'exacerbation de la violence, faut-il le noter, favorise la propagation de l'islamisme, chose qui ne promettra pas la victoire. Le traducteur de Rilke, d'Hölderlin et de Mann écrit : «Je ressens ce qu'il peut y avoir aussi de grâce et d'extrême raffinement dans cet islam dont nous risquons de ne plus voir aujourd'hui, par la faute de ses extrémistes, que la noire violence - violence qui rejoint, pour s'y heurter avec blessures et larmes, celle des fanatiques du mur de l'ouest, piaffant dans l'impatience du triomphe définitif d'Israël.» La vanité du dominant fait croire à de fausses illusions que la culture lui appartient ainsi que la vie, et comme toutes bêtises se ressemblent et se rassemblent, Jaccottet rappelle une image analogique qui exprime la profondeur du ghetto dans lequel se retrouve le dominant : «Notre guide juif, si avisé pourtant, se moque de la prétention à défendre leur terre de ces nomades [sans feu ni lieu] ; il me rappelle ce jeune protestant français, de retour de la guerre d'Algérie, qui disait avec quel mépris des autochtones : «Ils ne savent même pas nouer une cravate.» Jaccottet cite, également, d'autres formes de martyrologie tel le célèbre Aubigné, qui «célébrait les martyrs huguenots morts pour être restés fidèles et attendait dans sa moindre ombre de doute le jour du jugement qui, déjà, l'éblouit de sa promesse». L'amertume colle dans l'âme puisque rien ne semble susciter un moindre espoir, le plus grave est ce que note le poète, et la réalité n'est là que pour dire toute la pertinence du propos : «On dirait aussi que la dernière source d'énergie qui subsiste soit la haine ; c'est le noir et le rouge enchevêtrés sur les murs des ruines, en Palestine.» Et d'ajouter : «Les plus pures paroles finissent en slogans de tee-shirts ou broderies pour foulards de soie. J'ai cette crainte que le pouvoir de l'argent, proliférant comme une peste, ne pourrisse tout ce qui est de l'humain jusqu'aux racines.» «Appréhensions, cela, plutôt que pensées, mais quelles pensées aideront désormais ?» Les multiples hypocrisies du monde attestent de l'authenticité de ce constat amer. Le poète a raison d'écrire aussi : “Le nœud de ténèbres”, “le nœud de la haine” ne s'est il pas resserré encore ?» «Il est exemplaire [le conflit] de l'absurdité douloureuse, féroce, de tant d'autres guerres ?» La triste réalité ne lui donne-t-elle pas raison ?
A. L.


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