Kamel Amghar Dans le cadre des plans communaux de développement (PCD), l'ensemble des municipalités de la wilaya de Béjaïa ont réalisé plusieurs projets de collecte des eaux usées ménagères dans les villages. Au cours des quinze dernières années, la majorité des hameaux a déjà bénéficié de réseaux d'assainissement. Des opérations de salubrité publique qui trouvent généralement un écho favorable auprès des populations. Il arrive, parfois, que l'initiative bute sur des conflits divers : opposition des riverains au passage des égouts ou refus de concéder une petite parcelle pour la réalisation d'un bassin de décantation à l'exutoire du réseau, entre autres situations contentieuses. Mais, au final, toutes les eaux recueillies finissent invariablement dans le milieu naturel sans aucune forme d'épuration. Réceptacle de tous ces rejets, l'oued Soummam étouffe. Ce cours d'eau, qui traverse d'un bout à l'autre la vallée éponyme avant de se jeter dans la Méditerranée, 65 kilomètres plus loin, est aujourd'hui fortement pollué. Jadis connu pour ses eaux claires et poissonneuses, le fleuve, noirci par les saletés, dégage des odeurs nauséabondes. Citoyens et scientifiques alertent les pouvoirs publics sur ce grand problème, d'autant plus que les périmètres agricoles de la région sont encore irrigués de ces eaux douteuses. «La sensibilisation et la mobilisation autour de la problématique de la pollution de l'oued Soummam sera notre leitmotiv les vingt prochaines années», nous dit-on à l'association Etoile culturelle d'Akbou, qui a récemment initié des ateliers de réflexion dans ce sens avec la collaboration de chercheurs et d'étudiants du département de biologie de l'Université de Béjaïa. «L'oued Soummam a subi et continue de subir des dégradations importantes, suite aux déversements des déchets industriels ainsi qu'à l'augmentation observée, jour après jour, des points de déversement des eaux usées domestiques. L'utilisation des eaux de l'oued pour l'irrigation pose un problème majeur de santé publique», avertit Madani Khodir, directeur du laboratoire de recherche à l'Université Abderrahmane-Mira, au cours d'une conférence-débat. En 2013, un arrêté du wali a formellement interdit le rejet des eaux usées et des déchets ménagers et industriels directement dans le milieu naturel. Mais à ce jour, une vingtaine de communes jettent, sans aucune forme de traitement, leurs déchets, liquides et solides, dans le lit de l'oued. Aucune commune ne dispose de station d'épuration des eaux usées ni de décharge publique contrôlée. Dans les centaines de villages alentours, les eaux des égouts finissent invariablement dans les différents affluents de l'oued. Dans la région maritime du Sahel, également connue pour ses cours d'eau et ses forêts, les atteintes à l'environnement sont quotidiennes. Cette partie du territoire étant relativement moins peuplée, a été proportionnellement moins touchée. Là aussi, les municipalités ont également consacré d'importantes enveloppes pour l'assainissement des villages. Même si aucune statistique officielle n'est disponible à ce sujet, tous les grands villages sont dotés en la matière. Mais le problème de la pollution des cours d'eau reste posé. Ainsi collectées, les eaux déversées dans les ruisseaux atteignent facilement les oueds qui recèlent une vie aquatique permanente. Faute d'entretien des bassins de décantation, court-circuités par l'entassement des sédiments, les rejets liquides se déversent à l'état brut dans le milieu environnant. Ceux qui habitent à proximité se plaignent partout des mauvaises odeurs et de la prolifération des moustiques et des insectes nuisibles. Pour préserver réellement l'environnement et promouvoir le développement durable, on ne peut se passer des stations d'épuration qui servent à décharger les eaux usées de tous les polluants. En somme, on peut dire que les villageois accèdent progressivement à l'assainissement. Mais cela ne signifie pas nécessairement une amélioration de leur cadre de vie. Parfois, cela complique même une situation qui était déjà précaire. D'anciennes fontaines ont été souillées par-ci, des sites naturels sont amochés par des ruisseaux d'eau noirâtre et nauséabonde par-là. Comme quoi tout cela se fait aux dépens de l'environnement ! K. A.