Les nouvelles réalisations dans le secteur de l'éducation,si importantes soient-elles, ne sont pas néanmoins en mesure de cacher les quelques défaillances signalées ici et là. Loin du volet pédagogique proprement dit, c'est la question des conditions de vie des élèves et des enseignants à l'intérieur des classes qui revient au goût du jour en ces journées hivernales. C'est la hantise des écoliers et de leurs parents, à l'orée de chaque rentrée scolaire. Et l'interrogation revient tel un leitmotiv : «Nos enfants seront-ils au chaud pendant l'hiver ?» Inquiétude légitime de la part de parents d'élèves, naturellement à l'écoute des conditions de scolarité de leurs enfants. Et c'est là que le bât blesse. Les élèves continuent à grelotter dans des salles «sibériennes». Le décor est insupportable , absence de chauffage, vitres cassées et infiltration des eaux de pluie. Le quotidien des élèves est désastreux. Particulièrement dans les régions montagneuses où l'hiver est très rude. Loin des cimes des Babors et de Chréa, la périphérie de la capitale compte également ses zones où les élèves souffrent dans l'indifférence des autorités et parfois devant l'impuissance du pouvoir local. Baraki et Kheraissia sont manifestement des lieux où les établissements scolaires ne sont pas pourvus d'équipements nécessaires en matière de chauffage. Les gamins en souffrent en attendant des jours meilleurs. Dans les écoles d'El Merdja, du côté de Baraki, le quotidien des élèves est intenable. Après un périple qui les mène du lieu de résidence au seuil de l'école, les élèves accèdent à des salles de cours qui n'ont de lien avec la scolarisation que l'image. A l'intérieur, il est difficile à des enfants de moins de 18 ans de tenir sous une température qui approche le zéro. Les enseignants libèrent, de leur côté, une colère qu'ils couvent depuis longtemps. «C'est inadmissible ! Nous ne pouvons plus travailler avec eux. Ils grelottent de froid et n'arrivent même pas à tenir un crayon entre les doigts. Nous avons beau aviser les responsables de l'établissement, lesquels, à leur tour, mettent au courant la direction de l'éducation de la wilaya ainsi que les autorités locales. Mais la situation demeure inchangée», annonce un professeur à la porte d'un établissement du primaire qui fait face au vent glacial des monts de Chréa. Sa collègue, enseignante de langue française, le rejoint pour décrire la situation. «J'ai eu du mal à assurer le cours de la matinée. Mes élèves ont peiné à ouvrir leurs cahiers. Il leur a fallu une trentaine de minutes pour être branchés au cours», soulignera-t-elle. A Kheraissia, le décor n'est pas différent. Les élèves souffrent en silence. Ni transport scolaire ni salles de classe chauffées. Les lycéens de cette commune sont obligés de se rendre à Douéra et Birtouta, compte tenu de l'inexistence d'un établissement d'enseignement moyen à cet endroit. Devant la souffrance de toute la famille de l'éducation par rapport à cette invivable situation, le maire de Kheraissia promet la réalisation dans un avenir proche d'un lycée dans la commune. Un projet qui mettra fin à plusieurs années de calvaire. Donner des exemples d'écoles ne disposant pas de chauffage et situées dans les zones rurales ne signifie nullement qu'au cœur de la ville elles n'existent pas. A l'école primaire Warda, sise au boulevard Krim Belkacem, les écoliers étudient dans des conditions très difficiles. La température à l'intérieur des classes piétine le bon déroulement des cours. D'où l'inquiétude qui gagne de plus en plus le corps enseignant de cet établissement, bien équipé, si l'on tient compte du nombre de cadres ayant étudié dans cette école. La semaine écoulée, des élèves de la capitale sont allés au but recherché. Dans la foulée des marches de soutien et de solidarité avec la population palestinienne, des potaches ont fait entendre leur voix en réclamant chauffage et réparation des vitres dans leurs classes d'étude. Les responsables de l'éducation nationale bougeront-ils pour mettre fin à cette souffrance au quotidien ? Difficile d'y croire quand on voit les priorités que s'accorde M. Benbouzid, le premier responsable du secteur. Ce dernier n'a pas trouvé mieux, au cours de cette année -placée sous le signe de la qualité-, que de consentir beaucoup d'effort pour imposer la couleur des blouses que porteront les élèves. Il a fait la bonne trouvaille, notre cher ministre ! Dans les localités rurales de la wilaya de Tipasa, les autorités locales font état d'une enveloppe de 500 millions de dinars pour doter les établissements scolaires en équipements de chauffage. C'était le cas il y a deux ans de cela. Aujourd'hui, la demande a augmenté avec l'acquisition de nouvelles infrastructures. La question de savoir s'il a un budget spécial pour les installations de chauffage s'impose. Mais, compte tenu de l'ambiguïté dans laquelle évolue le secteur, il est quasiment impossible d'entendre la vérité de la part des responsables. L'enveloppe est passée à 200 millions. Mais les choses n'évoluent pas de la manière souhaitée par les autorités locales. D'où la montée au créneau du premier magistrat de la wilaya. Ce dernier a annoncé dans une récente déclaration que «la réception de nouveaux établissements qui ne sont pas dotés des équipements de chauffage n'est pas la bienvenue». La raison de cette colère est d'autant plus légitime que ce sont plutôt les autorités locales qui gèrent souvent les réclamations émanant des établissements scolaires. Et pour y faire face, un crédit bancaire a été alloué aux assemblées communales pour doter les classes primaires de la wilaya en poêles à mazout. Mais c'est loin de constituer une solution pérenne pour un problème cyclique. Les élèves de la commune de Manseur témoignent des difficultés dans lesquelles ils évoluent. «C'est le même scénario à chaque saison. On nous promet un règlement définitif du problème, mais sans que de vraies solutions soient mises en place», nous dit un collégien de retour. Dans un lycée d'une commune de la wilaya de Tizi Ouzou, le problème du manque d'équipements de chauffage a créé une situation de conflit entre l'administration et les élèves. Las d'avoir attendu plusieurs semaines sans que leur conditions de scolarité s'améliorent, les lycéens sont passés à l'action en observant une grève illimitée. A sa deuxième année, l'établissement manque de l'essentiel. Les élèves de ce lycée ne sont pas prêts à payer les frais du bricolage administratif. Même si du côté de l'établissement en question on révèle que le problème du chauffage n'est que la goutte qui a fait déborder le vase, on reconnaît néanmoins que les élèves souffrent énormément du froid. De manière globale, les directeurs d'établissement se disent impuissants à résoudre ce problème. En matière de dépenses, ils estiment que le budget qui leur est alloué annuellement demeure très faible pour répondre à la grandissante demande. Un élu d'une commune périphérique de la capitale résume la problématique en déclarant : «Auparavant, nous assumons de telles dépenses même si cela se faisait au détriment d'autres besoins. Mais ces dernières années, la multiplication des chantiers a réduit presque à néant la marge de manœuvre dont nous disposions. Aujourd'hui, les populations nous interpellent pour différentes questions. Ce n'est pas une absence de volonté de notre part. C'est au-delà de nos possibilités. J'espère que les citoyens comprendront notre impuissance.» Les parents d'élèves, de leur côté, ne sont pas sans saisir l'ampleur de la situation. Ils ne cessent de rappeler aux responsables de l'éducation ainsi qu'aux autorités locales que «le quotidien des élèves est intenable». Les parents d'élèves, dans leur quête de solution pour ce qu'endurent leurs enfants, frappent souvent à la porte des magistrats locaux et des directeurs d'établissement. Les réunions tenues ici et là ne donnent jamais les résultats escomptés. Et la souffrance des élèves perdure. A.Y.