Les Américains pourraient-ils perdre leur droit de veto au FMI ? L'Europe devra-t-elle réduire de moitié ses sièges au conseil d'administration ? Ces questions restent pendantes même si une volonté a été affichée lors de ces deux dernières réunions. «Nous sommes favorables à ce qu'au moins 5% du total des quotes-parts soient transférées des pays surreprésentés aux pays émergents et en développement dynamiques qui sont sous-représentés», a indiqué depuis Istanbul le CMFI, le comité d'orientation du fonds. «La réforme des quotes-parts est cruciale, nous nous sommes engagés à ce qu'elle soit bouclée en janvier 2011», a ajouté le président du FMI, le Français Dominique Strauss-Kahn. Mais pour les représentants des pays dits «sous-représentés», ce projet risque de ne pas se concrétiser sur le terrain. Selon les spécialistes en la matière, si l'on devait appliquer rigoureusement la formule technique élaborée par le FMI, le quota de l'Arabie saoudite, à titre d'exemple, serait ramené de 2,9 à 0,8%, alors que le Japon et l'Espagne verraient le leur augmenter. Quant à la Chine, la formule (prenant en compte le PIB, la balance des paiements et l'ouverture des économies) ferait passer sa part de 4 à 7,5%. Représentant six pays, à savoir l'Afghanistan, le Ghana, l'Iran, le Maroc, le Pakistan et la Tunisie, l'Algérie a formulé de sérieuses réserves relatives aux propositions de réforme interne du Fond monétaire international (FMI), notamment en ce qui concerne la répartition des quotes-parts entre les pays membres. Forte de sa position financière externe (remboursement de sa dette par anticipation…), l'Algérie a adopté une position intransigeante et semble décidée à défendre les revendications formulées par les pays en voie de développement. Le gouverneur de la Banque d'Algérie, M. Laksaci, a déclaré partager «la déception des autres pays en développement quant aux progrès réalisés à ce jour», dans les tentatives de réforme des institutions et les évolutions du cadre de leur action. «Toutes les parties sont appelées à saisir cette opportunité unique pour restaurer de manière décisive la légitimité et la crédibilité du FMI», a-t-il ajouté. Il a plaidé pour l'impartialité dans l'application, la non-imposition de nouvelles obligations aux pays membres, la flexibilité et la prise en compte des circonstances particulières des pays membres. Estimant que quelques propositions lèsent les intérêts des pays en développement, il a sévèrement critiqué certaines mesures en cours de discussion au sein des organes du FMI et de la Banque mondiale. Il a exprimé aussi l'opposition catégorique de l'Algérie à la proposition tendant à rendre payante l'assistance technique du FMI ou à la manière dont sont déterminées les quotes-parts ou opérées les réductions du budget de fonctionnement du Fonds. «Pour que le train de réformes produise un résultat significatif, il faut qu'il inclue une formule simple, transparente et robuste et qui produise par elle-même les résultats escomptés, sans qu'il y ait besoin de filtres et de mécanismes d'ajustement additionnels», a-t-il soutenu. Dans cet ordre d'idées, M. Leksaci a plaidé pour la correction de la sous-représentation de certaines régions, notamment l'Afrique et le Moyen-Orient, au niveau du personnel et de la direction du FMI. Plus incisif, le ministre des Finances, Karim Djoudi, a estimé que le redéploiement du FMI et de la BM risquait de ne pas se produire si la décision du G20 relative au transfert des quotes-parts n'est pas mise en œuvre. «Il faut, malgré tout, demeurer réaliste. Fondamentalement, il n'y aura pas de grands bouleversements si la décision du G20 de transférer au moins 5% des parts aux pays en développement n'est pas mise en œuvre» a-t-il précisé. Et si, pour l'Algérie, «une volonté est affichée pour le changement», le problème est de faire une bonne lecture entre cette volonté et l'application des décisions du G20 pour ces deux institutions multilatérales et pour ses comités intermédiaires (comité monétaire et financier international et comité du développement). Du côté des experts, la réforme des deux sœurs jumelles de Bretton Woods risque de ne pas se produire même si la mise en œuvre de cette décision est prévue pour 2011. Pour preuve, jusqu'à maintenant, seulement 36 pays sur plus d'une centaine ont adopté la législation relative à cette réforme. «La véritable réforme du FMI passe donc d'abord par une refonte de son mode de décision. Il faudrait abaisser la majorité qualifiée en dessous de 85%, afin de faire sauter le verrou américain. Ce qui requiert un changement des statuts du FMI.» Cette réflexion d'un haut cadre du FMI renseigne sur les véritables enjeux mais aussi sur les difficultés de concrétisation d'un tel projet. Car, aux dires de cet expert, «une telle modification implique une ratification des Parlements nationaux». «Autant dire que le Congrès ne sciera pas la branche sur laquelle il est assis. Il ne va pas saborder la puissance américaine au FMI.» Ce qui fait dire à bon nombre de spécialistes que l'influence américaine au sein du Fonds monétaire international sera prépondérante et le restera sans doute longtemps encore. Le privilège des Etats-Unis ne s'arrête cependant pas au seul droit de veto. Le FMI est empreint de culture américaine. «Pour y être embauché, vous avez tout intérêt à être diplômé d'une université américaine. De la côte Est de préférence. Le problème est qu'il n'existe pas de concours d'entrée. Tout est décidé par le département des ressources humaines après entretien avec le candidat. Et si vous n'êtes pas titulaire d'un Ph. D., vos chances d'entrer dans ce sanctuaire sont minimes», estime un autre haut fonctionnaire. Et d'ajouter, en ironisant : «Il serait encore préférable que les cadres du Fonds soient américains et formés en Europe plutôt qu'ils soient européens et formés aux Etats-Unis.» C'est dire combien l'influence américaine dans les prestigieuses institutions est grande. S. B.