Gestion des risques et résistance des grands ouvrages. Voilà un thème d'une terrible actualité chez nous et qui a fait l'objet d'un débat, hier, à la faveur du traditionnel forum d'El Moudjahid. En parlant de risques, d'aucuns pensent inévitablement aux séismes. Dans ce cadre, le moins que l'on puisse dire et que les derniers en date (même s'ils étaient de faible magnitude) ne sont pas faits pour sécuriser le citoyen et lui permettre de vivre dans la sérénité et la quiétude souhaitées. Lors de son intervention, le Dr Yelles, directeur du Centre de recherche en astronomie, astrophysique et géophysique (CRAAG) rappellera qu'il était établi que l'Algérie, notamment sa région nord, est concernée par l'activité sismique. «De ce fait, fera remarquer l'intervenant, il est on ne peut plus nécessaire d'introduire le volet prévention dans tous nos travaux de construction.» L'on se rappelle qu'au lendemain du tremblement de terre de Boumerdès survenu en mai 2003, le fait que des bâtisses fraîchement réceptionnées se furent effondrées comme un château de sable (alors que des constructions ayant parfois plus d'un siècle d'âge n'ont pas bougé d'un iota) a suscité une vive polémique au sujet du respect des normes les plus élémentaires de construction. Abondant dans le même sens, le Pr Chelghoum, expert en génie parasismique, insistera pour dire que dès lors que la prédiction des séismes relevait de l'impossible, il ne restait plus qu'à tout focaliser sur la prévention pour pouvoir gérer les risques induits par cette catastrophe naturelle. Toutefois, sur le terrain, les choses ne sont pas aussi faciles que certains peuvent le penser. Selon l'orateur, près de 80% des projets en Algérie ne font pas l'objet d'un débat national. «Les grands projets structurants n'ont jamais fait l'objet de débat avec les spécialistes en la matière. Qu'il s'agisse de l'AADL ou de l'autoroute Est-Ouest, je peux vous affirmer qu'en tant qu'experts, personne n'a pris attache avec nous en vue de connaître notre avis sur un certain nombre de paramètres techniques qu'il y a lieu de prendre en ligne de compte avant de se lancer dans telle ou telle construction. Je peux vous dire, sans risque de me tromper, que, s'agissant de l'autoroute Est Ouest, 200 experts au moins n'ont pas été consultés. Moi-même je dirige un cabinet d'expertise. Personne n'est, à un moment ou à un autre, venu me demander mon avis sur quelque aspect technique que ce soit», affirmera le conférencier. De son côté, le Dr Bellazougui, DG du centre de génie sismique, s'attardera sur les efforts déployés par son organisme en vue de contribuer à la résistance des sites et des grands ouvrages. «Nous sommes le seul pays arabe et africain disposant d'un règlement parasismique. Il y a une loi qui stipule qu'une construction bâtie sans permis de construire doit être démolie dans les 7 jours qui suivent son contrôle de la part des experts. Nous ne cessons de rappeler aux citoyens la nécessité de faire appel aux ingénieurs pour superviser les constructions sur le terrain afin que les maçons respectent les règles de construction en vigueur», fera-t-il remarquer. Lors des débats, les différents intervenants ont été unanimes à dire que la prévention des catastrophes est intersectorielle (ministères, wilayas municipalités…). Insistant à reprendre la parole, le Dr Yelles indiquera que la prévention était le premier système d'alerte. «Les grandes métropoles doivent être soulagées. Il faut les libérer de leurs activités économiques et, pour cela, il faut absolument décentraliser», conclura-t-il. B. L.