Importante société nationale, recrute responsable de la comptabilité. Qualifications et expériences exigées : diplômé (bac +4/5) en comptabilité finance + un diplôme d'expert-comptable. 10 ans minimum d'expérience… Age requis moins de 45 ans. Ce genre d'offres d'emploi inonde quotidiennement les journaux et autres sites dédiés au recrutement. Cette annonce, somme toute banale, mérite un temps de réflexion pour le dilemme qu'elle pose aux jeunes demandeurs d'emploi s'estimant aptes à occuper un poste de responsabilité. Ce jeune homme ou cette jeune femme, ayant épuisé ses années de «petit lait» face aux manuels et tableaux (autrefois noirs), regretterait presque d'avoir poussé loin sa quête du savoir. Revenons à l'annonce. Et plus particulièrement au profil demandé. Il est exigé un diplôme sanctionnant quatre à cinq années d'études après le bac. Ce qui veut dire que, dans le meilleur des cas, le candidat serait âgé de 23 ans. Il lui faudra également quelques mois pour ne pas dire années, pour acquérir le diplôme d'expert-comptable. On arrondira le chiffre à 25 ans si, en plus, il a perdu quelques années de son cursus… Si le candidat a la «mauvaise inspiration» -et là, c'est de l'ironie- de s'engager dans des études de post-graduation, la trentaine l'aura rattrapé avant même qu'il daigne s'enquérir de ce genre d'annonces. Disons donc que le chercheur s'est senti «gavé de savoir» à l'âge de 25 ans. Qu'il possède les diplômes requis dans l'offre d'emploi précédemment citée. Il devra alors s'acquérir de dix années d'expérience dans un poste similaire à celui proposé. Poste qui exige les mêmes critères d'expérience dans une autre société. Là commence le cercle vicieux. Las de tourner en rond, le candidat revoit ses ambitions à la baisse et décide de travailler comme simple comptable dans une entreprise privée (comme si c'était aussi simple). Poussons l'imagination un peu plus loin. La société pour laquelle il a signé est moderne et applique un plan de carrière transparent. Il mise sur son savoir et sa motivation pour gravir rapidement les échelons. Il y réussit. Au bout de cinq années, il est responsable de la comptabilité au sein de cette entreprise. Pour pouvoir répondre aux exigences de la première annonce, il lui faudra patienter encore dix ans dans son poste pour pouvoir postuler à l'«importante entreprise nationale». Il aura 40 ans. Finie la jeunesse. Parler donc de jeunes cadres dans les entreprises et administrations algériennes est très difficile. Malgré quelques spécimens rares qui ont réussi le coup, le commun des entreprises dégagent un sentiment de frilosité face à cette donne. Une impression qui se transforme en réalité largement argumentée par les responsables de ressources humaines. Plusieurs de ces chargés de recrutement font valoir le décalage qui existe entre la formation des candidats et les besoins du marché de travail, la concurrence qui exige un apport en valeur ajoutée expresse… Dans un pays où 75% de la population est jeune et où les universités produisent plusieurs centaines de milliers de diplômés par an, dans un pays où le plus gros des chômeurs sont des primo-demandeurs d'emploi dont beaucoup issus des universités, et dans une économie en pleine mutation, ce sont les «anciens» cadres qui ont le loisir de «rafler» les postes importants. Une minorité qui s'épuise a la latitude de choisir, au regard de l'expérience acquise, le poste qui lui sied. D'ailleurs, il n'est pas rare de voir des entreprises privées recruter des cadres retraités et séduire les autres en postes avec des salaires et avantages conséquents pour les débaucher. Le jeune dans tout cela aura une seule consolation, il deviendra à son tour âgé. S. A.