Le président de l'Autorité palestinienne n'avait pas besoin d'une caution arabe pour affirmer l'évidence. Aucun négociateur, si optimiste qu'il puisse être, ne peut jouer une partition où il sera le perdant sur toute la ligne. Mahmoud Abbas pourrait allégrement tirer une conclusion personnelle de l'échec de sa stratégie de conciliation envers l'Etat colonisateur. Le président palestinien a joué le jeu dans sa globalité jusqu'à la coopération sécuritaire avec l'Etat hébreu, il lui était difficile de transiger sur la colonisation. Aller au-delà signifierait un suicide historique. L'exigence est minimale pour tout un peuple prêt au sacrifice pour exister. Les Palestiniens ne sont plus dupes, ils expriment un mépris souverain pour ces éternels négociateurs du vent qui finalement ne servent que de paravent politique à une colonisation au pas de charge. Dans les territoires occupés, on ne donnait pas beaucoup de crédit à l'initiative politique américaine qui ressemblait un peu trop aux précédentes. Résignés à leur inhumaine réalité, les Palestiniens ont appris à ne plus se bercer d'illusions. Cependant, la Ligue arabe, fidèle à sa position de ne jamais mécontenter Washington, prend la décision de donner un sursis d'un mois à l'administration américaine pour obtenir l'arrêt de la colonisation. Une véritable gageure au moment où le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou n'a même pas «respecté» son allié américain en faisant semblant d'annoncer le prolongement du «gel» des colonies. Les Américains semblent satisfaits de ce petit mois de «sursis». Il pourrait être mis à profit par Washington pour convaincre Netanyahou de faire mine de suspendre la colonisation en contrepartie de certains «encouragements». Israël fait monnayer un illusoire moratoire contre des avantages militaires et financiers infinis. Le poids de la Ligue arabe devrait être exploité par les Américains pour convaincre encore et toujours le soldat Abbas de faire mine de croire que la colonisation a été suspendue. Mais le dirigeant palestinien semble, du moins sur le plan du discours, agacé par la duplicité de l'Etat hébreu et l'apathie de l'administration américaine. Abbas a déclaré aux dirigeants arabes réunis à Syrte qu'Israël avait tout simplement abrogé les accords d'Oslo de 1993 sur l'autonomie palestinienne. Pour le négociateur Saëb Erakat, les incursions israéliennes en zone autonome palestinienne et les conditions générales de dépendance dans laquelle se trouve l'Autorité sont plus parlantes que tous les discours. Les négociateurs palestiniens prompts à s'engouffrer allégrement dans tout processus proposé par Washington seraient autrement plus avisés de profiter du fameux mois de sursis pour réviser une position devenue au fil du temps contre-productive. La partie palestinienne n'est pas pauvre en atouts pour proposer d'autres alternatives. Mahmoud Abbas avait d'ailleurs exposé plusieurs options à Syrte : demander à Washington de reconnaître un Etat palestinien dans les frontières de 1967, porter la question devant le Conseil de sécurité de l'ONU, ou demander à l'Assemblée générale de l'ONU le placement des territoires occupés sous tutelle internationale. Des alternatives qui n'emballent nullement Washington et les puissances occidentales puisque surfant sur le plan du droit et non sur le rapport de force. Israël, puissance occupante, ne veut pas de paix et veut absolument imposer le fait accompli. Sur le terrain, la suspension de la colonisation par Netanyahou n'a jamais été réelle. Les dirigeants israéliens, toutes tendances confondues, se sont fait experts dans les déclarations qui contredisent la réalité du terrain. Les Palestiniens, contraints d'accepter n'importe quel emploi pour survivre, peuvent témoigner que, durant toute la fameuse période du gel présumé prônée par Netanyahou, ils ont travaillé continuellement à construire de nouveaux bâtiments dans les colonies. xLes Palestiniens sont-ils condamnés à revivre les mêmes illusions de la négociation et les mêmes soutiens, sans effet, de la Ligue arabe ? La résistance, concept devenu détestable dans la bouche des éternels négociateurs, est pourtant plus en phase avec l'histoire de la Palestine. Apres avoir suivi «le menteur jusqu'au pas de la porte», les Palestiniens devraient se sentir déchargés du risque d'être accusés de ne pas vouloir la paix. Les Américains ont trop d'influence sur les capitales arabes pour que leur Ligue puisse fixer un quelconque délai. Après cet énième échec, Mahmoud Abbas devrait réfléchir en toute conscience à la situation dans laquelle se trouve la cause palestinienne. La réconciliation nationale devrait constituer une priorité majeure avant toute négociation avec un ennemi qui ne veut pas la paix mais a besoin d'un faire-valoir. Mahmoud Abbas, le compagnon de Yasser Arafat, n'est plus contraint d'accepter le rôle qu'on lui impose, pour le pire plus que pour le meilleur. Il est évident que le simulacre de négociations que lui et ses collaborateurs mènent depuis des années sert plutôt un seul dessein : la couverture du rognage systématique des terres palestiniennes, dans l'objectif de créer des faits accomplis coloniaux et des évidences sur le terrain. L'histoire récente retiendra que l'ancien président américain George Bush invitait les Palestiniens à se résoudre à accepter les «réalités» du terrain. M. B.