Pour un certain nombre d'agents administratifs travaillant en contact direct avec le public, il suffit de donner du Monsieur et du Madame pour que les administrés se sentent considérés et respectés même si, par ailleurs, ils sont contraints de faire la queue toute une matinée avant de se voir répondre que tel ou tel document manque au dossier, que leurs doléances ne sont pas prises en charge dans les temps pour cause d'erreurs dont ils ne sont pas du tout responsables ou qu'ils doivent revenir plusieurs fois dans la semaine pour s'enquérir de telle ou telle demande. Bref, l'usage déférent du Monsieur, Madame semble absoudre par avance ces fonctionnaires de tous les tracas et tourments qu'ils infligeraient aux administrés. Et on le constate tous les jours, la vexation et l'outrage subis comptent parmi les sentiments les mieux partagés par les citoyens dans leur relation avec l'administration et leurs commentaires acerbes, parfois violents, n'épargnent aucune structure. Pour eux, le respect n'est pas dans l'attitude prévenante - en tout cas, pas uniquement - mais dans la satisfaction diligente de leurs demandes. Et à choisir, ils préféreraient de loin que leurs affaires soient réglées le plus rapidement possible, afin de ne plus être contraints de hanter les couloirs de l'administration, que de se faire appeler Monsieur ou Madame. Lorsque dans le cadre de la modernisation de l'administration, les plus hautes autorités avaient décidé, il y a quelques années, d'agir dans le sens de l'amélioration de l'accueil du citoyen (les instructions écrites restent même affichées dans certaines structures administratives), il était bien compris que cette amélioration concernait aussi bien les prestations de services qui devaient gagner en célérité et en fluidité. Avec la construction de nouvelles structures et le recrutement d'un personnel approprié, les mille et un écueils que rencontrent régulièrement les citoyens (l'attente qui commence avant l'ouverture, les files interminables devant les guichets, les documents qui se perdent dans les méandres de l'administration, l'alourdissement des dossiers à fournir…) devaient, à terme, cesser. Or, non seulement cette réforme n'a pas encore vu le jour, mais il est arrivé que la situation se compliquât par des mesures pour le moins insensées, comme l'obligation de fournir l'acte de naissance 12 S pour l'obtention de la carte d'identité nationale et du passeport. Même si cette exigence ne concerne plus la CIN, les pouvoirs publics ont enfin décidé d'ouvrir les yeux, on le temps de voir les effets de cette mesure a eus sur le quotidien des Algériens et les situations fâcheuses qu'elle a pu occasionner dans les mairies entre des citoyens outrés et des employés dépassés. A discuter avec les citoyens, on se rend compte que personne n'est dupe de la situation : le respect témoigné par les structures administratives - que l'on retrouve aussi chez les entreprises privées - est malheureusement factice et ne sert souvent qu'à couvrir l'incompétence et la médiocrité dont elles peuvent faire preuve. Alors, plutôt que d'être appelé Monsieur, l'Algérien préfère être traité comme tel. S. O. A.