La commission chargée par Abdelaziz Bouteflika de mener les consultations politiques avec «les partis politiques et les personnalités nationales» a commencé à recevoir les «propositions» en vue des réformes politiques et institutionnelles à venir.En deux jours, le président du Conseil de la Nation et ses deux assistants ont recueilli les avis de deux formations politiques et de deux personnalités nationales. Il n'y a, a priori, rien d'intrigant dans les premiers éléments se rapportant à ce début de consultations. Les formes sont même respectées. L'accueil des personnes à «écouter» se fait en présence des médias et les organisateurs ont ajouté une dose de transparence - ou de modernité, c'est selon- en installant un pupitre pour permettre aux invités du jour de donner leurs impressions aux nombreux journalistes présents.Les premières incohérences de ce dialogue commencent pourtant à pointer du nez. En deux jours, les responsables chargés de représenter les autorités officielles à ces consultations qui auront la lourde charge de préparer le cadre institutionnel de l'Algérie de demain, ont démontré que quelque chose ne va pas. A commencer par le fait d'inviter au dialogue deux hommes politiques (Mohamed Saïd et Sid-Ahmed Ghozali) présentés comme «personnalités nationales» alors que les deux hommes sont déjà victimes du refus du ministère de l'Intérieur d'attribuer des agréments à leurs partis respectifs. C'est une première incohérence dans la mesure où il sera difficile aux deux personnages de donner crédit à des institutions qui ont refusé sans justification apparente d'appliquer les lois existantes.La deuxième anomalie de ce dialogue est bien entendu l'absence de l'opposition. Accusée - à tort ou à raison - de pratiquer la politique de la chaise vide, cette frange de la classe politique a tout de même droit de cité. Ces partis n'ont pas inventé la démocratie. Mais il est évident que tout changement n'aura de sens que si le pays se dote d'une vraie opposition, de vrais contre-pouvoirs qui le prémuniront de tout dérapage dans l'avenir.Cette absence, qu'on ne peut mettre sur le dos de la commission que préside Bensalah, pèsera donc lourd sur l'issue des consultations. Autrement dit, manqueront aux prochaines réformes des avis importants qui, sans être forcément majoritaires dans la société en l'absence de critères sérieux d'évaluations des poids de chacun, ont tout de même des partisans parmi les Algériens. La nature ayant horreur du vide, la commission qui dirige les consultations ne prendra que les avis «de la majorité», pour reprendre les propos de Abdelkader Bensalah. Autrement dit, les propositions des partis de l'Alliance présidentielle, en plus de certaines «personnalités» proches des cercles de décision politiques, auront la primauté des gens qui seront chargés de rédiger le rapport final qui sera destiné au président de la République.Ces «consultations» rappellent étrangement une démarche similaire adoptée en 1994. Ces «consultations», alors présidées par Youcef Khatib, avaient débouché sur la «conférence d'entente nationale», avec les résultats qu'on connait. La conjoncture n'est certes pas la même. Mais les mêmes acteurs - à l'exception du PT- se mettent en dehors de ce processus, estimant que «le problème n'est pas dans les lois, mais dans leur application».Il ne s'agit pourtant pas de remettre en cause les vertus du dialogue. Mais comme dans chaque entreprise politique, le dialogue a ses règles et les réformes ont leur finalité. A. B.