L'accord de l'opposition syrienne à Doha sous les auspices du Qatar et encouragé par les Occidentaux a été largement salué par les capitales en faveur d'un changement du régime par la force. Après d'intenses pressions occidentales et arabes, un accord a été trouvé pour constituer une coalition qui semble vouloir passer à une étape «qualitative» dans la guerre qui déchire la Syrie et qui menace toute la région. Comme attendu, l'accord a été immédiatement salué par la France et les Etats-Unis, qui ont promis d'apporter leur soutien à la nouvelle coalition appelée à avoir un rôle «particulier» dans le futur. Après d'incessantes tractations menées sous l'égide du Qatar et d'une Ligue arabe, sous contrôle des pays du Golfe, des formations de l'opposition syrienne se sont constituées en coalition nationale. Cette dernière regrouperait la plupart des composantes de cette opposition minée jusque-là par de palpables divergences. L'accord semble répondre à la volonté de certains pays de voir l'opposition unie au sein d'une instance exécutive. L'avenir de la Syrie, déchirée par une guerre civile dantesque, n'en sera pas pour autant marqué dans le sens de l'apaisement. Même le conseil national syrien qui craignait d'être marginalisé, a été soumis à d'intenses pressions arabes et occidentales pour l'amener à lever certaines réserves. La principale coalition de l'opposition aux yeux des Occidentaux (pendant un bon moment) a finalement rejoint à contrecœur la nouvelle instance, après être tombée en disgrâce aux yeux de Washington. Les critiques particulièrement acerbes de la secrétaire d'Etat américaine à l'encontre du CNS sont toujours dans les esprits. La nouvelle coalition de l'opposition syrienne attend beaucoup de ses promoteurs. Faute d'arracher une intervention militaire directe, elle veut une reconnaissance internationale, de l'argent et des armes. Ainsi comme prévu cette réunification ultra médiatisée n'a pas tardé à faire réagir. Washington a promis son soutien, Paris s'est engagée à œuvrer pour la reconnaissance internationale de cette entité «comme représentant les aspirations du peuple syrien» et Londres y a vu une structure capable d'assurer une transition politique. Se dirige-t-on vers un changement de stratégie sur le terrain syrien ? La nouvelle coalition a fait état de promesses de soutien matériel et surtout financier. Nerf de la guerre, le manque de financement a joué un rôle dans la déstabilisation du Conseil national syrien. Le passage à une autre étape de la guerre semble entamé. Pour les Qataris même si l'opposition ne reçoit pas directement des armes, elle pourra désormais en acheter. «Lorsqu'ils auront obtenu une légitimité internationale, ils pourront conclure les contrats qu'ils voudront et obtenir des armes» dira le ministre d'Etat qatari aux Affaires étrangères, Khaled al-Attiya à Al-Jazeera. Reste un élément d'importance ayant une incidence tangible sur le terrain. Cette nouvelle coalition pourra-elle unifier la nébuleuse des groupes armés hétéroclites sur le terrain ? Comment traiter avec les éléments djihadistes présents sur le sol syrien ? La nouvelle «coalition» de l'opposition syrienne aura fort à faire pour imposer son autorité au large éventail de formations militaires qu'elle semble avoir du mal à contrôler. En attendant, sur le plan structurel, des obstacles subsistent. Le nombre de sièges accordés au CNS et la représentation des groupes kurdes, auxquels on a proposé le poste de troisième vice-président pour les inciter à se joindre à la coalition, pose problème. Loin des calculs de chapelles, l'avenir de la Syrie est mis entre parenthèses. Le vrai drame de ce pays est d'avoir un régime autiste et une opposition dont le cap et l'action sont dictés et élaborés par Paris, Washington, Ryadh et Doha. L'accord de l'opposition syrienne à Doha changerait-il la situation sur le terrain, particulièrement terrible, de la guerre civile en Syrie ? Ce qui est certain c'est que la logique du pire est perpétuellement en cours et les volontés d'apaisement toujours inaudibles. Mettre comme préalable le départ de Bachar el Assad pour tout début de solution politique c'est opter pour une guerre d'usure qui ne semble pas déplaire à certaines parties indirectement engagées. Plus le sanglant affrontement s'installe et plus l'objectif conjoint des Occidentaux et des pays du Golfe a des chances de se réaliser : affaiblir la Syrie. Au profit d'Israël pour les premiers et au détriment de l'Iran pour les seconds. Sombres augures pour la Syrie M. B.