On en a encore plus la preuve par l'horreur indicible renouvelée : Les Algériens, précisément les plus désaxés d'entre eux, sont des fous ordinaires comme les autres ! Oui, hélas ! cela ne se passe pas, toujours, et rien que chez les autres où l'abominable crève parfois l'écran ! En Algérie, l'absence d'images ne veut pas dire que la barbarie inouïe est derrière nous, oubliée en même temps que furent jetés les souvenirs noirs de la décennie rouge de la terreur terroriste. Non ! mille fois non ! la violence est devenue, chez nous, ordinaire car elle traduit régulièrement une folie exceptionnelle. Cette violence et cette folie ont parfois des visages de chérubins, ceux d'enfants qui en furent des victimes expiatoires. Comme ces doux angelots, Chaïma et Soundoss que la faucheuse est venue chercher, chez elles, dans le cocon familial. Elles avaient huit et six ans. Un âge où le rêve a les couleurs du ciel, de la mer et des vertes prairies du paradis. Leur mort a ému et choqué le pays comme jamais meurtre atroce n'a pu le faire. Yousfi Chaïma a été enlevée chez ses parents mêmes, du côté de Zeralda, peu avant 21 heures, par un probable pédophile, venu sonner à la porte et enlever la petite qui eut le malheur d'ouvrir elle-même à un inconnu. Son corps léger d'ange séraphin fut retrouvé dans le cimetière proche de Mahelma. Pour Chaïma, la fatalité a une date, celle du 19 décembre 2012. Quelques jours plus tard, c'est au tour de Soundoss Guessoum d'être tuée au cœur même de sa famille, par une parente, l'épouse de son oncle paternel, à Draria. Une maman algérienne comme il y en a des plus ordinaires, c'est-à-dire silencieusement affectueuse mais attentionnée. L'ordinaire cache bien, parfois, l'épouvantable car Satan est, avant tout, un ange déchu mais un ange quand même ! Elle l'étrangla, alors, puis l'étouffa avec un sac en plastique, avant de la mettre dans une armoire dont elle pensait qu'elle pouvait être le placard de l'oubli ! Cette femme était dangereusement folle. Elle ne pouvait pas le savoir et pas même son mari qui requerrait, souvent, pour elle les services d'un «raqui», c'est-à-dire d'un exorciste de djinns par la seule magie des mots de Dieu et du Prophète. En vain, puisque le diable en elle fut plus fort, plus rapide et plus malin. Derrière les cas de Chaïma et Soundoss, la chronique quotidienne de la mort régulière et de l'horreur banale, meuble les pages des journaux. Tenez, par exemple, vendredi où dans les mosquées du pays les sermons et les prières furent dédiés aux deux séraphines, un journal, un seul, rapporte des faits divers, criminels, plein la page. Par exemple, cette bande de Colliotes qui attaque ses victimes à l'aide de sabres et de pitbulls. Ou, encore, à Bordj Essabbat, pas loin de Guelma, ces quatre frères qui tuent un chauffeur municipal à coups de cannes d'olivier. Et il ne se passe pas un seul jour sans que la presse signale, ailleurs, des crimes tout aussi sauvages. L'abjection est telle que l'Algérie des forums sociaux a crié toute son indignation pour mieux remettre au goût du jour le débat sur la peine de mort. Il y a les pour et les contre, bien évidemment, mais tous sont d'accord pour souligner que le féroce et l'atroce ont atteint, cette fois-ci, le niveau le plus élevé de l'intolérable. Ceux qui prônent l'application ferme et stricte de la peine de mort pour les tueurs d'enfants et les pédophiles sont les plus nombreux. Mais les uns et les autres ne pouvaient se mettre d'accord. Comme l'a dit quelqu'un, les adversaires de la peine de mort guillotineraient volontiers les partisans de la peine de mort ! Mais l'émoi profond des uns et des autres n'a d'égal que leur peur devant le développement effrayant de la criminalité sous toutes ses formes. Et, surtout, de la violence qui frappe les enfants, y compris en milieu familial. Trop c'est trop ! Face à cette émotion générale, le procureur de Blida, dont relève Draria et Mahelma, a promis d'appliquer la loi dans toute sa rigueur, dans toute sa sévérité. Sortira-t-on pour autant la guillotine, l'échafaud ou le peloton d'exécution pour tous ces amants de l'apocalypse, ces petits frères de Méphisto, pour tous ces fils de Satan, dont beaucoup sont de parfaits musulmans pratiquants ? Rien n'est moins sûr, malgré le serment du procureur, ému, lui aussi, sans doute. La peine de mort est, certes prévue, dans le Code pénal. Mais elle fait l'objet d'un moratoire depuis 1994. Les exécutions ont été suspendues depuis cette année, les dernières en date étant celles des abominables auteurs de l'attentat à la bombe, en août 1992, à l'aéroport d'Alger. L'Algérie, qui était alors isolée sur la scène internationale, voulait sans doute envoyer donc un signal positif à la communauté internationale. A l'image de Pierre Dac, les Algériens voulaient peut-être dire au monde : «On est pour la peine de mort avec sursis». Et le sursis sera, probablement encore, de rigueur. N. K.