La Palestine a-t-elle besoin d'un nouveau leader pour fédérer ses forces et négocier d'une seule voix la création d'un véritable Etat palestinien avec un territoire qui lui est propre et intégrant El-Qods comme sa capitale ? La réponse est oui, vu l'impasse dans laquelle se trouve depuis quelques années l'Autorité palestinienne, dont la gestion des affaires des Palestiniens et du processus de paix avec Israël est fortement contestée. Mahmoud Abbas ne fait plus l'unanimité pour ne pas dire qu'il n'a jamais acquis la sympathie et le soutien de tous les Palestiniens, plus que jamais tiraillés par les rivalités idéologiques opposant le parti islamiste Hamas, qui contrôle la bande de Ghaza, et le Fatah qui est à la tête de la Cisjordanie occupée, quartier général de l'Autorité palestinienne. Les concessions faites à l'Etat israélien, sous pression des Etats-Unis qui exercent sur lui, il faut l'avouer, un chantage financier et diplomatique, ont fait que son autorité a été contestée depuis les législatives de 2007, date qui a marqué la scission de la résistance palestinienne en deux principaux blocs distincts, le Hamas d'un côté et le Fatah de l'autre, laissant les autres mouvements palestiniens sur le pavé, ainsi que la cause palestinienne. La crise de confiance qui a secoué le sommet de l'AP a coûté la vie à des dizaines de Palestiniens, qui se sont entretués devant un Etat israélien qui a saisi cette occasion pour intensifier ses projets de colonisation et même aller jusqu'à mener une guerre contre les civils de la bande de Ghaza, sous prétexte de lutter contre le Hamas, classé par une partie des Occidentaux comme mouvement terroriste du fait de ses liens présumés avec le Hezbollah libanais et avec les dirigeants de la République islamique d'Iran. Les violations des droits des Palestiniens n'étaient pas en reste dans cette guerre interne opposant les partisans de la lutte armée pour la libération de la Palestine et ceux qui demeurent convaincus que la création d'un Etat palestinien indépendant et autonome passe par la voie diplomatique. Affaiblis par le conflit interne, les Palestiniens étaient aussi incapables de renverser la vapeur lors des différents rounds des pourparlers avec Israël dans le cadre d'un processus de paix obsolète. Si les Palestiniens ont réussi à mettre de côté leurs divergences pour aller à l'ONU et réclamer d'une seule voix la reconnaissance de l'existence de leur Etat, arrachant ainsi le siège de pays observateur au sein de cette organisation internationale, ils ont vite fait de revenir à la case départ. La signature, le 27 avril 2011 au Caire, d'un accord de réconciliation entre les différentes mouvances palestiniennes avait ouvert une brèche pour reprendre les choses en main, mais tous les espoirs se sont vite estompés. Les divergences sont tellement profondes qu'il ne suffit pas de signer un document et se serrer la main devant les caméras pour se réconcilier. Les fuites en avant de Mahmoud Abbas, dont le mandat présidentiel a expiré depuis 2009, pour organiser de nouvelles élections présidentielles, dans un contexte régional explosif, en raison des révoltes arabes et de l'aggravation de la crise syrienne, ont creusé le fossé entre le Fatah et le Hamas, mais également entre l'AP et les Palestiniens. La preuve en est l'indifférence avec laquelle a été accueillie la nouvelle nomination, il y a deux semaines, d'un nouveau Premier ministre, Rami Hamdallah. Sa nomination est intervenue, pour rappel, deux mois après la démission de Salam Fayyad, dont le mandat a été marqué par la multiplication des désaccords et des conflits avec Mahmoud Abbas et les autres membres du gouvernement palestinien. Les analyses autour de la nomination du nouveau chef du gouvernement, auquel Mahmoud Abbas a greffé deux vice-Premiers ministres, étaient toutes convergentes. Les analystes et même les responsables des autres mouvances politiques palestiniennes s'étaient tous accordés à dire que Rami Hamdallah était une «marionnette», sans aucun pouvoir de décision. «Le Premier ministre n'aura d'autre rôle que celui de porte-parole des décisions qui seront directement prises par le bureau du Président et certainement pas par le gouvernement», a déclaré Mohammad Jaradat, un journaliste de Ramallah, à Al-Monitor. L'écrivain palestinien Hassan Asfour raconte, dans son article intitulé : le gouvernement palestinien «allégé», qu'il appelle Hamdallah «le secrétaire exécutif du Président». Selon Asfour, «l'ensemble des tâches politiques et sécuritaires seront assurées par le Président et son bureau», ajoutant «depuis que Washington a récemment lié le dossier économique au dossier politique (y compris les négociations) et au bureau présidentiel, le gouvernement n'aura pas son mot à dire sur ces questions», lit-on dans un article publié par la journaliste palestinienne Linah Alsaafin. Issam Abou Bakr, leader local du Parti (de gauche) du peuple Palestinien, a estimé que «la crise politique n'est pas limitée à un unique individu» mais «provient des gouvernements passés en particulier du modèle de construction des institutions d'Etat qui a lourdement pressuré le peuple palestinien sur le plan économique, en le laissant fortement endetté envers la Banque Mondiale. Le taux de réussite pour ce gouvernement dépendra de sa gestion des affaires internes principalement sur le plan économique, en baissant les impôts et en réduisant les forts taux de chômage et de pauvreté». Ala Al-Azzeh, spécialiste de l'anthropologie culturelle à l'université de Birzeit a conclu que «Les gens ont perdu confiance dans le leadership palestinien, ce qui par conséquent les empêche de compter sur le gouvernement pour instaurer un quelconque changement, les têtes changent mais la politique reste figée et hors de contrôle. Il n'y a rien à espérer [de la part du gouvernement] car il n'y a aucun horizon politique». Autant la nomination du désormais ex-Premier ministre à la tête du gouvernement a suscité le scepticisme des analystes et du peuple, autant sa démission est considérée comme le signe d'un profond malaise au sein de l'Autorité palestinienne. Certains estiment même que le départ de Rami Hamdallah pose le problème de compétence au sein de l'ensemble des institutions palestiniennes. Mahmoud Abbas, qui doit maintenant se chercher un autre chef pour son exécutif, va-t-il finir par se décider à laisser la place à quelqu'un d'autres ? Cela n'est pas évident dans le contexte interne et régional actuel. Mais à voir sur le terrain, Mahmoud Abbas n'a pas beaucoup de choix et sa marge de manœuvre devient de plus en plus limité notamment en raison de son incapacité à faire cesser la colonisation israélienne et à relancer le processus de paix, en panne depuis trois ans. L. M.