La Tribune : Quel bilan faites-vous de la crise syrienne deux ans après son déclenchement ? Randa Kassis : Depuis la crise rwandaise, le monde n'a pas connu une crise humanitaire aussi dramatique avec un nombre aussi élevé de réfugiés et de déplacés. La situation en Syrie est aujourd'hui chaotique.
Pouvez-vous nous dire qui sont, actuellement, les parties en conflit en Syrie ? L'opposition politique, comme nous le savons tous, est fragmentée et divisée. Nous trouvons en Syrie toutes sortes de groupes aux idées divergentes. L'armée libre souffre elle aussi de divisions, certaines brigades ont d'autres agendas ou obéissent à l'agenda de commanditaires comme le Qatar ou l'Arabie saoudite. Tout cela rend les choses encore plus difficiles et plus compliquées et établit un équilibre de la terreur.
La «communauté internationale» prétend que le régime syrien à utilisé des agents chimiques contre sa population et veut le «punir». Avez-vous des informations sur ce qui s'est réellement passé à El Ghouta ? Il est très difficile de savoir ce qui s'est réellement passé. C'est pourquoi il est impératif que la communauté internationale se doit d'attendre le rapport des enquêteurs de l'ONU avant d'agir. Laissons les experts faire leur travail avant de décider de quoi que ce soit.
Comment peut-on être sûrs de la provenance de ces armes aujourd'hui ? Il est probable que certaines brigades armées, notamment les islamistes, possèdent quelques armes chimiques. La situation est chaotique et dramatique. Ainsi nous devons nous mettre au travail sérieusement afin d'accélérer le processus politique.
L'évocation de ces armes chimiques évoque pour nous le même mensonge avancé par ces mêmes pays occidentaux pour envahir l'Irak en 2003. L'Histoire est-elle en train de se répéter en Syrie ? C'est pour cette raison que nous appelons à la prudence et à garder notre sang-froid afin d'éviter des réactions trop émotionnelles. Il est facile de déclarer la guerre mais il est moins aisé de rétablir la paix. Il faudra une volonté de fer de plusieurs pays afin de pousser tous les protagonistes à entamer des négociations dans la perspective d'un compromis qui permettra d'établir la paix puis un Etat de droit en respectant toutes les composantes ethniques et religieuses en Syrie.
Pourquoi les représentants de l'opposition syrienne à l'extérieur rejettent-ils toute solution politique ? Il n'y a que la Coalition nationale syrienne (CNS) qui rejette le processus politique parce qu'elle est incapable d'avoir sa propre politique sans consulter le Qatar et l'Arabie saoudite. Ces deux pays sont les vrais maîtres de cette coalition. Les membres ne sont finalement que les employés de ces deux pétromonarchies qui vous l'avouerez ne peuvent se vanter d'être de grandes démocraties.
Quelle issue possible pour la guerre en Syrie ? La voie du dialogue est-elle encore possible ? Le processus politique est l'ultime voie qui peut apporter la paix en Syrie et qui peut nous aider à trouver le concept qui peut nous permettre de vivre ensemble à nouveau malgré nos différences. Nous devrions sans doute donner à nouveau un rôle de premier plan à un homme de paix comme Lakhdar Brahimi (ndlr: Représentant spécial de l'ONU et de la Ligue Arabe). Il est capable de mener ce processus à bon port. G. H.