Photo : APS Par Hasna Yacoub L'Algérie poursuivra avec «intensité» la politique de grands travaux qu'elle a engagée en 2004 car «elle en a les moyens», a déclaré dimanche dernier Abdelaziz Bouteflika qui a présidé le Conseil des ministres ayant approuvé le projet de plan d'action pour la mise en œuvre du programme du président de la République. «Les ressources financières sont disponibles dans le cadre des crédits votés, les programmes sont déjà, dans leur totalité, à un stade de réalisation bien avancé, mes directives et mes instructions ont été clairement énoncées sur les différents dossiers. J'attends donc du gouvernement qu'il s'attelle collectivement à sa mission avec détermination, et j'attends de chacun de ses membres qu'il assume ses responsabilités dans son domaine de compétence. Tout attentisme doit être banni du processus de développement national, et en cela, il revient au gouvernement de donner l'exemple», a déclaré le chef de l'Etat, en demandant cependant un contrôle strict des coûts : «Combattre tout gaspillage des ressources, rationaliser les dépenses de fonctionnement, notamment et promouvoir de manière plus soutenue une économie diversifiée.» L'Algérie a lancé en 2004 un plan quinquennal d'un coût de plus de 140 milliards de dollars avec la construction d'infrastructures routières, de plus d'un million de logements, de barrages et de centrales électriques ou d'usines de dessalement de l'eau de mer. Elle risque de faire face aujourd'hui à une crise économique, à l'instar des autres pays du monde. Et ce, en raison de la baisse du prix du pétrole qui engendrera une baisse des revenus pétroliers, principale ressource du pays. Mais le chef de l'Etat considère que «la crise économique mondiale, quelle qu'en soit la durée, sera par nature conjoncturelle, alors que les problèmes de développement de notre pays sont, quant à eux, des enjeux structurels qui doivent être pris en charge sans trêve». Selon lui, «l'Algérie possède les moyens d'une telle politique. Il s'agit de rationaliser davantage encore les efforts, en veillant notamment à finaliser les études préparatoires des projets avant leur lancement pour éviter les révisions récurrentes des coûts». Cette déclaration du président de la République semble très rassurante si elle venait à être comparée à celle faite lors de l'ouverture de l'année universitaire en octobre dernier. De Tlemcen, le Président avait averti : «Nous allons faire face au séisme économique qui se prépare et à ses répliques préjudiciables, en premier lieu, aux économies faibles des pays en développement.» Pour le premier magistrat du pays, «on est peut-être dans une situation confortable, mais toute dégringolade des prix du pétrole nous mènera à la débandade, et chacun de nous sera appelé à se retrousser les manches». Il a également prévenu qu'il était temps de réfléchir sérieusement à l'après-pétrole : «Notre souci majeur est de substituer à la manne pétrolière la valeur ajoutée du travail productif sur les plans matériel, intellectuel et technologique, et ce, en puisant dans des alternatives à rechercher dans l'agriculture et les industries diverses, notamment les industries de transformation et en accordant davantage d'intérêt aux services et aux sources d'énergie autres que les hydrocarbures.» Le marché du pétrole étant volatil, les prix ont amorcé une tendance baissière qui semble s'installer dans la durée, augurant plus d'incertitude et de vulnérabilité pour l'économie nationale. Le ministre des Finances, Karim Djoudi, a expliqué dernièrement qu'une loi de finances à 37 dollars le prix de référence du baril de pétrole permettra de gérer la situation à court et moyen terme. Il a toutefois souligné qu'à long terme, avec un baril à moins de 67 dollars, l'Algérie sera contrainte de puiser dans le Fonds de régulation des recettes afin de rééquilibrer son budget. Un fonds évalué au 25 septembre 2008 à 4 728 milliards de dinars, selon M. Djoudi, au moment où le prix du pétrole était autour des 60 dollars. Le prix du baril a atteint les 40 dollars aujourd'hui, il semble évident que l'Algérie puise dans son fonds de régulation. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui estime que la récession de l'économie mondiale «peut durer jusqu'à trois ans», continue pourtant à être confiant du fait que «l'économie algérienne est déconnectée de l'économie mondiale». Abdellatif Benachenhou, ancien ministre des Finances, s'est déclaré optimiste pour l'avenir de l'économie nationale au cours d'un débat organisé par le Forum des chefs d'entreprise (FCE). «L'Algérie ne sera pas affectée par la crise économique mondiale, même avec un baril de pétrole à 40 dollars. Nous avons acquis la solvabilité externe jusqu'à 2015. Nos réserves de changes de 142 milliards de dollars représentent quatre années d'importations au rythme actuel», a expliqué M. Benachenhou qui intervenait en tant qu'expert en économie. «Notre budget tiendra bon avec un pétrole à 37 dollars. Le fonds de régulation des dépenses que le gouvernement a eu la sagesse de créer en 2001 et qui dispose actuellement de 4 200 milliards de dinars permettra d'équilibrer le budget de l'Etat et de maintenir les projets d'investissements en cours», selon M. Benachenhou. Toutefois, la baisse des prix du pétrole va tirer la croissance économique de l'Algérie vers le bas, prévoit-il. «Lorsque le prix du pétrole est divisé par deux, la croissance perd 25%», selon M. Benachenhou. L'économie algérienne semble donc pour le moment épargnée mais elle demeure à la croisée des chemins. Les choix stratégiques du gouvernement actuel sont décisifs et déterminants pour l'avenir du pays. Les recommandations du président de la République sonnent comme une prise de conscience quant à la nécessité de diversifier l'économie qui a chaviré après la baisse substantielle des cours du baril de pétrole.