Montré dans la salle de la Pacific Film Archive, la cinémathèque de l'université de Berkeley, le 30 avril dernier, le nouveau film du vétéran cinéaste argentin Fernando Solanas : Memoria del Saqués a fait sensation devant un large public du Festival de San Francisco. A Alger, qui ne souvient des visites à la cinémathèque de Fernando Solanas au début des années 1970 où il a présenté notamment son célèbre L'Heure des Brasiers ? Son nouveau film est un long documentaire sur la crise économique de décembre 2001 quand des milliers d'Argentins sont descendus dans la rue pour dénoncer la corruption qui a mené à la ruine leur pays. La désastreuse politique du gouvernement a créé des dettes inimaginables et confisqué l'argent des citoyens. Solanas montre le coût humain de cette situation : l'extrême pauvreté, le chômage chronique, la perte pure et simple des économies des Argentins les plus modestes. Fernando Solanas nous parle de la « mafiocratie » qui rassemble tristement les politiciens véreux, les magistrats incompétents, les hommes d'affaires ainsi que les leaders syndicaux. Solanas en veut à tout le monde. L'impunité était totale. Les syndicats ont approuvé la privatisation et la vente à des prix dérisoires des sociétés de l'Etat. Dans ce qu'il appelle dans un chapitre de son film : La Chronique des trahisons, Fernando Solanas pointe avec colère chaque détail qui avait mené l'Argentine à la déroute économique. En d'autres termes : le néolibéralisme. Le ton, la furie des images et des commentaires de Memoria del Saqués rappelle évidemment L'Heure des Brasiers. Si le gouvernement argentin a trahi le peuple, Fernando Solanas dit que le Fonds monétaire international (FMI) est aussi coupable de cette descente aux enfers d'un pays qui fut longtemps épargné par les crises chroniques de la sphère latino-américaine. Un autre documentaire, The Fall of Fujimori, réalisé par l'Américain Ellan Perry, revient sur la chute du président péruvien Alberto Fujimori et sa fuite au Japon, son pays d'origine. En 2002, touché par un énorme scandale politique, Fujimori a abandonné le pouvoir et pris la fuite. Susana Higuchi, la femme de Fujima, sa rivale politique puisqu'elle s'est présentée aux élections contre lui, dit : « Comparés à mon mari, les acteurs d'Hollywood sont inférieurs. » Une partie de ce film montre des images d'archives des membres de la guérilla du Sentier lumineux qui a pesé lourdement dans le contexte historique du Pérou. Alors que le 30 avril 1975, voici 30 ans, les chars du général Giap entraient à Saïgon et que dans une panique générale les hélicoptères américains tentaient de sauver les ressortissants réfugiés sur les toits de leur ambassade (avec leurs collaborateurs vietnamiens, généraux, colonels, etc.), les envoyés spéciaux des chaînes de télévision filmaient ces scènes surréalistes. Ces images ressortent aujourd'hui à la télévision américaine et le festival de San Francisco programme deux documentaires sur la chute de Saïgon. Parallèlement, il y a aussi un fort intéressant film sur cette époque-là, où San Francisco était, avec son campus universitaire, à la pointe de la contestation, de l'opposition à la guerre au Vietnam. La San Francisco State University voyait débarquer des cars de police, avec des agents en tenue de combat, inondant le campus de gaz lacrymogène, donnant des coups de bâton sur tout ce qui bouge ; ces milliers d'étudiants idéalistes sans doute, mais courageusement opposés à l'agression militaire contre le peuple vietnamien.