«Raouraoua m'a proposé d'aller me faire soigner à Doha.» «Quand il est sur le terrain, Ziani se donne jusqu'à la mort.» En début de saison, on ne savait vraiment pas où vous alliez jouer. Comment ça s'est passé exactement ? En fait, je revenais de Sedan qui voulait bien me garder, mais ce club n'avait pas les moyens financiers pour le faire. Ils m'ont proposé quelque chose qui ne me convenait pas. Donc, j'ai décidé de revenir ici en Allemagne, à l'Eintracht Francfort. Comme il y a eu l'arrivée d'un nouvel entraîneur, je savais que je pouvais avoir ma chance dans cette équipe. J'ai discuté avec lui une fois à ce sujet et je lui ai dit clairement : «Ça peut paraître un peu arrogant de ma part de vous le dire, mais moi, je sais que si je suis à 100% de mes moyens, je jouerai dans cette équipe.» C'était un peu osé de votre part… Oui, je l'ai dit, tout en sachant que c'est un peu prétentieux de le faire, mais je suis assez sûr de moi et je sais que si je le dis, je pourrai bien le faire. J'ai juste eu la malchance de m'être blessé. Je traîne cette blessure depuis le mois d'avril. Quatre mois d'arrêt, avant de reprendre les entraînements au mois d'août. C'était assez difficile de revenir au top et là, ça fait déjà plus de trois semaines que je me sens vraiment bien. Je suis bien revenu et pour preuve, l'entraîneur m'a retenu dans le groupe. S'il me refait confiance, c'est parce qu'il a vu que je suis bien aux entraînements et dans les matchs amicaux aussi. Donc, voilà, je suis en train de mettre un peu de pression au mec qui joue titulaire, mais c'est de bonne guerre pour l'équipe. Cela va le rendre meilleur, mais je pense que cela va finir par payer aussi de mon côté pour convaincre le coach et qu'il me fasse jouer. Est-ce que vous avez gardé contact avec l'Equipe nationale ou la FAF ? J'ai rencontré une fois ici à Francfort le président. C'est à l'époque où j'étais encore blessé et il a eu l'amabilité de me demander si je ne voulais pas partir me faire soigner au Qatar. Je l'ai remercié vivement en lui disant que je recevais de bons soins ici en Allemagne. Maintenant, c'est vrai qu'en dehors de cela, je n'ai pas vraiment de contact direct avec la sélection nationale. Mais c'est vrai que ça aide un peu qu'il y ait Karim (Matmour) avec moi dans cette équipe. C'est déjà un geste assez attentionné de la part de Raouraoua qui vous a proposé de prendre en charge vos soins… Oui, c'est vrai que ça m'a fait vraiment plaisir de l'entendre me proposer cela. Il m'a demandé si j'étais bien soigné à Francfort et si je voulais me faire soigner à Doha. Je lui ai dit merci président, les soins sont bons ici en Allemagne et qu'il n'a pas de souci à se faire. Aimeriez-vous avoir un contact permanent avec la sélection ou tout au moins avec les responsables de la DTN ou la FAF ? Est-ce que c'est important de savoir qu'on vous suit de loin tous les jours ? Bien sûr que ça ferait plaisir aux joueurs de savoir qu'on pense à eux, surtout en période de blessure. Après, les responsables aussi ont peut-être autre chose à faire que de nous appeler toute l'année. Je pense que c'est au joueur de montrer qu'il est toujours là. Et la meilleure réponse à donner, elle se trouve sur le terrain. Si on est bon, les gens vont nous appeler sans problème. Qu'est-ce que ça vous fait d'entendre des gens dire encore de vous que vous vous sentez plus Tunisien qu'Algérien ? Ça ce sont des idées de conneries. Je pense que je ne suis pas le seul à avoir la double, ou la triple nationalité en Equipe d'Algérie. Moi, je l'ai déjà dit et je le répèterai toujours. Mon choix est fait, j'ai opté pour l'Algérie et pour toute ma carrière, je serai fier de mon choix. Maintenant, ce qui est embêtant, comme j'ai été blessé longtemps, je n'ai pas pu intégrer les stages de l'EN comme celui de Marcoussis, mais je suis assez confiant pour l'avenir. Je reviens à ma forme peu à peu et le plus important pour moi au jour d'aujourd'hui, c'est de pouvoir enchaîner les matchs pour revenir à mon meilleur niveau. Je suis sûr que dès que je vais recommencer à jouer en club, je retrouverai ma place en sélection. Il n'y a pas de raison pour que ça se passe autrement. J'ai 25 ans, je suis encore assez jeune et j'ai tout le temps devant moi pour prouver ce que je vaux. Comment voyez-vous votre progression par rapport à la forme de celui qui est titulaire à votre poste à l'Eintracht ? Etes-vous loin ou près de le détrôner, selon vous ? Non, c'est vrai qu'il y a un mois de cela, j'étais vraiment très loin, mais plus le temps passe et plus je m'entraîne fort, plus je sens que je m'y rapproche. D'ailleurs, j'ai eu une discussion avec le coach à ce sujet et il m'a bien rassuré. Mais d'un autre côté, l'équipe aussi est en phase ascendante, elle gagne ses matchs, donc ça devient encore plus difficile de détrôner les titulaires. Car même si le joueur ne fait pas un grand match, tant que l'équipe gagne, c'est délicat pour le coach de chambouler l'équipe. Mais j'attends mon heure et je suis certain que ça va venir inchallah. Je ne suis pas impatient. C'est vrai que je l'ai été souvent durant ces dernières années. C'est un sujet que j'ai abordé avec Karim Matmour tout récemment. Et vous vous êtes dit quoi au juste avec Matmour ? (Il sourit). On se dit que nous, les Algériens, la patience, ce n'est pas notre fort. A un moment, il faut savoir patienter en bons musulmans et ça finira toujours par arriver. Dieu est Grand et Il sera toujours avec ceux qui savent patienter. Vous êtes en famille à Francfort ? Oui, je suis avec ma femme et mon fils et avec Karim et son épouse, nous sommes tout le temps en famille. Il vient chez moi ou je pars chez lui. On est tout le temps ensemble et c'est cela qui est bien. Ça nous aide beaucoup d'être ensemble. Nous formons tous une grande famille. C'est vraiment important de ne pas se sentir seul, surtout dans un pays comme l'Allemagne où les gens sont très conservateurs et veulent qu'on parle tous l'allemand. Et vous parlez l'allemand assez couramment ? Oui, hamdoullah, aujourd'hui je me débrouille assez bien. J'ai fait beaucoup d'efforts dans ce sens. Le Qatar, ça ne vous a pas effleuré l'esprit en début de saison, quand vous traversiez cette période de doute liée à votre blessure ? Non, à aucun moment. Mais c'est vrai que si une proposition venait d'un des pays du Golfe, on ne peut pas dire non, sans hésiter. Du coup, moi je comprends parfaitement les joueurs qui sont partis jouer là-bas. Comment ça ? Voilà, c'est mon avis personnel. Il y a certains joueurs qui ont fait une belle carrière en Europe et aujourd'hui, le marché financier devient de plus en plus dur pour les footballeurs. Et au-delà de cela, une fois que le joueur est «catalogué», il a beaucoup moins de chance de retrouver un club. Vous voulez dire quoi par le mot «catalogué» ? Je veux parler de quelqu'un à qui on a collé une étiquette d'impulsif et qui ne rentre pas dans le rang, vous comprenez ce que je veux dire ? C'est notre problème à nous, les Algériens. On n'est pas très patients, on s'énerve tout le temps, on est comme ça de naissance. Et en Europe, c'est tout ce qu'on déteste. Ce sont les agents qui collent ces étiquettes ? Non, je pense que ce sont les dirigeants des clubs entre eux qui le font. Après, si certains joueurs ont la possibilité de décrocher un bon contrat et partir, vous savez, c'est bien beau de critiquer les joueurs qui partent jouer dans le Golfe, mais personne ne sait comment ils vivent réellement. Vous savez, il y a peut-être des joueurs qui font face à des crédits à payer, sans parler des aides qu'ils doivent assumer avec leur famille. Vous savez, c'est un devoir d'aider sa famille et quand on joue au football, on a envie aussi de faire profiter ses parents, ses frères et ses sœurs. Et puis, les gens ne savent pas peut-être que les joueurs ne sont pas tous payés comme Messi. Pourriez-vous nous situer une fourchette des salaires des joueurs algériens en Europe ? C'est clair qu'on n'est pas comme Messi qui touche 30 millions d'euros par an. Mais je ne peux pas vous dire exactement ce que touchent les autres… Il y en a qui touchent 10 000 euros par mois ? Je crois que c'est un peu plus que ça… 20 000 euros ? Oui, je pense qu'il y en a qui ont ce salaire. Des joueurs qui jouent sélection d'Algérie et qui touchent 20 000 euros ? Je n'en sais rien, c'est peut-être cela ou plus… (Il hésite). Vous savez, en Algérie, Lemmouchia touche 40 000 euros à l'USMA. Y en a-t-il qui le font en Europe parmi les joueurs algériens ? Ceux qui jouent en Equipe nationale les dépassent oui, mais je ne suis pas sûr que tout le monde touche plus que lui en Europe… Il n'y en a pas beaucoup qui touchent 40 000 euros par mois. Il y en a sans doute qui sont bien en dessous. Mais il faut préciser que je ne connais pas les salaires des autres. On n'en a jamais parlé entre nous. Maintenant, quand un joueur reçoit une offre avec un très gros salaire pour aller jouer au Qatar, je ne pense pas qu'il refuserait. Surtout avec des salaires de 200 000 euros ou plus… Montrez-moi un seul Algérien qui refuserait d'aller travailler dans son domaine pour un tel salaire ! C'est tout ce que j'ai à dire. Qui refuserait d'aller jouer pour 200 000 euros par mois ? Personnellement, je n'en connais aucun. Vous vous rendez compte ce qu'on peut se payer avec un tel salaire ? Pas seulement une maison de rêve pour ses parents en Algérie. Sans parler de ce qu'il y a à côté comme le confort, les primes et tout le reste. Il faut être réaliste à un moment. Une carrière de footballeur ne dure pas longtemps et si on a la malchance de se blesser avant la fin, ce ne sont pas les gens qui critiquent aujourd'hui qui vont venir vous assurer votre avenir et celui de vos enfants demain. Personne ne viendra vous remplir le frigo. On dira juste meskine, il aurait dû y aller quand il avait reçu cette offre. Après, vous avez toute la vie pour pleurer seul. Je comprends la réaction des supporteurs, mais il faut aussi essayer de comprendre la situation des joueurs si on veut être juste. Mais les conséquences sont graves pour la place du joueur en sélection. On a vu que même Ziani a été écarté de l'équipe à cause de cela... Karim Ziani, quand il rentre sur le terrain, on sent qu'il se bat jusqu'à la mort. C'est une vraie locomotive dans l'équipe. D'un autre côté, le coach aussi a sa propre idée pour l'équipe. Je ne sais pas exactement comment ça se passe au sein de l'EN, car ça fait assez longtemps que je n'ai pas été en sélection. Mais c'est vrai que c'est bizarre de ne pas voir Ziani dans cette équipe. Après, c'est le coach qui décide de cela et il faut respecter ses choix.