Les autorités algériennes ne veulent plus de Sawiris et de son Orascom Telecom Algeria (OTA). D'après Reuters, un haut responsable algérien -au fait du dossier- a déclaré que «nous ne voulons plus d'Orascom». Une autre source haut placée, citée par Reuters, a révélé que «le gouvernement considère que la manière de faire des affaires d'Orascom en Algérie ne répond pas à ses intérêts». Et d'ajouter que «la conséquence en est qu'Orascom doit se retirer du marché algérien». En Algérie, le français Vivendi est le plus avancé dans ses démarches, ceci en vue d'une éventuelle prise de participation dans Djezzy. Naguib Sawiris, PDG d'Orascom Telecom, approché il y a quelques jours, en marge du Mobile World Congress, le Salon mondial des télécoms à Barcelone, a laissé entendre qu'il était prêt à quitter l'Algérie s'il sentait ne plus être le bienvenu dans ce pays. «Nous sommes très désireux de rester en Algérie, c'est l'un de nos principaux atouts et jusqu'à cet incident (ndlr : le redressement fiscal de près de 600 millions de dollars), nous avons été très heureux. Mais nous avons besoin de savoir si notre présence est la bienvenue ou non. Sinon, nous envisagerons d'autres options», a-t-il déclaré à Market Watch. Mais pourquoi donc cette putréfaction des relations entre le pouvoir algérien et Sawiris qui était reçu et présenté en Algérie comme le messager de la modernité et du modernisme. Que nenni ! Pour un expert en économie algérienne, il existe des règles non-écrites qu'Orascom n'a pas respectées. Ce qui dans le même temps ne justifie pas, pour lui, la réaction des autorités algériennes. L'avenir de Djezzy, en attendant un jour un contexte plus propice pour une cession, s'orienterait donc vers une plus grande séparation des propriétaires d'avec le management et, sans doute, une meilleure immersion dans le pays d'accueil. Il est aussi utile de rappeler que plus de huit années après son lancement, en février 2002, Djezzy-GSM s'est imposé comme le leader incontesté sur le marché de la téléphonie mobile en Algérie. «Le principe de base de ce marché, c'est le premier arrivé, premier servi», rappelle Xavier Decoster, senior consultant chez Quantifica, cabinet d'expertise en télécommunications. Or, en Algérie, c'est Djezzy, arrivé pourtant après Mobilis, qui est le leader du marché». De son côté, le cabinet Oxford Business Group attribue une part de marché de 63 % à la filiale d'Orascom Telecom. Malgré son statut d'opérateur historique et sa situation de monopole, ou à cause d'eux, Mobilis a raté le coche en 2001, lors de la libéralisation du secteur. Ses concurrents ne sont arrivés qu'en février 2002 (Djezzy) et août 2004 (Nedjma), mais l'opérateur public a connu de nombreux ratés, notamment la saturation d'un réseau insuffisamment développé, qui ont détourné une partie de la clientèle. Par la suite, l'opérateur a redressé la barre. Episode Lafarge Le titre OTH, la holding qui détient OTA, a baissé de 8% durant le mois de novembre à la bourse du Caire. Mais le mouvement baissier a été entamé un mois plus tôt. En Algérie, les ennuis d'Orascom datent de la fin de l'été, lorsqu'il s'est confirmé dans la presse (Les Afriques n° 92) qu'OTA s'était bien vu notifié un redressement fiscal historique de 596,5 millions de dollars, ce qui expliquait le blocage par la Banque d'Algérie de l'autorisation de rapatriement des dividendes (580 millions de dollars) de l'exercice 2008. «Quand dès les années 1990, l'Algérie avait besoin d'argent et d'investissements, personne n'est venu. Aujourd'hui, avec les caisses pleines, tout le monde veut venir. Nous allons faire une sélection et accepter qui on veut chez nous », explique un haut responsable algérien qui a requis l'anonymat. Pour les dirigeants algériens, c'est une question de souveraineté nationale. Et Orascom, fortement présent sur le marché algérien dans plusieurs domaines, ne pouvait l'ignorer. Pour sa part, le français Lafarge, dont les projets d'implantation en Algérie présentés dès 2006, s'étaient heurtés aux réticences du gouvernement, savait que l'acquisition d'Orascom Cement ne pouvait être perçue que comme une entrée par effraction sur le marché algérien. Dans ce contexte, en acceptant de lui ouvrir les portes, Orascom a franchi une ligne rouge : il s'est substitué à l'Etat dans le choix de ses partenaires étrangers.