La France et la Russie ont conclu un important accord gazier qui menacera, ex abrupto, le marché du gaz entre l'Algérie et l'Union-européenne, notent plusieurs experts dans le domaine. Sonatrach écimée, meurtrie et noyée dans des eaux croupies aux relents de corruption, verra sérieusement chambouler sa stratégie gazière, à long terme. Le prochain GNL, prévu à Oran, en avril prochain, sera la rencontre de la dernière chance avec la Russie afin de mettre une stratégie commune. Toujours est-il que Sonatrach et Gazprom sont également des concurrents de grosse pointure. Le struggle for life dans ces milieux est rude. Dans une conjoncture pareille où Sonatrach est endolorie par les scandales, où la majorité de ses employés et cadres sérieux décrient le fait du prince et les passe-droits, le marché européen, une importante partie serait sifflée par les Russes. Pour revenir à cette alliance, le président russe Dmitri Medvedev et son homologue français Nicolas Sarkozy ont présidé la signature d'un important accord entre Gaz de FranceSuez et Gazprom. Selon les termes de ce contrat, GDF va acquérir une participation de 9% dans le gazoduc Nord Stream gaz. En échange, Gazprom va approvisionner la France de près de 1,5 milliards d'euros supplémentaires en gaz à partir de 2015. En date d'aujourd'hui, la quantité annuelle de gaz livrée par les Russes à Gaz de FranceSuez est de 2,5 milliards de mètres cubes. Les documents ont été signés par Alexei Miller, chef de Gazprom et de GDF SUEZ, Gérard Mestrallet, directeur général, pendant la visite du président russe Dmitri Medvedev à la France. Ce accord entre dans un schéma proche du «playbook» diplomatiques de la Russie: «Moscou accorde un accès sélectif aux ressources énergétiques russes comme une récompense pour la coopération politico-et souvent, le lobbying pour le compte du Kremlin», écrivent conjointement Ariel Cohen, Ph.D., expert en études russes et eurasiennes et de la politique énergétique internationale et Owen B. Graham, assistante de recherche à la Katherine & Shelby Cullom Davis Institute for International Policy à la Heritage Foundation. De son côté, Abdelmadjid Attar, ancien PDG de Sonatrach et ancien ministre des Ressources en eau, a déclaré au quotidien algérien El Watan de ce jeudi que «même si toutes les compagnies pétrolières veulent disposer de quantités additionnelles de gaz, cet apport complémentaire sur le marché français pourrait exposer l'Algérie à un risque d'une sérieuse concurrence». Et d'ajouter : «cette intégration signifie que la concurrence s'avérera sérieuse pour l'Algérie, cette dernière fournit 90% de son gaz destiné à l'exportation à l'UE». Pour rappel, l'Algérie exporte environ 60 milliards de mètres cubes entre gaz et GNL (gaz naturel liquéfié) vers l'UE. Seules les exportations vers la France atteignent les 9 milliards de mètres cubes par an. D'après le pronostic que les livraisons en gaz de l'Algérie vers l'UE atteindront 100 milliards de mètres cubes, à l'horizon 2015. Quant aux réserves algériennes, elles sont estimées à environ 1.000 milliards de mètres cubes (les chiffres officielles sont souvent critiqués par les experts qui les qualifient de gonflés et infondés). Les accords de principe de cette visite du président russe à Paris sont multiples et de grande envergure. Ils concernent la coopération militaire et spatiale, l'industrie, l'échange d'informations…etc. Le pragmatisme d'un Sarkozy pourrait aller jusqu'à sacrifier le démantèlement de la Géorgie contre une certaine sympathie russe pour que de nouveau, la France assoit son hégémonie sur les pays traditionnellement sous sa coupe, notent des experts. L'enjeu est de taille pour l'Algérie. Cependant, les accords historiques entre la France et la Russie qui remontent bien avant la Seconde guerre mondiale, n'ont jamais abouti. La France et la Russie ont consommé vite leur alliance de 1894. Il s'agissait d'un pacte militaire, basé sur les garanties de protection mutuelle, et dirigées contre l'Allemagne belliqueuse. Il n'a pas survécu à la Première Guerre mondiale, ni le traité franco-soviétique d'assistance mutuelle de 1935. Cette fois, Nicolas Sarkozy essaye de se rattraper et distancer l'Allemagne pour une relation privilégiée avec Moscou.