Les berges du barrage de Aïn Zada, situé à cheval entre les wilayas de Bordj Bou Arreridj et de Sétif, sont prises d'assaut ces derniers temps par des pêcheurs à la ligne venus des wilayas limitrophes, comme M'sila, ou un peu plus éloignées comme Biskra et Batna. Les plus patients, plutôt les plus passionnés, campent parfois, le beau temps aidant, durant des journées entières, sinon plusieurs jours autour de cette vaste étendue d'eau de 1.100 hectares, taquinant à l'envi la carpe "Grande bouche" qui foisonne à Aïn Zada. "A ce train-là, la pêche à la ligne est en passe de devenir le sport le plus pratiqué dans les wilayas de Sétif et de Bordj Bou Arreridj", note non sans humour -et sans non plus perdre de vue son flotteur- Miloud Madoui, un "accro" résidant à Bordj Bou Arreridj. Sa canne plantée à côté de celles de pêcheurs de Bou Saâda, rencontré là par hasard, ce pêcheur impénitent, comme il se qualifie lui-même, se réjouit aussi des liens d'amitié qui se tissent au gré des rencontres. Pour lui, il existe peu d'endroits aussi conviviaux où il fait bon vivre, loin du tumulte de la ville, avec de nouveaux copains. Des copains "dont on surveille aussi, du coin de l'œil, le moindre frémissement de la ligne", glisse-t-il d'une voix basse et avec un sourire entendu. En règle générale, les pêcheurs de chaque wilaya choisissent leur coin préféré sur lequel leurs "collègues" évitent d'empiéter, même s'il est inoccupé, selon une sorte de code tacite n'ayant jamais fait l'objet de la moindre négociation. "C'est simplement du respect!", lance fièrement Miloud Madoui pour qui cela relève de "l'hospitalité des gens des Bibans". Malheureusement, tout n'est pas toujours si édénique que cela sur les berges du barrage, regrette toutefois ce pêcheur, un brin écolo."Si nous, nous faisons très attention aux déchets, en nous gardant de les remettre dans les eaux du barrage, certaines personnes viennent plutôt pour s'adonner à l'alcool, abandonnant divers détritus sur les rives du barrage", déplore-t-il en prenant à témoin un autre pêcheur qui semblait chercher un endroit convenable où poser son tabouret pliable. Ce dernier, qui répond au nom de Omar Bencherif, vient d'arriver de Barika (Batna) et confirme les propos du Bordjien avec force acquiescements: "C'est vrai, parfois, des jeunes gens désoeuvrés viennent ici pour boire (des boissons alcoolisées), mais ils ne s'approchent jamais des pêcheurs". Ce que cet habitant du Hodna regrette le plus, c'est plutôt la découverte fréquente de poissons morts, jetés probablement par des pêcheurs qui en attrapent trop et qui, dénonce-t-il, s'en débarrassent sur les rives sans calculer le risque que leur décomposition empoisonne l'eau du barrage. Du côté de l'administration du barrage, l'on confirme que les eaux de Aïn Zada sont très poissonneuses. Pendant la seule année 2007, quelque 250.000 alevins de carpe argentée et 100.000 alevins de carpe "Grande bouche" avaient été lâchés dans le barrage. Selon un responsable, l'activité de pêche est réglementée selon des périodes précises et "seul un concessionnaire est actuellement autorisé à pêcher avec des filets pour capturer la Grande bouche de grande taille et éviter qu'elle ne meure et pollue les eaux du barrage". Pendant ce temps, Miloud Madoui et Omar Bencherif, qui viennent juste de faire connaissance, devisent à tout va en comparant la souplesse de leur canne, leur moulinet et leurs hameçons. Ils s'éloignent ensuite côte à côte comme s'ils étaient les meilleurs amis du monde.