Sortir de la dépendance des hydrocarbures. Tel est le défi que se sont assigné les pouvoirs publics. D'où l'initiation du plan de relance économique et de la nouvelle stratégie industrielle. Néanmoins, cela reste insuffisant du fait du manque d'incitations microéconomiques à l'investissement. C'est du moins ce que note un document de travail de l'Agence française de développement (AFD). Les lacunes résideraient, selon le même document, dans "les coûts de transaction et d'accès aux crédits bancaires", et enfin et surtout dans les innombrables désincitations institutionnelles, qui se traduisent in fine par un coût d'entrée sur le marché prohibitif pour les nouveaux acteurs économiques. L'étude réalisée par l'AFD fait ressortir d'emblée que l'économie algérienne reste fortement dépendante des hydrocarbures, notamment dans la production (entre 30 % et 50 % du PIB depuis 1990) et l'exportation (entre 75 % et 95 % des exportations) de pétrole. Selon l'AFD, cela s'explique par le fait que le tissu industriel est caractérisé par sa petite taille (moins de 10 % du PIB), et lequel est dominé à 80 % par le secteur privé. Aussi, celui-ci est très faiblement tourné vers l'exportation (moins de 5 % des exportations). Par ailleurs, le secteur hors hydrocarbures est surtout dominé par les services. En outre, il ne joue pas son rôle de moteur de la croissance. Aussi, le poids très important du secteur des hydrocarbures dans le PIB et les exportations n'est, par ailleurs, pas reflété dans l'emploi. En effet, ce secteur n'emploie que 1 % de la population active. Les gisements d'emploi se trouvent avant tout dans le secteur des services (42 % de la population active) - notamment dans l'administration publique (12 %) et le commerce (10 %), dans l'agriculture (16 %) et le secteur de la construction (9 %). L'industrie manufacturière emploie 7 % de la population active, part bien plus importante que celle dans la valeur ajoutée.Une question se pose donc. Comment utiliser la manne pétrolière à bon escient, d'autant plus que l'importance des revenus issus de richesses naturelles encourage la recherche de rente. L'AFD note que l'économie algérienne n'est pas affectée par ce qu'on appelle le syndrome hollandais. Argumentant ces propos, l'agence estime que le taux de change réel suit une tendance à la baisse (il s'est déprécié de 20 % entre 1999 et 2006) alors même que les termes de l'échange n'ont cessé d'augmenter. Néanmoins, et comme dans toute économie rentière, le grand concurrent de l'entrepreneur est l'importateur et les incitations à produire sont moins importantes que les incitations à importer dans un pays qui en a les moyens. Selon les chiffres fournis, la part des importations totales de marchandises représentait 20 % du PIB, alors que la part de la valeur ajoutée de l'agriculture et de l'industrie hors hydrocarbures n'en représentait que 13 %. Ainsi, l'agence française estime qu'il est probable que le boom pétrolier actuel va avoir tendance à renforcer le poids du secteur des importations au détriment du secteur productif.L'AFD estime que les incitations macroéconomiques sont les plus développées en Algérie et concernent principalement la politique d'investissement dans les biens publics qui augmentent la rentabilité de l'industrie, telles que les infrastructures, le capital humain et la politique d'innovation. Dans ce sens, l'agence française rappelle que pour ce qui est du cas de l'Algérie, ces incitations sont développées à travers le Programme complémentaire de soutien à la croissance et sont renforcées par la nouvelle stratégie industrielle. Néanmoins, avec une politique monétaire restrictive qui limite l'accès au crédit et une ouverture économique souvent jugée trop rapide pour l'industrie, beaucoup d'entreprises peuvent fermer, note l'AFD. Aussi, les incitations microéconomiques au développement de la production et des exportations du secteur productif hors hydrocarbures sont faibles en Algérie. L'AFD note bien que les incitations qui existent au niveau du régime d'investissement et des avantages fiscaux, sont contrecarrées principalement par le difficile accès au crédit bancaire et par des coûts de transaction importants. Ainsi, le coût total des procédures pour créer une entreprise est estimé par la Banque mondiale à 25 % du revenu national en Algérie, en 2005, contre 7 % dans les pays de l'OCDE. En particulier, on estime à 49 le nombre de procédures nécessaires en Algérie, en 2005, pour mettre en oeuvre un contrat, ce qui prend 407 jours, et à 14 le nombre de procédures pour enregistrer un droit de propriété, ce qui prend 52 jours. Il reste néanmoins que ce qui mine réellement le climat des affaires en Algérie c'est bien les problèmes posés au niveau juridique et institutionnel. Selon l'AFD, le flou du cadre légal (30 % des managers ne font pas confiance aux tribunaux algériens pour faire respecter le droit de propriété) et l'importance du réseau personnel pour réussir dans les affaires, pose le problème de la collusion entre le secteur public et le secteur privé. Ces désincitations concernent également le manque de culture du secteur privé, le problème du foncier industriel lié à la mauvaise gestion des terrains industriels et à la forte spéculation dont ils font l'objet, rendant leur coût prohibitif pour les nouveaux investisseurs.L'AFD note que "le Forum des entreprises estime que la création d'entreprises industrielles est rendue difficile car il faut disposer d'une capital important, d'environ 40 millions de dinars, pour avoir une place sur le marché". Selon l'agence française, l'ensemble des désincitations microéconomiques et institutionnelles sont le fruit de la rente et risquent de compromettre l'effort de diversification de l'économie. Cette situation n'encourage pas les progrès de compétitivité à travers une politique active d'innovation, ce qui ampute encore les perspectives de croissance à long terme.