Lundi, le cabinet du Premier ministre irakien Nouri Al Maliki à Baghdad a approuvé le projet de la nouvelle loi irakienne sur le pétrole. Le gouvernement le considère comme "un projet national majeur". Mais ce qu'il omet de dire est que ce projet consacre désormais la mainmise américaine sur le pétrole irakien d'autant, qu'à ce stade, l'affaire est faite puisque son adoption en mars par le parlement ne sera que pure formalité. Les Etats-Unis se sont pressés de féliciter le Conseil des ministres irakien pour avoir approuvé ce projet de loi sur le pétrole qui prévoit, selon leur conception, une répartition équitable des revenus pétroliers entre les diverses communautés. L'adoption de cette loi était réclamée avec insistance par les Etats-Unis qui y ont subordonné la poursuite de leur soutien au gouvernement du Premier ministre Nouri Al Maliki. Mieux encore, cette loi n'a pas été rédigée, comme on pourrait le penser, par le gouvernement irakien mais par BearingPoint, une société étasunienne soudoyée par le gouvernement étasunien pour "conseiller" les autorités de Baghdad. Il convient de rappeler que cette société n'est pas à sa première implication en Irak. En juin 2003, BearingPoint a eu un contrat pour "faciliter la reprise économique irakienne" auquel s'est ajoutée une série de tâches assez délicates : rédiger le budget irakien, réécrire la loi sur les investissements, organiser la collecte des impôts, rédiger les nouvelles règles libérales pour le commerce et les douanes, privatiser les entreprises irakiennes, mettre fin à la distribution des denrées alimentaires à prix politiques, créer une nouvelle monnaie et fixer les taux de change. C'est dire que cette société est derrière toute la stratégie US en Irak. Pour ce qui est de cette loi, elle s'écarte totalement de celles qui sont appliquées normalement dans la région et dans les pays en voie de développement. En effet, sous un système appelé "Production-Sharing Agreements", ou PSA, elle permet aux sociétés pétrolières de s'approprier 75 % des profits tant qu'elles n'auront pas récupéré les coûts supportés, pour ensuite descendre à 20%, à supposer que ce jour arrive. De plus, les contrats auront une durée trentenaire et si quelque gouvernement irakien à venir voulait changer de perspective et revendiquer la souveraineté de l'Irak sur son pétrole, il y aurait toujours des marines pour le rappeler à ses devoirs. Sans compter qu'en cas de controverses entre l'Etat irakien et les sociétés pétrolières, la souveraineté irakienne n'aura aucune valeur et les parties en présence devront avoir recours à un arbitrage international. La nouvelle loi irakienne serait la première de ce type jamais adoptée par un grand pays producteur de pétrole. Selon l'AIE, les PSA s'appliquent seulement à 12% des ressources mondiales de pétrole. Et cela dans le cas où les coûts sont très élevés, ce qui n'est certainement pas le cas de l'Irak. Aucun grand producteur de pétrole ne travaille avec les PSA. Au moment où la Russie et le Venezuela négocient tous, la Bolivie nationalise son gaz et l'Algérie et l'Indonésie adoptent de nouvelles règles pour leurs futurs contrats, le gouvernement irakien offre sur un plateau d'argent ses ressources pétrolières. Avec 115 milliards de barils de réserves sûres, la troisième dans le monde après celle de l'Arabie Saoudite et l'Iran, les ressources pétrolières de l'Irak constituent une formidable tirelire raflée par Bush et les conglomérats énergétiques américains, grâce à la bienveillance du gouvernement de Nouri Al Maliki.