Itinérant au départ, le festival du film amazigh a gagné cette année quelques kilomètres : ça se passe pas à Tizi Ouzou où l'on a définitivement confiné les responsables de la culture mais pas loin, Azzefoun, contrée des gens d'esprit. Les tambours du démarrage de la fête ont claironné samedi dernier, et ce n'était pas du folklore ! Iguerbouchene, peu de gens connaissent et pourtant, un feuilleton a été consacré à cet excellent compositeur que l'on compare avec un grand zèle à Beethoven. Et Beethoven, du Iguerbouchene, il y en a eu pendant cette ouverture menée solennellement par l'orchestre philharmonique de Batna, dirigé par Meliani Hanafi. Révérence posthume au musicien kabyle originaire d'Azzefoun. Après cela, et très symboliquement, un Olivier d'or prématuré (l'Olivier d'or étant la distinction suprême de ce festival) a été remis à la ville d'Azefoun à travers son président de l'APC. Ait Menguelet, kamel Hamadi, El Ankis, Hamidou, Chercham, …étaient là parce qu'un film se passe rarement de musique et vice versa. Un hommage a été rendu à l'un des fils adoré de cette contrée, le poète Tahar Djaout, qui a ouvert la liste macabre des assassinats d'intellectuels au début des années 90. Le bal cinématographique de ce rendez-vous qui va se poursuivre jusqu'au 23 mars a été ouvert par la projection du film " Un poète peut-il mourir ? " du réalisateur Arezki Larbi Cherif, en hommage à Tahar Djaout. Un moyen-métrage documentaire de 52 minutes qui revient sur la vie et l'œuvre de cet homme qui n'a jamais vendu ses idéaux de justice. Deux particularités pour cette édition qui semble régresser : pas de longs métrages en lice pour la distinction suprême de "L'Olivier d'or " et pas de films marocains comme ce fut le cas dans les précédentes éditions. Les raisons? Pour le premier cas, c'est certainement lié à la morosité générale de l'état du cinéma algérien et des priorités qu'accordent les responsables du secteur à tel ou tel type d'image. Nous sommes en plein " Tlemcen capitale de la culture islamique", il y a eu budget pour faire plus d'un quarantaine d'œuvres en ignorant malheureusement les projets qui vont dans le sens de l'expression amazighe. S'agissant de l'absence de films marocains, Mohamed Iftissen, commissaire de ce festival s'en est expliqué lors d'une conférence de presse animée à cet effet à la Maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. Regrettant ce " faux bond ", le conférencier a évoqué un retard dans l'acheminement des œuvres marocaines par les organismes chargés de le faire. Tout de même, le commissaire s'est réjoui de l'introduction d'une petite nouveauté dans cette fête du cinéma qui dorénavant aura un trophée de plus qui sera le "Prix du panorama amazigh". Panorama veut dire hors compétition, et selon toujours le conférencier, cette distinction " vise à créer l'émulation et encourager l'émergence de jeunes talents." Dimanche, deuxième jour des activités du festival, six films en compétition ont été projetés au public. Dans la matinée, le public a eu à découvrir, Dacu i wumi-d chfigh (ce dont je me souviens), de Boubekeur Ould Mohand, et un autre film documentaire sur Ahmed Oulkadi, un roi kabyle, signé Hacene Aït Iftène. Ce dernier film relate l'histoire du roi de Koukou, mais aussi roi de la Régence d'Alger entre 1520 et 1527. Un personnage qui côtoiera les frères Barberousse avant de s'opposer à Kheir-Eddine. Il fut aussi gouverneur d'Annaba sous les Hafisides. Très peu de films… Seulement 11 films entre documentaires et courts-métrages seront en lice durant cette manif pour la distinction suprême de l'Olivier d'Or. La section panorama verra la projection de 14 films parmi lesquels certains titres ont été bien entendu vus et revus. Du reste, pas de vedettes, ni de surprises, ni même un peu de glamour…. Placé sous le thème fourretout de, "Azzefoun à l'honneur " ce festival va ressembler exactement à tous les autres. Continuité donc mais pas innovation. Installation d'ateliers pour les jeunes cinéastes du village Ath Daoud et d'Azzefoun, ayant initialement suivi une formation dans ce sens en 2009 à Zéralda. Atelier veut dire formation éclair pour les férus du 7ème art qui dans quelques temps seront promus sans diplôme solide au rang de nouvelle génération de cinéastes algériens. Les endroits où se dérouleront la plupart des activités de ce festival seront éclectiques : deux salles de projection (A et B), la salle omnisports, le centre culturel Tahar-Djaout et l'auberge de jeunesse d'Azzefoun. De plus, il est prévu qu'avec trois cinéclubs, plusieurs villages d'Azzefoun, notamment Iazzouzen, Oulkhou, Aghrib, Ath Ouchen et Aït Arhouna, en plus d'autres daïras, Tigzirt, Azazga, Drâa Ben Kheda… profiteront en plein air de quelques projections datées. Le jury du festival sera composé de gens connus du milieu du cinéma ou même de la presse à l'image de Dahmane Ouzid, Rezki Herrani, Mansour Abrous, Farid Aouameur, Saliha Aoues et Catherine Belkhodja. Pour la section Panorama, le jury sera composé de Hadjira Oubachir, Ahmed Zir, Arezki Graine, Ahmed Ben Alam. Autre chose, les organisateurs ont proposé au cœur de cet événement un coup de projecteur à travers des projections de films corses. Pas naïf ce rapprochement entre la kabylie et la Corse, tout pays du monde ayant sa kabylie, minoré dans tout ! Un panorama de la production corse, offrant des images permettant d'interroger les représentations de la société et sans doute autant qu'une comparaison sommaire avec la culture amazighe. Yasmine Ben