La France, qui préside actuellement le G20, va soumettre un plan d'action destiné à lutter contre la volatilité des prix agricoles, lors d'une réunion des ministres de l'Agricuture de ce groupe des vingt économies les plus puissantes de la planète, fin juin à Paris. Ce plan sera ensuite soumis aux chefs d'Etat et de gouvernement du G20, qui se retrouvent en novembre en sommet à Cannes (sud-est), a affirmé le ministre français de l'Agriculture, Bruno Le Maire. " N'oublions pas que les émeutes de la faim sont encore une réalité aujourd'hui, fait valoir M. Le Maire pour justifier l'urgence de ces mesures. La présidence française entend ainsi soumettre quatre propositions pour tenter de stabiliser les cours des matières premières agricoles dont les hauts et les bas fragilisent les agriculteurs, et contribuent à l'inflation dans le monde. " Nous n'arriverons pas les 22 et 23 juin avec quelque chose de ficelé, il y aura forcément des points qui resteront à négocier ", a toutefois prévenu M. Le Maire lors d'une rencontre récente avec des journalistes. "Ce sont les chefs d'Etat qui décideront en dernière instance si oui ou non ils retiennent ce plan d'actions, mais la première étape est qu'il soit validé par les ministres de l'agriculture", a précisé M. Le Maire. La France souhaite ainsi l'instauration d'une "transparence" des marchés. En clair, mieux connaître la production, la consommation ainsi que l'état des stocks de cultures comme le blé ou le maïs, pour mieux anticiper les crises. Ces informations seraient regroupées sur des banques de données comme ce fut le cas au début des années 2000 en ce qui concerne le marché pétrolier. Cette initiative serait chapeautée par la FAO (organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture). La Chine a fait part de sa "préoccupation", a toutefois averti M. Le Maire. "Le pays ne dispose pas des outils statistiques nécessaires pour informer sur ses stocks et pour la Chine il s'agit de données stratégiques, et les rendre publiques peut poser des difficultés", a-t-il expliqué. M. Le Maire retournera en Chine "pour trouver un point de passage". La deuxième proposition sur la régulation des marchés des matières premières agricoles est loin de faire l'unanimité, même si Paris tente de désamorcer les réticences en assurant ne pas vouloir d'une politique administrée des prix ou "brider" les marchés. Paris souhaite un fonctionnement des marchés "plus équitable, plus juste". Parmi les mesures avancées, limiter les positions sur les marchés. Sans surprise, l'Australie et la Grande-Bretagne figurent parmi les plus réservés, reconnaît M. Le Maire. L'Australie s'interroge même sur "la légitimité du G20 agricole", selon le ministre qui s'apprête à reprendre son bâton de pèlerin pour leur "expliquer" les enjeux. Londres a "toujours laissé les marchés financiers libres de leurs faits et gestes", explique M. Le Maire qui a quand même bon espoir de "convaincre" la Grande Bretagne. Il compte d'ailleurs s'appuyer sur le "consensus très large" obtenu sur ce sujet avec le Brésil, tout récemment converti aux bienfaits d'une régulation des marchés, les Etats-Unis et l'Allemagne. Les ministres devront aussi se prononcer sur une meilleure coordination du G20 pour prévenir et gérer les crises. En bref, éviter une crise comme celle de l'été dernier lorsque la Russie et l'Ukraine ont décrété un embargo sur leurs exportations de blé, entraînant une flambée des prix. Les pays les plus pauvres pourraient ainsi bénéficier de stocks régionaux d'urgence, supervisés par le programme alimentaire mondial (PAM), afin d'être assurés d'être livrés même lorsqu'un pays décide un embargo sur ses exportations. Par ailleurs, la banque mondiale reconnaît qu'il faut regarder au-delà des taux de croissance, lesquels donnent parfois une image trop flatteuse des pays en développement : "C'est une leçon des révolutions en Afrique du Nord et dans le monde arabe. Il ne suffit pas d'avoir une bonne politique économique qui apporte croissance et maîtrise de l'inflation. Si la prospérité n'est pas partagée et si l'on ne parvient pas à mobiliser les énergies, on sera confronté à des risques de révolte." En Tunisie, on a découvert "beaucoup de frustrations liées aux obstacles administratifs pour créer une activité professionnelle. Mohammed Bouazizi, qui n'avait pas la licence pour vendre ses fruits et qui de ce fait a préféré mourir, est emblématique". En outre, ces pays sont peu intégrés dans l'économie mondiale. À leur détriment, estime Zoellick : "Prenons le cas de l'Egypte, dont la population est de 80 millions de personnes, alors que la Corée du Sud n'en compte que 50 millions. Les Coréens exportent plus de produits industriels en une seule semaine que les Egyptiens en un an" souligne le patron de la Banque mondiale. De même, si l'on compare le Vietnam et l'Algérie, deux ex-colonies françaises qui ont connu des guerres, le Vietnam s'est inspiré de ce qui s'est passé chez ses voisins pour s'ouvrir aux investissements étrangers et créer des opportunités à ses propres entrepreneurs. Rien de tel en Algérie, qui dispose pourtant de pétrole et de gaz et qui bénéficie d'une situation géographique avantageuse pour commercer avec l'Europe." La Banque mondiale se dit enfin prête à porter secours à la Côte d'Ivoire. "Il s'agit d'établir des institutions où les groupes hostiles se retrouvent et de créer des infrastructures d'urgence, pour l'eau, le transport, l'énergie," explique Robert Zoellick, arguant de l'expérience de son institution dans e type de situation.