Les prix du pétrole étaient mitigés, hier, en Asie, les inquiétudes persistantes des investisseurs au sujet de la crise de la dette dans la zone euro pesant contre une série de bons indicateurs économiques aux Etats-Unis. Le baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en mai, qui s'était nettement apprécié la veille, gagnait trois cents à 104,23 dollars tandis que le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin abandonnait 11 cents, à 118,67 dollars. "Le Brent reste plombé par les préoccupations liées à la dette européenne malgré le succès de l'emprunt espagnol (avant-hier). Les choses peuvent changer rapidement et les investisseurs restent vigilants", estime Justin Harper chez IG Markets à Singapour. L'Espagne est dans le collimateur des investisseurs qui doutent de sa capacité à juguler son déficit budgétaire sans aide extérieure. Le pays a bénéficié d'une forte demande des marchés, avant-hier, pour se refinancer à court terme, mais l'inquiétude demeure quant à ses perspectives économiques et menace sa prochaine émission de dette, prévue aujourd'hui. Bien que forcée de payer le prix fort pour se refinancer, l'Espagne est parvenue, avant-hier, à emprunter 3,178 milliards d'euros en bons à 12 et 18 mois, dépassant le sommet de la fourchette prévue (de 2 à 3 milliards). A l'inverse, "le WTI et les marchés d'actions ont été portés par des résultats d'entreprise encourageants aux Etats-Unis et les projections de croissance du FMI", relève Justin Harper. Dans ses prévisions économiques de printemps rendues publiques la veille, le FMI a revu à la hausse ses perspectives de croissance globales, de 3,3% à 3,5% et pour les Etats-Unis de 1,8% à 2,1%. Il a également estimé que la croissance de la zone euro devrait se replier de 0,3% et non de 0,5% comme envisagé précédemment. Mais "la possibilité que la crise reparte au quart de tour reste un risque majeur pour la croissance et la stabilité du secteur financier jusqu'à ce que les problèmes de fond (de la zone euro) soient résolus", a prévenu le FMI. Le brut en hausse à New York Les cours du pétrole ont fini en nette hausse la veille à New York, portés par des développements économiques encourageants des deux côtés de l'Atlantique, le marché ne prêtant guère attention au volontarisme affiché par le président américain Barack Obama. Le baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en mai a progressé de 1,27 dollar par rapport à la clôture de lundi, à 104,20 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex). A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin, dont c'est le second jour comme contrat de référence, a fini à 118,78 dollars, en progression de 10 cents par rapport à la clôture de la veille. Les opérateurs américains ont disséqué les annonces faites plus tôt par la Maison Blanche pour lutter contre les prix élevés de l'or noir. Cet enjeu pèse sur la campagne présidentielle de novembre car beaucoup s'inquiètent de voir les cours dispendieux du pétrole menacer la reprise économique, encore fragile. Ainsi, M. Obama veut notamment obtenir du Congrès, où les républicains sont en position de force, le renforcement de la Commission des opérations sur les contrats à terme et les matières premières (CFTC), l'une des autorités américaines des marchés financiers. Ce plan vise aussi à multiplier par dix les amendes infligées à quiconque serait reconnu coupable de manipulation des cours, de un à 10 millions de dollars. "Nous ne pouvons pas nous permettre de nous retrouver dans une situation où les spéculateurs manipulent les marchés en achetant du pétrole et en créant une perception de pénurie qui gonfle les cours, simplement pour le revendre afin d'obtenir des bénéfices rapides", a affirmé M. Obama lors d'une allocution dans la roseraie de la Maison Blanche. "Le président Obama se trompe de cible", a réagi Rich Ilczyszyn, analyste chez iitrader.com. "Les spéculateurs sont très utiles au marché, notamment en lui fournissant des liquidités". Si les cours n'ont pas oscillé dans le sillage des propos du président américain, le marché "surveille désormais les réserves stratégiques", a noté M. Ilczyszyn, estimant "imminent" le recours à ces stocks. En recourant à ces réserves, le gouvernement américain augmenterait substantiellement l'offre ce qui entraînerait immédiatement un repli des cours. Pour Andy Lipow, de Lipow Oil Associates, c'est en s'attaquant à "la baisse continue des stocks d'essence observée aux Etats-Unis depuis quelques semaines et aux tensions persistantes sur le front de l'approvisionnement au Moyen-Orient" qu'il sera possible de soulager les cours. "Ces éléments continuent d'entraîner à la hausse les cours du pétrole", a souligné M. Lipow. Dans ce contexte, les prix du baril ont progressé en raison de la hausse des ventes de détail en mars aux Etats-Unis, de la vente obligataire réussie en Espagne et à l'amélioration du moral des investisseurs allemands en avril, en hausse pour le cinquième mois de suite, ont noté les analystes. Dernier développement particulièrement suivi par les investisseurs: la décision d'inverser à la mi-mai le sens de l'oléoduc Seaway aux Etats-Unis, qui relie le golfe du Mexique au plus gros terminal pétrolier du pays, à Cushing (Oklahoma, sud). Cette opération va être réalisée deux semaines plus tôt qu'initialement prévu. Elle vise à désengorger Cushing, pour transporter une partie des réserves surabondantes de brut texan qui y sont entreposés vers les raffineries de la côte du golfe du Mexique. Les stocks surabondants de Cushing pèsent depuis plus de deux ans sur le cours du WTI, celui-ci prenant le brut texan comme référence. "Cette décision contribuera à réduire le surplus des réserves (de Cushing) et à diminuer l'écart entre le WTI et le Brent londonien", ont observé les experts de Commerzbank.