Le conseil national de l'Istiqlal, parti conservateur et principal allié des islamistes au pouvoir au Maroc, a annoncé, avant-hier soir, son retrait du gouvernement, une décision qui ouvre la voie à un remaniement, voire à des élections anticipées. L'Istiqlal, qui détient cinq portefeuilles dont ceux de l'Education et de l'Economie, a pris cette décision en raison de l'incapacité du chef du gouvernement, l'islamiste Abdelilah Benkirane, à prendre en considération la gravité de la situation économique et sociale, selon un communiqué du conseil national du parti. M. Benkirane, chef du Parti justice et développement (PJD), est également accusé de monopoliser les décisions au sein du gouvernement. Le porte-parole de l'Istiqlal, Adil Benhamza, a précisé qu' " une note allait être transmise au roi Mohammed VI pour expliquer les raisons qui ont poussé notre parti à prendre une telle décision. Il revient maintenant au chef du gouvernement, M. Benkirane, de décider des suites à donner à cette décision ", a-t-il enchaîné. Avec 107 sièges sur 395 à la première chambre, l'Istiqlal est la deuxième force politique du royaume après le PJD. Outre ses cinq ministres, il compte parmi ses dirigeants le président du Parlement, Karim Ghellab. Le chef de ce parti historique de l'indépendance est le maire de Fès (centre), Hamid Chabat, un trublion de la vie politique marocaine qui a multiplié les sorties médiatiques contre le gouvernement Benkirane depuis son élection à la tête de l'Istiqlal en septembre. Interrogé au cours de la semaine écoulée sur l'attitude de ce turbulent allié, M. Benkirane avait assuré qu'il ne se souciait guère des rumeurs de remaniement, selon le quotidien arabophone " Al-Ahdath Al-Maghribia ", ajoutant que le PJD ne craignait pas la perspective d'un départ de l'Istiqlal. Cantonnés dans l'opposition pendant des décennies, les islamistes du PJD ont remporté un succès historique aux législatives de fin 2011. Ne disposant toutefois pas de la majorité, ils ont dû composer une coalition hétéroclite au sein de laquelle figurent l'Istiqlal mais aussi le Mouvement populaire (MP) et le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS). S'ils veulent éviter de nouvelles élections, les islamistes vont donc devoir trouver de nouveaux alliés pour combler le départ de l'Istiqlal. Le succès électoral du PJD il y a un an et demi, peu après l'adoption d'une nouvelle Constitution censée renforcer les pouvoirs du gouvernement, avait soulevé un vent d'espoir au sein de la population, dans le contexte du Printemps arabe. Mais le Maroc, pays de près de 35 millions d'habitants, reste confronté à une situation économique et sociale délicate, malgré un solide taux de croissance. Le déficit public a atteint plus de 7% du PIB l'an dernier et les grandes réformes sociales (retraites, subvention de produits de grande consommation...) se font attendre. Dans son communiqué, l'Istiqlal avance que sa décision intervient alors qu'il a alerté le gouvernement sur plusieurs erreurs concernant la gestion de problèmes stratégiques du pays.