Depuis ce qu'on appelle le " printemps " arabe, il y a une problématique de la menace telle que perçue dans les pays arabes et que les Occidentaux n'ignorent pas. Il y a la menace qui pèse sur les pays et il y a la menace qui pèse sur les régimes. Laquelle est priorisée et par qui pour lui opposer la parade convenable ? Les deux menaces sont confondues, car pour faire tomber l'un on fait fatalement tomber l'autre. Il nous arrive de soutenir que les pouvoirs arabes étaient pris entre deux feux. Soit le péril démocratique, soit le péril islamiste. Pouvoirs arabes en tant que régimes et périls en tant que renversement des régimes. De ce point de vue, quel péril serait considéré comme le plus grave ? Des islamistes et des démocrates, quels seraient les plus disponibles pour un compromis avec le pouvoir? Il y a deux périodes différentes. Avant le printemps arabe, les islamistes étaient plus disponibles. Prenons un exemple qui nous intéresse. Ali Belhadj disait à feu Chadli de déclarer l'Etat islamiste et " nous dissoudrons le FIS ". Le Tunisien Ghannouchi de son exil disait qu'il " est hallal qu'un parti islamiste participe à un gouvernement même laïc ". L'Algérien Djaballah, dans un " dialogue " épuisant avec le HCE arrivait enfin à accepter de faire une concession qui lui pèse beaucoup. Oui, il serait d'accord à ce que des laïcs siègent au CNT (Parlement de transition), mais à une condition, il faudrait qu'au -dessus du Parlement, trône un " conseil des oulémas " qui contrôle la conformité des lois à la chariaa. Peu de temps auparavant, il soutenait que la démocratie ne pourrait exister que si le paysage politique était débarrassé de tous les partis laïcs. Les partis doivent tous posséder le même projet islamiste et les élections serviront à désigner les meilleures équipes d'hommes capables de le mettre en œuvre. Djaballah était considéré comme un radicaliste qui a choisi la voie parlementaire. Endiguer l'influence des mouvements islamistes ? Les pouvoirs en place pensaient qu'ils y arriveraient en donnant des gages de leur islamité. Mais ils ne faisaient qu'élargir davantage l'influence islamiste. Il y a cependant un problème qui alimente justement l'élargissement de la base de recrutement du mouvement islamiste et fournit des arguments supplémentaires aux mouvements qui pratiquent la violence. Il n'y a pas une alternance au sommet de l'Etat. Ils avaient pour habitude de croire que les évolutions politiques devaient toujours suivre un processus linéaire. Les forces de sécurité devaient toujours être disponibles pour réprimer les opposants. Tant que c'était des opposants légaux ou clandestins qui activaient en recourant à l'emploi des armes, les variables de sécurité ont toujours été maîtrisables et maîtrisées. Par rapport aux opposants, ouvrir le champ politique, le verrouiller complètement ou trouver une voie intermédiaire, c'est le dilemme des pays arabes et c'est celui pratiquement de tous les pays musulmans. L'Egypte s'était plainte que l'ouverture du champ politique, avec son corollaire l'engagement dans le processus démocratique, avait consacré la victoire islamiste. L'Algérie en était la preuve, selon l'ancien président égyptien. La victoire islamiste et l'avènement du terrorisme. Selon des perceptions formulées par l'opinion publique en général, (binat houm ou hna fi hna), à part les alternances au sein de la grande famille du système qui concernent plutôt des équines d'hommes et pas les programmes. L'accès au pouvoir demeurait encore verrouillé. Que les fondements de ces perceptions furent validés ou non, l'important était que de plus en plus de telles perceptions se généralisaient et étaient adoptées progressivement par la " rue ". Les changements opérés au niveau des opinions publiques n'ont pas été mesurés pour leur prise en compte réelle par les pouvoirs politiques. Comment élaborer des programmes alors que la société elle-même n'était pas cernée dans toutes ses dimensions et dans la variation de ses opinions ? Pour ce qui concernait l'Algérie. Les pouvoirs publics avaient bien, peu après la mi -décennie 90, estimé utile la création d'un institut de l'opinion publique et qui devait être rattaché au ministère de l'Information. Etait -ce réellement la crainte d'une islamisation de tous les rouages de l'Etat qui justifiait que les pouvoirs en place dans ces pays refusaient d'ouvrir le champ politique ? Fermer le champ politique, renforcerait-il davantage l'islamisme qui sait très bien travailler hors des voies officielles ? Fermer le champ politique serait aller vers la disparition de la culture démocratique, de l'affaiblissement du camp démocratique. C'est de toute façon une thèse défendue par les démocrates. Dans quel système serions-nous lorsque le champ politique est fermé ? On se rappelle que lors de la deuxième édition du Forum du futur lancé en 2004 à Rabat pour créer un espace de débat et une vitrine du changement sur le thème précis de la culture, les Egyptiens et les Saoudiens " avaient fait barrage " aux Américains. Le programme du GMO ne passera pas. Il est pourtant en train de passer par le biais des révoltes populaires.