Encore une fois, Sara production nous offre la chance d'aller à la rencontre de films –datés certes-, mais qui ont marqué le monde de la cinématographie. En collaboration avec l'ambassade de France, cette boite privée de distribution organise, aujourd'hui à partir de 18h30, la projection du fabuleux Bamako, un film du malien Abderrahamne Sisako qui a fait longtemps parler de lui. La projection presse se déroulera à la salle Athakafa d'Alger, et le film sera dès demain à l'affiche de la même salle ainsi qu'à la cinémathèque d'Oran. Œuvre engagée, Bamako a été sélectionné à Cannes 2006, hors compétition, et a raflé le Grand Prix du public, la même année, lors des “ Rencontres Paris Cinéma ”, En 2006, c'était le seul et unique film africain à avoir atterri dans la plus grande fête du cinéma au monde, Cannes. Le cinéaste avait, dès lors, déclaré à la presse : “ Parce que je suis cinéaste, je dois faire un film qui soit la voix de millions de gens : donner la parole à ceux qui ont besoin de crier une forme d'injustice. ” Les critiques ont vu dans ce film une sensibilité et une originalité débordantes se traduisant d'abord par la forme métaphorique de l'image, et par un sujet détonnant : un tribunal siège dans la cour ouverte d'un quartier populaire de Bamako pour juger les grandes instances internationales : FMI, Banque mondiale et Cie. Tour à tour, les témoins représentant la population fustigent l'ordre économique imposé par l'Occident, sous les questions des avocats des deux parties (Maître Rappaport, pour l'Occident, et maître Bourdon, pour la défense de l'Afrique, jouent leur propre rôle). Pas toujours abouti, le sujet offre néanmoins des perspectives d'étude passionnantes, en français, en SES, en géographie… L'on a même vu dans Bamako un certain engagement, plutôt une certaine envie de rendre justice comme ce fut le cas dans Indigènes de Rachid Bouchareb, un film qui a titillé les politiques au point où Jacques Chirac avait fini par aligner les retraites des Africains enrôlés dans les troupes françaises pendant la Seconde Guerre mondiale, sur celle des combattants français. Il est vrai que le procès est un thème dont a usé le cinéma hollywoodien dans les années 40 et 50, mais dans Bamako il s'agit surtout d'analyser le processus d'hégémonie sur l'Afrique et son corollaire l'asphyxie financière qui se traduit par un surendettement, donc une dépendance accrue vis-à-vis des pays du Nord, anciens colonisateurs qui ont pillé les contrées riches de l'Afrique. Au-delà de ce procès loin d'être fictif mais réel puisque dit voulu, les critiques s'accordent à dire qu'il y a dans Bamako des images absolument fabuleuses puisque exprimant même en l'absence de moyens financiers, des métaphores d'une force rare : la caméra fixe des scarabées errant sur le sable, perdus dans une sorte de labyrinthe. Le plan suivant nous montre des émigrants déambulant dans le Sahara en quête d'un avenir. Bamako un film à voir absolument puisque convoquant non seulement l'esthète, mais aussi une réflexion sur le poids de la dette et l'injustice que cette dernière ajoute au sort déjà sursitaire des populations africaines.