Le groupe automobile japonais Nissan s'est dit prêt jeudi à sauver, par le biais d'une prise de participation, son compatriote Mitsubishi Motors, dont la survie est menacée par un scandale de fraude. A la Bourse de Tokyo, l'action de Mitsubishi Motors, dont le cours n'était pas calculé du fait d'un grand nombre de requêtes, s'acheminait vers un bond de 16% après ces informations. Nissan, dont Renault est le premier actionnaire, perdait pour sa part 1,80% en fin de matinée. "Nissan et Mitsubishi sont en pourparlers sur différents sujets dont une coopération capitalistique, mais rien n'a été décidé. Nous prévoyons de discuter de ce sujet et d'autres lors d'un conseil d'administration ce jour et ferons une annonce en temps voulu", a déclaré Nissan dans un communiqué, tandis que Mitsubishi Motors faisait une annonce similaire. Plusieurs médias ont fait état d'une possible entrée du premier au capital du second à hauteur d'un tiers, une transaction qui pourrait préfigurer une recomposition de l'industrie automobile japonaise, riche de huit constructeurs et même d'une dizaine en comptant les fabricants de poids lourds. Avec cette opération d'un montant de plus de 200 milliards de yens (1,6 milliard d'euros), selon la presse, Nissan deviendrait le plus important actionnaire de Mitsubishi Motors Corporation (MMC), devant Mitsubishi Heavy Industries (MHI) qui détient 20% des titres.
Petit poucet Le P-DG de Nissan Carlos Ghosn, qui doit tenir une conférence de presse dans la journée à Yokohama (banlieue de Tokyo) pour présenter les résultats annuels, en dira probablement plus sur la teneur des discussions. Les deux groupes sont déjà partenaires: Nissan fournit des berlines à MMC, qui fabrique de son côté des mini-véhicules pour Nissan. C'est d'ailleurs ce dernier qui a découvert des irrégularités concernant la mesure de consommation de carburant de ces voitures de petit gabarit, populaires au Japon. Mitsubishi Motors avait d'abord, le 20 avril, fait part de manipulations de données sur quatre modèles pour embellir leurs performances énergétiques. Il a ensuite reconnu avoir utilisé des tests non homologués au Japon depuis 25 ans, les "suspicions" portant sur plusieurs modèles, dont neuf toujours en vente. Depuis ces révélations, les commandes de Mitsubishi Motors ont plongé dans l'archipel, de même que l'action - qui s'est effondrée de plus de 40% -, suscitant des inquiétudes sur l'avenir du groupe, un des plus petits constructeurs japonais avec seulement un million de véhicules vendus par an. Face à cette affaire désastreuse pour sa réputation, déjà ternie par des camouflages de défauts sur divers véhicules dans les années 2000, et qui risque de lui coûter cher (dommages et intérêts à verser aux clients, éventuelles amendes des autorités...), la firme est dans une très mauvaise posture.
Complémentarités Mercredi, ses dirigeants avaient assuré pouvoir gérer la crise sans avoir à recourir à l'aide des sociétés de la galaxie Mitsubishi, qui étaient venues à sa rescousse lors du précédent scandale et viennent de solder les traces de cette affaire. "Nos finances sont relativement saines. A ce stade, je pense que nous pouvons nous en sortir seuls", avait affirmé son président du conseil d'administration, Osamu Masuko. A long terme cependant, continuer en toute indépendance paraît plus compliqué. "Il y a une logique dans cette opération: Mitsubishi Motors n'a clairement pas les ressources d'ingénierie pour poursuivre sa route dans un univers aux rapides mutations technologiques", a commenté pour l'agence Bloomberg Maryann Keller, analyste basée à Stamford aux Etats-Unis. Le projet fait sens, Nissan et MMC disposant de complémentarités technologiques (électrique et hybride) et géographiques. Nissan est ainsi très présent aux Etats-Unis, et Mitsubishi Motors bien implanté en Asie du sud-est. MMC peut aussi faire valoir ses deux produits vedettes: les 4x4 et les mini-voitures, un secteur en plein chamboulement alors que Toyota a récemment décidé d'acquérir la totalité de sa filiale Daihatsu. De manière plus large, cette transaction pourrait entraîner d'autres changements dans l'industrie automobile mondiale, où les partenariats sont nombreux. Mitsubishi Motors opère ainsi une usine en Russie avec le Groupe PSA, principal concurrent de Renault qui détient 43% de Nissan dans le cadre d'une alliance nouée en 1999.
Nissan se montre prudent Carlos Ghosn, P-DG du constructeur d'automobiles japonais Nissan, s'est montré prudent après l'annonce d'une entrée au capital de Mitsubishi Motors, soulignant que ce projet pouvait être remis en cause si le scandale qui affecte son compatriote devait prendre de l'ampleur. "Nous avons à ce stade un accord de principe, la transaction ne sera bouclée qu'après les vérifications nécessaires", a déclaré M. Ghosn au cours d'une table ronde avec des journalistes au siège de l'entreprise à Yokohama (banlieue de Tokyo). "Quand nous conclurons l'opération, nous saurons exactement à quoi nous en tenir. Il est clair que s'il devait se produire une implosion, nous ne signerions pas", a insisté le dirigeant, interrogé sur une possible extension du scandale, pour l'instant limité au Japon. Nissan a décidé de voler au secours de Mitsubishi Motors, dont la survie est menacée par une affaire de fraude. Selon un projet présenté jeudi, l'allié du français Renault va acquérir dans les prochains mois 34% de son partenaire nippon, via une augmentation de capital d'un montant total de 237,36 milliards de yens (1,9 milliard d'euros). Mitsubishi Motors avait, le 20 avril, fait part de manipulations de données sur quatre modèles pour embellir leurs performances énergétiques. Il a ensuite reconnu avoir utilisé des tests non homologués au Japon depuis 25 ans, les "doutes" portant sur plusieurs gammes. "Oui, c'est un problème grave, la confiance est rompue", a reconnu Carlos Ghosn. "Le plus grand défi maintenant est de les aider à rétablir leur réputation". Le P-DG avait estimé auparavant la transaction "potentiellement gagnante-gagnante pour les deux compagnies". "Nous envisagions de renforcer notre collaboration depuis un certain temps, et sur ce la crise est survenue, accélérant les choses", avait-il dit. "Dès que nous nous sommes mis d'accord, nous avons voulu agir vite pour éviter les rumeurs, les manipulations, les fuites", a-t-il expliqué vendredi. En se rapprochant de MMC, l'alliance Renault-Nissan, qui compte aussi le russe Avtovaz, verra ses ventes annuelles dépasser les 9,5 millions, non loin du trio de tête mondial composé du japonais Toyota, de l'allemand Volkswagen et de l'américain General Motors (GM).
Tests conformes pour les véhicules Le groupe automobile japonais, empêtré dans un scandale de fraude, a assuré que les véhicules vendus à l'étranger avaient été soumis à des tests de performances énergétiques homologués, contrairement à plusieurs modèles commercialisés au Japon. Les voitures vendues à l'étranger "ont été testées selon des méthodes appropriées", a déclaré le président du conseil d'administration, Osamu Masuko, lors d'une conférence de presse. "Nous pensons qu'elles ne sont pas concernées (par le scandale) et en termes de ventes, elles n'ont pas été affectées en avril", a-t-il ajouté, tandis que dans l'archipel, les commandes ont chuté depuis les premières révélations. Selon des informations de presse, la consommation de carburant de presque tous les modèles de véhicules vendus au Japon depuis 1991 a été mesurée selon des tests non conformes à la loi. Outre les quatre mini-voitures déjà en cause, le constructeur a dit avoir "des suspicions" sur plusieurs modèles, dont "neuf toujours en vente", qui pourraient effectivement avoir été soumis à des contrôles non conformes à loi ainsi qu'à des calculs fallacieux. "L'enquête est en cours, et les conclusions seront annoncées séparément plus tard". "Ce ne sont pas seulement les mini-automobiles (cylindrée de moins de 660 cm3) mais aussi les gabarits traditionnels et les gros véhicules", a écrit mercredi le quotidien japonais Asahi qui indique que "y compris des gammes qui ne sont plus dans le commerce", cela étend le scandale "à plusieurs dizaines de modèles", notamment les très connus 4X4 Pajero, les compacts Lancer ou encore les Colt. Citant "une personne proche du dossier", l'Asahi précise que seulement trois modèles de fabrication Mitsubishi ont été testés selon des procédures conformes à la réglementation.
Se redresser seul Mitsubishi Motors a dans un premier temps, en avril, avoué des manipulations de données sur quatre modèles de mini-voitures. Il a ensuite reconnu avoir utilisé des tests non homologués au Japon depuis 25 ans, sans alors préciser le nombre de modèles et d'exemplaires concernés. Le constructeur a blâmé des objectifs trop ambitieux, qui ont poussé les employés à falsifier les tests afin d'embellir les performances énergétiques des véhicules, de l'ordre de 15% dans certains cas. "Ils se sont sentis obligés d'atteindre à tout prix les objectifs requis par la direction", a-t-il expliqué, même si ceux-ci n'étaient "pas réalistes". Pour l'heure, le groupe n'a pu donner de chiffres que pour les mini-véhicules fabriqués depuis 2013, à savoir 625 000 au total, dont 468 000 produites pour son compatriote et partenaire Nissan. Il avait déjà dit que ce nombre n'était que partiel, et la facture risque d'être extrêmement lourde si les affirmations de l'Asahi se révèlent exactes. Nissan à l' intention de faire payer à Mitsubishi Motors les dommages et intérêts qu'il entend verser aux automobilistes lésés, et Mitsubishi Motors va aussi devoir compenser ses propres clients et s'acquitter d'éventuelles amendes des autorités. Face à cette affaire désastreuse pour sa réputation, déjà ternie par des camouflages de défauts sur divers véhicules dans les années 2000, le groupe est dans une très mauvaise posture. Mercredi, il a assuré pouvoir gérer la crise avec ses propres ressources, sans avoir à recourir à l'aide des sociétés de la galaxie Mitsubishi qui étaient venues à son secours par le passé. "Il n'y a pas eu de discussions concrètes" à ce sujet, a affirmé M. Masuko. "Nos finances sont relativement saines. A ce stade, je pense que nous pouvons nous en sortir seuls", a-t-il poursuivi, promettant par ailleurs "des réformes drastiques".