Les cours du pétrole ont terminé en nette hausse mardi, dynamisés par l'apparente volonté de l'Arabie saoudite de laisser le baril monter temporairement à plus de 80 dollars et l'anticipation d'un nouveau repli des stocks de brut aux Etats-Unis. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en novembre a gagné 98 cents pour clôturer à 79,03 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE). Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" (WTI) pour le contrat d'octobre a pris 94 cents pour terminer à 69,85 dollars. Alors que le marché s'acclimate aux conséquences des sanctions américaines contre l'Iran, l'Arabie saoudite serait "à l'aise" avec un prix du baril à plus de 80 dollars au moins à court terme, a affirmé mardi l'agence Bloomberg en citant des sources "au fait de la stratégie du royaume". Le prix du Brent a grimpé de plus d'un dollar après la publication de cette information, tant les analystes tablaient sur un effort saoudien pour compenser les pertes iraniennes et empêcher les prix de franchir leur plus haut de l'année, atteint en mai à 80,50 dollars. "L'effet a été immédiat", a commenté David Cheetham, analyste chez XTB Markets, qui estime "une poussée au-delà des plus hauts de l'année pas impossible". L'Agence internationale de l'Energie (AIE) a prévenu la semaine dernière que les prix pourraient dépasser les 80 dollars si rien n'était fait pour compenser les pertes iraniennes et vénézuéliennes. Une nouvelle montée des tensions en Syrie a également attiré l'attention des investisseurs mardi, les forces syriennes ayant abattu accidentellement un avion russe à la suite de frappes israéliennes en Syrie. "Même si la Syrie n'est pas un producteur majeur de pétrole, les pays présents en Syrie et autour (dont la Russie, l'Iran, l'Arabie saoudite et les Etats-Unis) sont surveillés de près par le marché", ont souligné les analystes de Schneider Electric. Les cours du brut ont aussi été soutenus mardi par l'anticipation d'un nouveau recul des réserves de brut aux Etats-Unis à la veille du rapport hebdomadaire de l'Agence américaine d'information sur l'Energie (EIA). Les analystes tablent en effet sur un retrait de 2,5 millions de barils des stocks de brut pour la semaine achevée le 14 septembre, selon la médiane d'un consensus compilé par Bloomberg. "C'est étonnant car à cette période de l'année, les stocks ont tendance à se reconstituer puisque les raffineries entrent normalement dans une période de maintenance", a souligné Matt Smith de Clipper Data. Mais les raffineries américaines, profitant de marges élevées, continuent depuis plusieurs semaines à fonctionner à une cadence très élevée. Les stocks d'essence sont pour leur part attendus à l'équilibre et les stocks d'autres produits distillés (fioul de chauffage et gazole) en hausse de 1,5 million de barils.
L'Iran reste "un membre très important" de l'Opep L'Iran reste "un membre très important" de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), a déclaré mardi le chef de ce cartel pétrolier, avant l'entrée en vigueur en novembre de sanctions américaines contre le secteur énergétique iranien. "L'Iran est un membre très important (...). Et nous n'avons pas d'autre choix que de continuer à travailler avec tous les membres", a dit le secrétaire général de l'Opep, Mohammed Barkindo, en marge du Forum de l'Energie à Foujeirah, aux Emirats arabes unis. Téhéran reste "un exportateur de pétrole très important", selon M. Barkindo, qui n'a pas précisé comment les producteurs mondiaux de brut allaient compenser la baisse des exportations iraniennes avec l'entrée en vigueur de nouvelles sanctions américaines, le 4 novembre. Membre fondateur de l'Opep, l'Iran est confronté à une série de sanctions américaines faisant suite à la décision de Washington de se retirer de l'accord de 2015 sur le nucléaire, qui a suscité l'inquiétude sur l'offre de brut sur les marchés mondiaux. Samedi, le représentant de l'Iran à l'Opep, Hossein Kazempour Ardebili, a estimé qu'il ne restait "plus beaucoup de crédibilité" à l'organisation, accusant l'Arabie saoudite et les Emirats d'en faire "un outil au service des Etats-Unis". Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIE), la production pétrolière iranienne a atteint ses niveaux les plus bas depuis juillet 2016, de grands clients comme l'Inde ou la Chine prenant leurs distances avec Téhéran. Le président américain Donald Trump a exigé à plusieurs reprises que l'Opep et son allié saoudien augmentent la production de pétrole et a menacé de sanctions les pays continuant d'importer du brut en provenance d'Iran, pays ennemi des Etats-Unis. L'Opep et ses partenaires hors cartel -dont la Russie- s'étaient mis d'accord fin juin pour augmenter leur production, après un précédent accord fin 2016 pour limiter leur offre afin d'assurer une remontée des prix, une inflexion vigoureusement critiquée par l'Iran. D'après M. Barkindo, les 14 membres de l'Opep et les 11 producteurs non membres du cartel, dont la Russie, doivent se retrouver en décembre et entériner la hausse de la production par un accord "permanent".
Les sanctions contre l'Iran, un risque pour l'offre Malgré l'accalmie actuelle sur le marché pétrolier, le retour des sanctions américaines contre l'Iran menace l'approvisionnement en brut de l'économie mondiale, a mis en garde l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Dans son rapport mensuel sur le pétrole, l'agence observe certes un "retour au calme du marché" qui profite actuellement aux consommateurs. Les cours ont en effet baissé ces derniers mois: le baril de Brent valait près de 72 dollars vendredi matin alors qu'il avait franchi la barre des 80 dollars en mai. Les craintes sur l'offre se sont apaisées dernièrement, avec une augmentation des productions saoudienne et russe, ainsi qu'un bond des exportations américaines. Mais l'AIE, qui conseille 30 pays développés sur leur politique énergétique, estime que cette accalmie "pourrait ne pas durer". "Quand les sanctions pétrolières contre l'Iran prendront effet, peut-être conjointement avec des problèmes de production ailleurs, le maintien de l'offre mondiale pourrait s'avérer très difficile", et le maintien de marges de manœuvre adéquates serait menacé, met-elle en garde. Les perspectives pour le marché pourraient s'avérer alors "beaucoup moins calmes" qu'elles ne le sont aujourd'hui, estime l'agence basée à Paris.
Sanctions en novembre Les sanctions ont été décidées par les Etats-Unis à la suite de leur retrait unilatéral en mai de l'accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015 avec les grandes puissances. Elles ont déjà été rétablies mardi dans certains domaines comme les transactions financières et les importations de matières premières, assorties de mesures pénalisantes sur les achats dans le secteur automobile et l'aviation commerciale. Elles seront suivies début novembre d'autres mesures affectant le secteur pétrolier et gazier ainsi que la Banque centrale. Les précédentes sanctions contre l'Iran s'était traduites par une chute des exportations de brut de 1,2 million de barils par jour (mbj) mais "cette fois-ci l'impact pourrait être encore plus sévère", selon l'AIE. Elle note aussi que si les inquiétudes sur l'offre se sont calmées pour l'instant, la production saoudienne a été affectée par un déclin surprise en juillet: elle a en effet baissé de 110.000 barils par jour (b/j) à 10,35 mbj, avec un déclin des exportations. Le royaume s'était pourtant récemment engagé à accroître ses extractions pour limiter la hausse des cours. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), dont l'Arabie saoudite est le chef de file, s'était engagée fin juin, avec ses partenaires dont la Russie, à augmenter sa production. D'autre pays membres de l'Opep ont moins pompé d'or noir le mois dernier, à commencer par le Venezuela et la Libye, deux pays en proie à de graves troubles politiques. Cette baisse a cependant été compensée par une production plus importante des Emirats arabes unis, du Koweït et du Nigeria. Au final, la production du cartel est restée stable.
Tensions commerciales Côté demande, l'AIE a légèrement revu à la hausse (+110.000 b/j) ses prévisions de croissance pour l'année prochaine, mais elle a prévenu que d'importantes incertitudes pesaient sur cette prévision. D'une part les tensions sur l'offre pourraient se traduire par une hausse des cours et ainsi affecter la demande. Mais surtout les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine risquent de s'aggraver et de se traduire par un ralentissement économique et une demande pétrolière plus faible. "Les risques causés par les tensions commerciales ont encore augmenté, menaçant de réduire significativement la croissance de certains pays exportateurs", souligne l'agence. A partir du 23 août, les Etats-Unis taxeront à 25% une nouvelle série de produits chinois pour une valeur de 16 milliards de dollars et Pékin a répliqué avec des mesures similaires. Les Etats-Unis ont d'ores et déjà menacé de taxer 200 milliards de dollars de marchandises chinoises supplémentaires à partir de septembre.