Le Royaume-Uni a soumis lundi à ses 14 partenaires du Conseil de sécurité de l'ONU un projet de résolution sur la Libye, réclamant un cessez-le-feu et un accès humanitaire inconditionnel aux zones de combats près de Tripoli, ont indiqué des diplomates. La capitale libyenne où siège le Gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, reconnu par la communauté internationale, est visée depuis le 4 avril par une offensive militaire du maréchal Khalifa Haftar. Le projet de texte, discuté entre grandes puissances depuis la semaine dernière, "demande que toutes les parties en Libye fassent baisser la tension et s'engagent dans un cessez-le-feu et dans un processus avec les Nations unies pour obtenir un arrêt des hostilités complet en Libye". Il estime en outre que l'offensive du maréchal Haftar "menace la stabilité de la Libye et la recherche d'un dialogue et d'une solution politiques à la crise" dans le pays. La résolution réclame aussi aux membres du Conseil d'user de leur influence auprès des belligérants pour faire concrétiser un cessez-le-feu. Elle demande aussi à "toutes les parties de prendre des mesures pour un accès humanitaire inconditionnel aux populations affectées". A ce stade, aucun jour n'a été déterminé pour une mise au vote du texte. Jusqu'à présent, le maréchal Haftar ne veut pas entendre parler d'un cessez-le-feu. Et Fayez al-Sarraj refuse tout processus politique s'il n'y a pas au préalable un cessez-le-feu et un retrait sur les lignes d'avant le début de l'offensive. "Des positions irréconciliables", note un diplomate. Au Conseil de sécurité, "tout le monde veut éviter une guerre civile longue avec beaucoup de victimes civiles", indique un autre diplomate.
Frustrer les espoirs des Libyens Le Premier ministre libyen Fayez Serraj, soutenu par l'ONU, a déclaré mardi que le commandant de l'armée basée dans l'est du pays, le maréchal Khalifa Haftar, avait "introduit la violence dans le pays et frustré tous les espoirs des Libyens." Depuis début avril, l'armée mène une campagne militaire visant à s'emparer de l'ouest de la Libye, en particulier de la capitale Tripoli, où siège le gouvernement de M. Serraj. M. Serraj a fait ces remarques lors d'une réunion à Tripoli avec les anciens des tribus et les médiateurs de l'ouest de la Libye, selon le bureau d'information du Premier ministre. Au cours de la réunion, le Premier ministre libyen a accusé le maréchal Haftar de "chercher à s'emparer du pouvoir", soulignant la nécessité d'un "dialogue entre les Libyens plutôt que de se battre". "Haftar a mobilisé ses forces pour frustrer les Libyens et lancer un nouveau cycle de violence et de guerre destructrice dans le pays, une guerre qui a coûté de nombreuses vies et détruit des biens publics et privés", a déclaré M. Serraj. Le Premier ministre a également accusé "certains pays d'alimenter le conflit et de chercher à défendre leurs propres intérêts étriqués". Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les affrontements entre les deux parties ont déjà fait 174 morts et 756 blessés. En outre, des milliers de civils ont dû fuir leurs habitations en raison de la violence. L'armée est alliée au gouvernement de l'est, le pays étant divisé politiquement entre les gouvernements de l'ouest et de l'est. La Libye lutte pour tenter d'assurer une transition démocratique dans un climat d'insécurité et de chaos depuis la chute du régime de l'ancien dirigeant Mouammar Kadhafi en 2011.
Le processus politique a reçu un "très grand coup" Le processus politique en Libye a reçu un "très grand coup" avec l'offensive des troupes du maréchal Khalifa Haftar, a estimé Ghassan Salamé, le chef de la mission de l'Onu en Libye. "Le processus politique a reçu un très grand coup. Surtout que j'ai dû prendre la douloureuse décision de reporter la tenue de la conférence nationale qui devait avoir lieu du 14 au 16 avril à Ghadamès", a-t-il indiqué dans une interview au Monde publiée lundi, déplorant que le travail de six mois "est aujourd'hui remis en cause". A sujet de l'offensive de Haftar sur Tripoli, Ghassan Salamé a indiqué que ce dernier avait déjà fait des déclarations en ce sens. "Il l'avait dit en public et en privé. C'est une idée qu'il caressait depuis longtemps. Après son avancée dans le Sud en février, il y avait eu des signes avant-coureurs", a-t-il dit, estimant que le moment choisi est "étonnant" car il est intervenu après la visite effectuée en Libye du 4 au 6 avril par le Secrétaire général de l'Onu, Antonio Guterres, qui "venait soutenir la conférence nationale et concrétiser l'arrangement d'Abou Dhabi". A propos d'une éventuelle reprise du dialogue politique, le chef de la mission de l'Onu en Libye a reconnu que "le moment est difficile", confiant qu'il n'allait pas "lâcher prise". "Tous les conflits connaissent des cycles. Nous nous trouvons dans le cycle ascendant. Mais il va y avoir un moment où les discussions pourront reprendre", a-t-il exliqué, soulignant que la solution "ne peut être que politique". Pour lui, ceux qui défendent la solution militaire "se rendront compte qu'on ne peut pas régler le problème de cette manière". "Il faut une solution politique qui règle en profondeur différentes questions : le rapport entre pouvoirs locaux et pouvoir central, la redistribution de la manne pétrolière et l'infusion d'une culture du consensus aujourd'hui minoritaire dans le pays", a-t-il ajouté. Sur le plan humanitaire, il a déploré 130 tués, 600 blessés et 17.000 personnes déplacées. "Beaucoup d'hôpitaux sont saturés. Dans certains cas, le droit humanitaire n'est malheureusement pas respecté car huit ambulances et une école ont été prises pour cible", a-t-il précisé, alors que sur le plan militaire, la ligne de front "n'a pas beaucoup évolué depuis une semaine".
Au moins 174 morts Au moins 174 personnes ont été tuées et 758 blessées, dont des civils, depuis le lancement le 4 avril par les troupes armées de Khalifa Haftar des agressions sur Tripoli, selon un nouveau bilan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Un précédent bilan donné la veille par la même source faisait état de 147 morts et 614 blessés. A Genève, le porte-parole de l'OMS, Tarik Jasarevic, a précisé qu'au moins 14 civils avaient été tués et 36 blessés dans les combats. Par ailleurs, l'organisation a indiqué avoir mobilisé de nouvelles équipes de chirurgiens pour venir en aide aux hôpitaux accueillant les nombreux blessés aux urgences et traumatologie. Les hostilités militaires menées par Khalifa Haftar contre la capitale libyenne où siège le Gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale sont unanimement rejetées et condamnées par la communauté internationale ainsi que par les Libyens qui sont sortis manifester en masse vendredi pour dénoncer une tuerie et une destruction orchestrée contre le peuple libyen. Les combats ont fait plus de 18.000 déplacés, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha). Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a indiqué lundi, avoir délivré du matériel médical d'urgence au ministère de la Santé pour venir en aide aux victimes, dans les zones les plus touchées, à Aïn Zara et Gasr ben Ghachir, au sud de la capitale. "Alors que la situation sur le terrain se détériore et que le nombre de victimes augmente, les infrastructures sanitaires se trouvent face à un besoin critique d'aide", a-t-il ajouté. Les combats se sont intensifiés entre les troupes armées de Khalifa Haftar qui tentent d'avancer depuis plus d'une semaine vers la capitale libyenne, et celles du GNA basé à Tripoli et reconnu par la communauté internationale, malgré les appels de cette dernière à l'arrêt des hostilités. Vendredi dernier, des manifestations pacifiques ont été organisées notamment à Tripoli et Misrata, drainant des foules imposantes ayant rejeté à l'unanimité la "guerre contre la capitale" ainsi que "le coup d'Etat contre les autorités civiles du pays". "Haftar est un criminel de guerre", "Non à la militarisation du pouvoir", "Non au remplacement d'un dictateur par un autre", "Tous ensemble derrière le gouvernement d'union national"," Non au pouvoir des militaires", "Oui pour une Libye, Etat civil", pouvait-on notamment lire sur les banderoles brandies à l'occasion par les manifestants.