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Les chantiers de la refondation : Expériences des transitions démocratiques Défis et principaux enseignements pour passer à un système démocratique ...
NABNI a comparé huit transitions démocratiques considérées comme concluantes, menées ces quarante dernières années à travers le monde. Cette contribution de NABNI s'inscrit dans le cadre du cycle de propositions " Les Chantiers de la Refondation ". Nous traitons dans ce 4ème chantier du thème des conditions d'une transition démocratique réussie. Dans le cadre de cette thématique, préalablement à la formulation de propositions concrètes qui feront l'objet de chantiers ultérieurs, NABNI a procédé à une revue de transitions démocratiques considérées comme réussies. Quelle était la nature du régime autoritaire sortant ? Combien de temps ont duré ces transitions? Comment ont été conduites les transitions et par qui ? Quel a été l'élément déterminant de chaque transition ? Les transitions ont-elles toutes abouties à la rédaction d'une nouvelle constitution ? Les réponses à ces questions et à bien d'autres, nous ont permis de mieux appréhender la complexité du processus de transition et les défis à relever. Dans cet article, nous dressons un certain nombre de constats, tirons des réflexions sur un processus qui n'a pas juste pour finalité de tenir des élections libres et d'organiser l'alternance au pouvoir.
La transition démocratique est un processus de changement effectué à travers une rupture politique et souvent économique avec un régime antérieur de nature autoritaire. Ce processus est long, complexe, spécifique à chaque pays et n'obéit pas à des schémas prédéfinis. L'étude des transitions n'est pas une science, n'a ni valeur universelle, ni valeur de prévisibilité. L'Algérie se trouve actuellement placée dans une situation de pré-transition. Une fois sorti de la logique de continuité constitutionnelle imposée par le pouvoir politique en place, notre pays aura à mener sa propre introspection pour se proposer à lui-même un nouveau modèle social et politique. Pour autant, si chaque cas de transition est différent, cela ne signifie pas que l'on ne peut rien apprendre de chacune des expériences passées. Il est utile de savoir comment d'autres pays ont géré des situations similaires à la nôtre dans les différentes phases du processus de transition (vide constitutionnel, ex parti unique toujours en activité, rôle prépondérant de l'armée etc.). La revue des expériences de transition donne une grille d'analyse structurante et des enseignements sur les écueils à éviter pour gérer pacifiquement le passage de l'autoritarisme à la démocratie. NABNI s'est penché sur huit transitions démocratiques concluantes qui ont toutes eu lieu durant le dernier quart de siècle précédent (Brésil, Chili, Espagne, Indonésie, Mexique, Philippine, Pologne). A l'exception de la Tunisie (2011), ces transitions appartiennent à la 3ème vague de démocratisation.
Trois types de transition différents, quatre défis majeurs analogues L'analyse comparative a fait ressortir un certain nombre de constats, de défis analogues auxquels toutes les transitions ont été confrontées. Au préalable, nous avons dégagé une typologie des transitions en fonction des acteurs et de la manière dont elles ont été conduites. Trois types de transition ont été identifiées : 1. Les transitions organisées par " le haut " 2. Les transitions " concertées " 3. Les transitions nées de soulèvements populaires Les transitions dites " par le haut " ont été organisées soit directement de l'intérieur du régime sortant (Brésil, Mexique, Indonésie), soit avec la présence d'hommes ou d'institutions du pouvoir en place dans les instances de la transition (Chili). La transition algérienne de 1989 appartient à cette catégorie où les réformes ont été lancées par le pouvoir sous la pression des émeutes d'octobre 1988 et des mobilisations populaires qui ont suivi. La deuxième catégorie sont les transitions dites " concertées " ou " pactées " (Pologne, Espagne). Elles ont été organisées de manière pacifiques et ordonnées de concert entre l'opposition démocratique et les éléments les plus modérés ainsi que les réformistes du régime sortant. La troisième catégorie de transition s'opère à la suite d'un soulèvement populaire et à un effondrement du pouvoir en place (Philippines, Tunisie). Dans ce dernier cas, la transition est organisée avec les opposants politiques à l'ancien régime, le concours des organisations de la société civile (Tunisie) ou le soutien de forces armées (Philippines). Quelle que soit leur typologie, toutes les transitions ont géré un processus de normalisation institutionnelle qui ne tenait pas uniquement à l'organisation d'élections mais allait bien au-delà. Les transitions posent souvent des problèmes inédits à leurs dirigeants et l'ampleur des défis leur confère une responsabilité déterminante.
Quatre grands défis se présentent aux acteurs du processus de transition : 1. Préparer la transition 2. Démanteler le " système " et ses pratiques en préservant le fonctionnement de l'Etat 3. Concrétiser et gérer le transfert du pouvoir 4. Ancrer et institutionnaliser la démocratie naissante Confrontés à ces défis émaillés de moments décisifs, les dirigeants des transitions étudiées ont dû faire preuve d'anticipation, de réactivité, se sont heurtés à de fortes résistances et ont pris des décisions cruciales.
Neuf enseignements ont été tirés pour gérer ces défis : Enseignement n°1 : Avancer graduellement. Toutes les transitions étudiées ont fait l'objet d'un processus de longue haleine et complexe qui avance progressivement vers des institutions démocratiques. Dans les cas de transitions dites par le haut ou concertées, toutes les forces du changement ont fait preuve de pragmatisme. Elles ont accepté de faire des compromis quand le pouvoir sortant était ouvert au dialogue et donnait des signes forts de changements. Au Brésil par exemple, l'opposition a composé avec le cadre constitutionnel imposé par le régime sans insister sur son caractère illégitime. Elle s'en est défait étape par étape au fil des élections et des mobilisations populaires. Exemple d'une transition née d'un soulèvement, la société Tunisienne a fait son apprentissage démocratique en acceptant d'évoluer progressivement et par étape. Son nouveau système politique est le fruit du démantèlement du régime Ben Ali et de rapport de force entre les partis politiques de l'opposition et les organisations de la société civile. La Tunisie a connu trois alternances au pouvoir entre 2011 et 2014.
Quid de l'Algérie ? L'histoire de l'Algérie est singulière. Elle a vécu une guerre de libération particulièrement meurtrière, a toujours eu un pouvoir autoritaire depuis l'indépendance - aucun de ses présidents n'a pu achever normalement son dernier mandat - et a souffert d'une décennie de violence qui a ensanglanté le pays dans les années 90. Le changement progressif n'est donc par forcément inscrit dans l'inconscient collectif des algériens plus habitués à la rupture. Le préalable à une transition négociée et en douceur passe par l'acceptation du pouvoir de donner des signes d'ouverture et l'assurance de ne plus reproduire le système actuel et ses pratiques. Or, bien que ce pouvoir soit à bout de souffle, il se raccroche à la continuité constitutionnelle et ne satisfait pas les revendications du mouvement populaire qui a exprimé son refus catégorique de tenir des élections le 4 juillet et récuse la légitimité du gouvernement et de la classe politique dirigeante actuelle.
Enseignement n°2 : Encourager la convergence des forces du changement. Il est impératif de construire la coalition des forces du changement la plus large possible. Les transitions étudiées ont réussi parce qu'elles ont créé du compromis. Le compromis ne plaît à personne mais arrange tout le monde. Ce qui unit les forces du changement (partis politiques, corps intermédiaires et organisations de la société civile) ce sont des principes démocratiques, les libertés fondamentales non négociables et le rejet de la violence… Au Chili, les principaux partis opposés à Pinochet ont dû passer outre leurs profondes divisions pour bâtir une coalition (La Concertation) qui s'est maintenue plus de 20 ans au pouvoir (1990 - 2010) La Tunisie a créé deux outils du consensus : la Haute instance (2011)2 et le Quartet du dialogue national (2014)3 qui ont permis d'aboutir à la rédaction de la Constitution la plus moderne du monde arabe et à l'organisation de plusieurs élections libres et transparentes.
Quid de l'Algérie ? Il n'existe pas actuellement de force structurante majeure capable de canaliser les revendications populaires. Le paysage socio-politique algérien se caractérise par une trop faible représentativité des partis de l'opposition face au pouvoir politique, un déficit d'organisation des corps intermédiaires et l'absence d'organisations de poids de la société civile. De nouvelles forces du changement devront se structurer, créer un consensus et se donner l'objectif commun de mettre en place un Etat de droit et mettre fin aux pratiques de l'ancien système. De nombreux collectifs citoyens et coordinations estudiantines se sont créés à la faveur du mouvement du 22 février. En l'absence d'une réaction forte des partis politique de l'opposition, ces organisations, soudées par l'idée démocratique, pourraient être une alternative à ces acteurs traditionnels pour représenter le mouvement populaire et porter ses revendications.
Enseignement n°3 : Engager le dialogue avec le pouvoir en place Lorsque le régime ne s'est pas effondré, il n'y a pas d'autres choix que d'engager le dialogue avec lui. Cela était le cas des transitions organisées " par le haut " et celles qui ont été le fruit d'une concertation. Là aussi, les expériences du Mexique, de l'Espagne, et du Brésil ont montré que tant les forces du changement que les régimes en place ont fait preuve de pragmatisme et se sont fait confiance à travers des mesures concrètes (ex. indépendance de la commission électorale, mode d'organisation libre et transparent, levée de l'interdiction de manifester etc.). En Pologne, les négociations dites de la " table ronde " entre le syndicat Solidarnosc et le pouvoir communiste en place depuis plus de 40 ans ont permis de sortir de l'état de siège et d'organiser les premières élections partiellement libres. En revanche que ce soit aux Philippines ou en Tunisie, à la faveur d'un rapport de force favorable et à la vacance du pouvoir, les forces du changement ont composé avec les figures technocratiques de l'ancien régime en faisant peu voire pas de compromis.
Quid de l'Algérie ? Le Hirak du 22 février 2019 a conduit à la démission du président Bouteflika mais n'a pas mis fin au système. Il ne sera toutefois pas possible d'organiser une transition en faisant l'impasse sur le régime sortant. Les forces du changement n'ont pas d'autres choix que d'établir un rapport de force favorable, pour engager un dialogue constructif et négocier avec toutes les composantes du pouvoir en place à la notable exception des " symboles " de l'ancien régime afin de déterminer un plan de sortie de crise pacifique.
Enseignement n°4 : Rédiger ou Amender la Constitution Toutes les transitions étudiées n'ont pas forcément abouti à la rédaction d'une nouvelle constitution. Dans la majorité des cas de transitions par le haut, au Chili, au Mexique et en Indonésie la Constitution a été amendée pour améliorer son caractère démocratique et garantir les libertés individuelles et collectives. Au Brésil, le débat sur une nouvelle Constitution s'est tenu 13 ans après le début de la transition et a duré deux ans. Une nouvelle constitution a été réécrite dans les tous les pays ayant expérimenté une transition concertée (Espagne, Pologne) ou née d'un soulèvement (Tunisie, Philippines). Ce n'est donc ni une obligation, ni un dogme de réécrire la constitution qui est un exercice difficile, adresse des sujets fondamentaux et pouvant être clivants.
Quid de l'Algérie ? Les révisions constitutionnelles adoptées sous l'ère Bouteflika ont donné un pouvoir exorbitant au président sortant. Il est évident que cette Constitution faite sur mesure, ne répond pas aux aspirations des millions de manifestants sortis dans la rue depuis le mois de février 2019. La refonte de la Constitution pourrait impliquer de revenir à la Constitution de 1996 qui consacre les libertés collectives et individuelles, en l'amendant le cas échéant, ou de réécrire une nouvelle Constitution. Ces deux options doivent être analysées de manière pragmatique et faire l'objet d'un débat national.
Enseignement n°5 : Gérer la politique économique de transition A la crise politique s'ajoute très souvent un contexte de crise économique à gérer durant la transition. Les enjeux économiques sont prioritaires et vont de pair avec la mise en place d'un État de droit et une justice sociale. Le contexte économique et le niveau d'adhésion de la population orientera le rythme et la profondeur des réformes à engager. La majorité des transitions démocratiques réussies ont initié des réformes économiques conjuguant ouverture, discipline budgétaire et justice sociale. La Pologne a opéré sa transition économique en appliquant une véritable thérapie de choc pour sortir du modèle communiste. Les pays latino-américains (Chili, Brésil, Mexique) ont privilégié une politique dite de croissance économique dans l'équité. La majorité des pays de l'étude ont connu des transitions longues où les réformes économiques ont été, pensées et préparées, très en amont du processus, par les réformistes du pouvoir sortant (Espagne, Mexique, Indonésie) ou en concertation avec les nouveaux arrivants (Pologne, Brésil, Chili). La Tunisie demeure le contre-exemple d'une gestion économique transitionnelle qui demeure à ce jour un échec.
Quid de l'Algérie ? La crise institutionnelle provoquée par le mouvement du 22 février s'inscrit dans un contexte économique morose. La politique de la planche à billets si elle est maintenue pourrait entraîner une hausse significative de l'inflation aux conséquences désastreuses pour l'économie nationale. Le(s) gouvernement(s) de transition ne pourra (ont) pas se payer le luxe de " gérer les affaires courantes " sur le plan économique compte tenu de l'érosion du pouvoir d'achat des algériens. En revanche, à la faveur d'une bonne capacité d'endettement (l'Algérie n'est pas endettée) et de réserves de change suffisantes (18 mois à 24 mois), l'Algérie n'est pas contrainte d'adopter des réformes économiques brutales et très impopulaires. L'accent devra être mis sur la relance économique à travers des mesures permettant d'améliorer le climat des affaires et de booster l'investissement local et international. Que ce soit pour le court terme avec le plan d'urgence 2018, ou pour le moyen terme avec les 15 chantiers économique de ruptures du rapport NABNI 2020, les propositions du collectif NABNI et d'autres, offrent des solutions aux gouvernements désireux d'entamer des réformes de fond. Enseignement n°6 : Réformer la justice La réforme de la justice dans sa structure, son organisation et ses nominations est un défi majeur à mener dès les premiers mois d'un mandat de gouvernement de transition. L'indépendance du pouvoir judiciaire et le renforcement des prérogatives du pouvoir législatif doivent garantir le rééquilibrage des pouvoirs. Au Mexique, le président Zedillo (1994-2000) a nommé dès les premiers mois de son mandat un procureur général proposé par l'opposition. Au Brésil, le corps des procureurs indépendants est devenu un réel contrepouvoir de l'exécutif. Selon le contexte, comme au Chili, une commission vérité indépendante, acceptée par les anciens du régime militaire, a été mise en place. Elle était déterminée à reconnaître les crimes et violation des droits de l'homme.
Quid de l'Algérie ? A l'épreuve des faits, il n'y a toujours pas d'indépendance des trois pouvoirs pourtant consacrés par la Constitution. Le pouvoir judiciaire est soumis au pouvoir exécutif, qui entre autres nomme seul les magistrats, gère leurs carrières etc. La réforme de la justice commence par la refonte du pouvoir judiciaire, avec la création d'une nouvelle institution judiciaire réellement indépendante, reposant sur les fondements de l'actuel Conseil supérieur de la magistrature. Cette refonte implique la réorganisation du pouvoir judiciaire, la redéfinition de sa relation avec les autres pouvoirs et l'émancipation des magistrats et auxiliaires de justice. Le collectif NABNI a proposé des mesures pour une indépendance effective et réelle de la Justice, dans le chapitre Gouvernance du rapport NABNI 2020. Enseignement n°7 : Garantir un cadre institutionnel ouvert aux partis politiques et aux corps intermédiaires Les partis politiques et les corps intermédiaires sont le lien entre le peuple et le gouvernement. Ils jouent un rôle essentiel dans les transitions démocratiques. La période de transition permet de revitaliser la scène politique en cessant les entraves administratives à l'encontre des partis politiques existants, du monde associatif et syndical, et en facilitant l'émergence de nouveaux partis, ainsi qu'en donnant un accès plus équitable au financement et aux médias. Au Mexique et en Indonésie, le pouvoir de transition a veillé à normaliser l'ancien parti unique notamment en rompant ses liens avec l'administration et l'armée. En Espagne, plus de 80 partis ont participé aux élections générales de 1977. La régulation progressive a conduit le pays à disposer quelques années plus tard d'un système politique bipartite qui a prévalu durant plus de 30 ans.
Quid de l'Algérie ? Les partis politiques véritablement opposés au pouvoir en place ainsi que les syndicats autonomes ont été marginalisés, fragmentés et sont dans l'incapacité de canaliser et d'orienter la dynamique populaire. Ils n'offrent pas aux yeux de la population une alternative crédible. La transition doit achever la désinstitutionalisation du parti FLN, donner aux partis politiques et aux corps intermédiaires un cadre institutionnel et administratif transparent et équitable. Ces derniers doivent en outre bénéficier d'un temps raisonnable pour s'organiser afin de jouer un rôle fondamental dans les instances transitionnelles. Enfin, des amendements majeurs doivent être portées à la loi sur les associations pour favoriser et encourager la vie associative et la participation citoyenne dans le pays.
Enseignement n°8 : Placer les forces armées sous autorité civile Graduellement, ou dès que possible, les pouvoirs de transition ont entamé des négociations avec les chefs militaires et les responsables des services de renseignement afin de placer forces armées et appareils de sécurité sous contrôle civil. Il ne s'agit pas uniquement de nommer un ministre civil de la Défense mais de transformer l'armée et les services de sécurité pour en faire des institutions et non un pouvoir de l'État. Les gouvernements, durant la transition, établissent une politique et des principes clairs vis-à-vis des forces armées notamment avec la constitutionnalisation de son rôle et ses missions de défense et de sécurité du territoire national. En Pologne et au Brésil, la féminisation de l'armée et l'augmentation du nombre de fonctionnaires civils dans les structures du ministère de la Défense nationale ont favorisé la subordination progressive du militaire au civil.
Quid de l'Algérie ? De par son rôle historique et le déficit institutionnel que connaît le pays, l'Armée est aujourd'hui le pilier central de l'appareil d'Etat. Les pouvoirs de la transition devront tenir compte de cette réalité en opérant la subordination du militaire au politique. Ce processus devra se traduire par la nomination d'un ministre de la Défense nationale civil, le recrutement de fonctionnaires civils dans le ministère de la Défense nationale, la séparation des services de renseignement (hors militaire) avec l'ANP. Le contrôle des politiques publiques de Sécurité et de Défense Nationale, le budget et son allocation ainsi que les nominations aux plus hautes fonctions de l'ANP seront débattues et validées par le Parlement. Cependant, rien de tout cela ne peut se concrétiser si l'Armée n'est pas rassurée à minima sur le maintien de sa doctrine et de son budget. Cet état de fait, requiert le dialogue entre l'institution militaire et les représentants du mouvement populaire pour entamer des négociations sur la base de compromis mutuels.
Enseignement n°9 - Tenir compte de l'Environnement international Il est évident que la conjoncture internationale a été favorable à l'avènement de la démocratie dans la plupart des pays étudiés. L'entrée de l'Espagne et du Portugal dans la Communauté Economique Européenne impliquait leur démocratisation pleine et entière. Ces nouvelles démocraties ont d'ailleurs soutenu les transitions latino-américaines qui ont aussi bénéficié du climat de détente Est-Ouest. Il en va aussi pour les pays d'Europe de l'Est dont la démocratisation a réellement démarré après la chute du mur de Berlin. Enfin, la Tunisie a joui d'un appui unanime de la communauté internationale notamment à travers l'assistance de la Commission de Venise (instance du conseil européen) dans son processus constitutionnel.
Quid de l'Algérie ? L'environnement international est défavorable au processus de démocratisation de l'Algérie. Il est même volatil et source d'inquiétude (effondrement de l'Etat Libyen à l'Est, flux migratoire, menace djihadiste au Sud et tensions avec le Maroc à l'Ouest). Ces menaces aux frontières mobilisent des milliers d'hommes et exigent que la population soit aux côtés de l'Armée et que celle-ci appuie ses revendications légitimes pour une transition vers un système démocratique et un Etat de droit. A cela s'ajoute la méfiance voire l'hostilité de différentes grandes puissances étrangères qui interprètent le mouvement populaire actuel pour certains comme une source d'instabilité du pays, pour d'autres un risque de perte d'influence, ou une possible contagion démocratique. Le vide et l'absence de dynamique au sommet de l'Etat a eu pour conséquence l'isolement de l'Algérie sur la scène diplomatique (notamment en Afrique et au niveau de la Ligue Arabe). La période de transition devra être une occasion pour renforcer et faire évoluer son appareil diplomatique afin de mieux protéger les intérêts de l'Algérie et des Algériens dans le monde.
Enfin, nous devons tirer les leçons de l'échec de la transition démocratique algérienne amorcée en 1989. L'interruption de l'expérience démocratique en janvier 1992 signant la fin de la transition a de multiples raisons. Elle est d'abord de la responsabilité du pouvoir en place, qui, malgré le train de réformes initié par le Gouvernement Hamrouche, n'entendait ni se refonder, ni dialoguer avec l'opposition pour déboucher sur une solution politique. Frappés de discrédits aux yeux de la population et très divisés, les partis de l'opposition ont aussi leur part responsabilité dans cet échec. Cette situation a logiquement conduit au double vote sanction de la population (1990 et 1991) au profit du FIS qui a finalement été stoppé par l'Armée. En conclusion, il est essentiel de comprendre que les processus de la transition vers la démocratie sont des moments uniques pour renouer les liens brisés au sein de la société, rétablir les institutions, et réfléchir sur le pays dans les décennies à venir. La transition doit aussi mettre en exergue le pluralisme et le caractère inclusif de toute la population, le rôle des femmes, le rôle de la société civile et le rôle des jeunes.