Assurée du soutien du Parti populaire européen, sa famille politique, Ursula von der Leyen s'est efforcée mardi de convaincre la gauche et les écologistes du Parlement européen d'approuver sa nomination à la présidence de la Commission. Le vote est prévu à 18 heures et les résultats attendus avant 20 heures. La ministre allemande de la Défense a d'abord rappelé ce qu'aurait de symbolique sa nomination, en tant que première femme à la tête de la Commission, 40 ans après celle de Simone Veil, première femme à présider le Parlement européen. Cette proche d'Angela Merkel a cité la lutte contre le réchauffement climatique comme "défi le plus urgent" et s'est engagée à fixer un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre "de 50, voire 55% d'ici 2030". Pour soutenir les investissements nécessaires, elle a proposé la transformation d'une partie de la Banque européenne d'investissement en "banque du climat" dotée d'une capacité d'investissement d'un milliard d'euros sur les dix prochaines d'années, une proposition d'Emmanuel Macron dans la campagne. Elle s'est prononcée pour la création d'un "fonds de transition destiné à soutenir ceux qui sont le plus touchés" par les mesures en faveur du climat et pour une taxe carbone aux frontières, serpent de mer que ses partisans, dont les présidents français successifs depuis Nicolas Sarkozy, n'ont jamais réussi à imposer à leurs partenaires. La chrétienne-démocrate, qui a rappelé qu'elle avait été médecin et ministre des Affaires familiales avant de s'occuper des armées, s'est engagée à défendre "la dimension sociale" de l'UE comme corollaire de l'économie de marché.
Salaire minimum Elle s'est prononcée pour un salaire minimum dans tous les pays de l'UE et un "fonds de réassurance chômage" destiné à soutenir les économies des pays touchés par un "choc extérieur". Ursula von der Leyen s'est efforcée de rassurer les sociaux-démocrates, amers d'avoir vu leur candidat à la tête de la Commission, le Néerlandais Frans Timmermans, en être écarté du fait de l'opposition des gouvernements hongrois et polonais dont il avait combattu les écarts vis-à-vis des règles démocratiques. "On se saurait transiger lorsqu'il est question de respecter l'Etat de droit", a-t-elle dit en promettant l'instauration d'un mécanisme de contrôle supplémentaire du respect des règles, comme le demandait le groupe Renaissance Europe, dont font partie les députés de la majorité en France. Sur la question hautement inflammable de l'immigration, elle s'est engagée à "réduire les migrations irrégulières, lutter contre les passeurs, améliorer le droit d'asile et aider les réfugiés", tout en appelant à plus de "solidarité avec les pays les plus exposés", à savoir ceux du bassin méditerranéen. Ursula von der Leyen a également confirmé sa promesse d'améliorer le système des "Spitzenkandidaten", par lequel le groupe politique arrivé en tête des élections européennes place à la présidence de la Commission le candidat désigné par avance.
Weber lui apporte son soutien Le refus des chefs d'Etat et de gouvernement d'être liés par ce mécanisme voulu par le Parlement a suscité beaucoup d'amertume au sein du PPE dont le président, l'Allemand Manfred Weber, espérait succéder à Jean-Claude Juncker. "Le Parti populaire européen va soutenir de façon déterminée Ursula von der Leyen", a toutefois affirmé le Bavarois, disant vouloir "repartir et aller de l'avant". Le groupe centriste Renaissance Europe a lui aussi promis son soutien à la candidate désignée sur la base d'un compromis franco-allemand arraché de haute lutte au Conseil européen. "Notre groupe est prêt à vous soutenir dans mesure où vous affirmez votre indépendance" vis-à-vis des gouvernements, a déclaré son président Dacian Ciolos, qui a obtenu, comme le souhaitait Emmanuel Macron, la promesse d'une "conférence pour l'avenir de l'Europe" destinée à relancer le projet européen avec la participation des citoyens, dès 2020. Le groupe social-démocrate, dont le vote sera crucial pour Ursula von der Leyen, devrait quant à lui déterminer sa position dans l'après-midi. "Vous nous avez envoyé une lettre (lundi) qui va dans le bon sens. Nous ne voulons pas de crise institutionnelle mais nous avons besoin de garanties", a affirmé sa présidente, l'Espagnole Iratxe Garcia Perez. Les Verts, la gauche radicale et l'extrême droite ont annoncé un vote négatif. A son compatriote Jörg Meuthen, du parti d'extrême droite AFD, qui avait fustigé sa "prestation de type socialiste", Ursula von der Leyen a répliqué qu'elle était "soulagée de ne recevoir aucune voix de (sa) part".
Une élection incertaine jusqu'au bout L'Allemande Ursula von der Leyen devait être confirmée mardi à la présidence de la Commission européenne par le Parlement de Strasbourg mais le vote à bulletin secret, l'éclatement des forces politiques et la rancoeur des eurodéputés vis-à-vis des gouvernements de l'UE rendent le pronostic incertain. La ministre allemande de la Défense, une chrétienne-démocrate proche d'Angela Merkel, devra obtenir la majorité absolue des membres du Parlement, soit au moins 374 voix sur les 747 siégeant actuellement (sur un effectif théorique de 751). Elle se sera auparavant adressée une dernière fois à eux, mardi matin, durant un débat en session plénière à Strasbourg. Le vote débutera à 18 heures. Les résultats devraient être connus entre 19h30 et 20h. Peu préparée à un rôle pour lequel elle a été désignée in extremis par les Etats membres, la candidate n'a pas déclenché l'enthousiasme des groupes politiques qui l'ont auditionnée la semaine passée. Ceux-ci ont par ailleurs peu apprécié que le Conseil européen rejette le système des "Spitzenkandidaten" par lequel il aurait dû, selon eux, nommer à la présidence de la Commission le candidat désigné à l'avance par la force politique arrivée en tête, à savoir le Parti populaire européen (conservateur). Ursula von der Leyen devrait néanmoins obtenir "un large soutien" de son propre groupe, le PPE, a indiqué à Reuters une source interne, ce en dépit du fait que son président, l'Allemand Manfred Weber, ait été écarté d'un poste qu'il briguait lui-même au nom de ce principe. Renaissance Europe, l'ex-groupe libéral-démocrate dont les députés macronistes constituent aujourd'hui la première force, devrait également entériner un choix qui résulte d'un compromis franco-allemand.
"Beaucoup d'amertume" Leur président, Dacian Ciolos, a toutefois conditionné l'appui de ses troupes à plusieurs engagements de la candidate sur "un mécanisme de suivi et de défense de l'Etat de droit", une "conférence sur l'avenir de l'Europe" et un poste de commissaire important pour sa propre candidate, la Danoise Margrethe Vestager. Plus encore qu'en 2014, la nomination d'une présidente conservatrice ne pourra toutefois être acquise sans les voix des sociaux-démocrates, dans un contexte d'affaiblissement des partis de centre droit et de centre gauche au profit des extrêmes, principalement eurosceptiques et de droite. "Il y a beaucoup d'amertume dans le groupe. Les plus virulents sont les Allemands du SPD", a indiqué à Reuters une source interne au groupe. Les sociaux-démocrates-allemands ont du mal à accepter l'éviction d'un des leurs, le Néerlandais Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne sortante, qui briguait également la présidence de la Commission. Confrontés à une chute de leurs scores en Allemagne depuis qu'ils participent au gouvernement chrétien-démocrate d'Angela Merkel, ils ont également du mal à entériner le choix de celle-ci, même si elle s'était abstenue au Conseil européen pour le pas les froisser. Lundi après-midi, Ursula von der Leyen était déjà à Strasbourg, où elle rencontrait les groupes politiques, et elle a lancé une opération de séduction en direction des socialistes. Dans des lettres envoyées aux dirigeants des groupes socialiste et libéral, elle défend le principe d'un salaire minimum et d'allocations-chômage pour tous les travailleurs de l'Union et se prononce pour plus de souplesse dans l'interprétation des règles budgétaires de l'UE afin de favoriser la croissance, ce qui marque une évolution par rapport à la politique traditionnelle de l'Allemagne.. Les Verts et la gauche radicale ont annoncé de leur côté qu'ils voteraient contre la candidate du Conseil, bien qu'elle se soit déclarée favorable à une réduction pouvant aller jusqu'à 55% des émissions de carbone de l'UE d'ici 2030, alors qu'elle ne proposait jusqu'alors que 40%.
Quitter la Défense quoi qu'il arrive Ursula von der Leyen a annoncé lundi qu'elle quitterait ses fonctions de ministre de la Défense du gouvernement allemand quelle que soit l'issue du vote du Parlement européen sur sa nomination à la présidence de la Commission européenne. "Demain, je vais solliciter la confiance du Parlement européen. Quoi qu'il arrive, je démissionnerai mercredi du ministère de la Défense pour consacrer toute mon énergie à l'Europe", a-t-elle dit sur Twitter. Ursula von der Leyen s'est engagée lundi à mener de vastes réformes économiques, sociales et environnementales pour convaincre les députés européens, notamment socialistes, de soutenir sa candidature.