Il est des souffrances qui ne s'estompent jamais. Celles de Rahmouna et Fatiha sont restées intactes, neuf ans après l'enfer qu'elles ont vécu un certain 13 juillet 2001. Il est des souffrances qui ne s'estompent jamais. Celles de Rahmouna et Fatiha sont restées intactes, neuf ans après l'enfer qu'elles ont vécu un certain 13 juillet 2001. Depuis, elles sont les femmes de Hassi Messaoud. Rahmouna Salah et Fatiha Maamoura, deux parmi la cinquantaine de victimes de viols, tortures et actes innommables étaient à Paris ce week-end pour présenter le livre où elles témoignent de ce lynchage mais également de leur combat depuis pour être reconnues comme des victimes à part entière. Nadia Kaci*, leur a prêté sa plume pour transcrire ce qu'elles tentent depuis des années de dire. L'ouvrage «Laissées pour mortes» commence comme un roman conjugué à la première personne. D'abord Rahmouna qui raconte son enfance à Oran, le divorce de ses parents, son mariage contre son gré, puis ses deux divorces de maris violents, et son errance de mère de trois enfants sans ressources. Hassi Messaoud «dont je ne connaissais que la météo du 20 heures à la télévision», se présente comme la dernière opportunité pour trouver un travail et un toit à ses enfants. Elle s'installe avec l'aide de quelques amis dans le bidonville El Haicha (la bête) appelé pompeusement dans le jargon officiel cité Bouammama. Rahmouna fait la connaissance de ces agents recruteurs. Elle finit par trouver un travail dans une entreprise de catering. Elle rejoint la cohorte des femmes et des hommes venus des quatre coins de l'Algérie pour un emploi ou pour fuir le terrorisme dans leur village d'origine. Les habitantes d'El Haicha sont femmes de ménage, cantinières, aides dans les cantines des entreprises de la base-vie. Fatiha en fait partie. Les deux femmes deviennent amies. Fatiha non plus n'a pas été épargnée par la vie; à 19 ans le bébé qu'elle venait de mettre au monde lui est volé de son lit d'hôpital. Leur témoignage sous la plume de Nadia Kaci replace leur drame dans le contexte de leurs vies, des vies de femmes du peuple, sans instruction, sans pouvoir ni ressources. A la conférence de presse Fatiha dira: «nous avons été accusées d'être des prostituées d'abord par nos agresseurs puis par certains journaux. Les prostituées ne vivent pas dans un taudis à El Haicha». Quand elles parlent de ce vendredi 13 juillet, elles disent «hadik el dharba (ce coup là)» et parfois elles s'effondrent en pleurs au souvenir des tortures. Fatiha avait été enterrée sous du sable et des parpaings après avoir été violée. «Il avait enfoncé son poing dans mon vagin et il a ensuite essuyé mon sang sur moi». Pourquoi ce livre ? avons- nous demandé. «Parce qu'il faut que nous disions à tous publiquement ce que nous avons subi (…) Nous voulons défaire ce nœud qui nous étrangle depuis des années». Après le drame, les difficultés ont commencé. Isolées dans un premier temps, seules face à des agresseurs aidés de «15 avocats , de comités de quartiers et de leurs familles», elles découvrent qu'il ne suffit pas d'être victimes pour être secourues. Elles rendent cependant hommage à ceux et celles qui ont eu le courage d'être de leur côté en ces premières semaines. Au policier qui les a défendues au péril de sa vie, à la journaliste Saida Azzouz, seule correspondante de presse présente au premier procès, aux avocats dont celui des Arrouchs qui se sont mobilisés pour elles gratuitement, à quelques associations. Au président Bouteflika «qui nous a donné de l'argent de sa propre poche».Aujourd'hui Rahmouna et Fatiha sont criblées de dettes, elles ne savent plus où trouver l'argent pour nourrir leurs familles et continuent de frapper à des portes hermétiquement closes. «Nous n'avons aucun statut, ni celui de victimes de la tragédie nationale ni celui de victimes du terrorisme. Nous sommes les victimes d'une affaire criminelle.» Elles craignent que leur témoignage public ne compliquent leur situation et n'attire des représailles de l'Administration dont Rahmouna surtout attend une aide maintes fois sollicitée. Survivre et faire vivre ses enfants qui lui reprochent aujourd'hui «d'avoir été une femme de mauvaise vie à Hassi Messaoud comme ils l'ont lu dans des articles». Le travail de Nadia Kaci permettra peut-être aux lecteurs de comprendre ce qui s'est réellement passé à El Haicha contre des pauvres femmes livrées à la haine. G. H. Depuis, elles sont les femmes de Hassi Messaoud. Rahmouna Salah et Fatiha Maamoura, deux parmi la cinquantaine de victimes de viols, tortures et actes innommables étaient à Paris ce week-end pour présenter le livre où elles témoignent de ce lynchage mais également de leur combat depuis pour être reconnues comme des victimes à part entière. Nadia Kaci*, leur a prêté sa plume pour transcrire ce qu'elles tentent depuis des années de dire. L'ouvrage «Laissées pour mortes» commence comme un roman conjugué à la première personne. D'abord Rahmouna qui raconte son enfance à Oran, le divorce de ses parents, son mariage contre son gré, puis ses deux divorces de maris violents, et son errance de mère de trois enfants sans ressources. Hassi Messaoud «dont je ne connaissais que la météo du 20 heures à la télévision», se présente comme la dernière opportunité pour trouver un travail et un toit à ses enfants. Elle s'installe avec l'aide de quelques amis dans le bidonville El Haicha (la bête) appelé pompeusement dans le jargon officiel cité Bouammama. Rahmouna fait la connaissance de ces agents recruteurs. Elle finit par trouver un travail dans une entreprise de catering. Elle rejoint la cohorte des femmes et des hommes venus des quatre coins de l'Algérie pour un emploi ou pour fuir le terrorisme dans leur village d'origine. Les habitantes d'El Haicha sont femmes de ménage, cantinières, aides dans les cantines des entreprises de la base-vie. Fatiha en fait partie. Les deux femmes deviennent amies. Fatiha non plus n'a pas été épargnée par la vie; à 19 ans le bébé qu'elle venait de mettre au monde lui est volé de son lit d'hôpital. Leur témoignage sous la plume de Nadia Kaci replace leur drame dans le contexte de leurs vies, des vies de femmes du peuple, sans instruction, sans pouvoir ni ressources. A la conférence de presse Fatiha dira: «nous avons été accusées d'être des prostituées d'abord par nos agresseurs puis par certains journaux. Les prostituées ne vivent pas dans un taudis à El Haicha». Quand elles parlent de ce vendredi 13 juillet, elles disent «hadik el dharba (ce coup là)» et parfois elles s'effondrent en pleurs au souvenir des tortures. Fatiha avait été enterrée sous du sable et des parpaings après avoir été violée. «Il avait enfoncé son poing dans mon vagin et il a ensuite essuyé mon sang sur moi». Pourquoi ce livre ? avons- nous demandé. «Parce qu'il faut que nous disions à tous publiquement ce que nous avons subi (…) Nous voulons défaire ce nœud qui nous étrangle depuis des années». Après le drame, les difficultés ont commencé. Isolées dans un premier temps, seules face à des agresseurs aidés de «15 avocats , de comités de quartiers et de leurs familles», elles découvrent qu'il ne suffit pas d'être victimes pour être secourues. Elles rendent cependant hommage à ceux et celles qui ont eu le courage d'être de leur côté en ces premières semaines. Au policier qui les a défendues au péril de sa vie, à la journaliste Saida Azzouz, seule correspondante de presse présente au premier procès, aux avocats dont celui des Arrouchs qui se sont mobilisés pour elles gratuitement, à quelques associations. Au président Bouteflika «qui nous a donné de l'argent de sa propre poche».Aujourd'hui Rahmouna et Fatiha sont criblées de dettes, elles ne savent plus où trouver l'argent pour nourrir leurs familles et continuent de frapper à des portes hermétiquement closes. «Nous n'avons aucun statut, ni celui de victimes de la tragédie nationale ni celui de victimes du terrorisme. Nous sommes les victimes d'une affaire criminelle.» Elles craignent que leur témoignage public ne compliquent leur situation et n'attire des représailles de l'Administration dont Rahmouna surtout attend une aide maintes fois sollicitée. Survivre et faire vivre ses enfants qui lui reprochent aujourd'hui «d'avoir été une femme de mauvaise vie à Hassi Messaoud comme ils l'ont lu dans des articles». Le travail de Nadia Kaci permettra peut-être aux lecteurs de comprendre ce qui s'est réellement passé à El Haicha contre des pauvres femmes livrées à la haine. G. H.