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L'Ircam fait don de livres amazighs à l'université d'Alger
17e Salon international du livre d'alger
Publié dans Le Midi Libre le 27 - 09 - 2012

L'état de l'édition amazighe en Algérie a été évoqué ce lundi en marge du SILA (Salon international du livre d'Alger) dont c'est la 17e édition. La présence de Mme Fatima Zahra Oufara, chercheur à l'IRCAM (Institut royal de la culture amazighe) venue du Maroc a imprimé un cachet maghrébin à cette conférence-débat qui se voulait comme une interrogation des « enjeux linguistiques» qui découlent de l'émergence des «nouveaux champs de l'édition» en rapport avec le «livre amazigh».
L'état de l'édition amazighe en Algérie a été évoqué ce lundi en marge du SILA (Salon international du livre d'Alger) dont c'est la 17e édition. La présence de Mme Fatima Zahra Oufara, chercheur à l'IRCAM (Institut royal de la culture amazighe) venue du Maroc a imprimé un cachet maghrébin à cette conférence-débat qui se voulait comme une interrogation des « enjeux linguistiques» qui découlent de l'émergence des «nouveaux champs de l'édition» en rapport avec le «livre amazigh».
La conférencière marocaine avait comme co-animateurs Tassadit Yacine, anthropologue et maître de conférences à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris ainsi qu'Abderazak Dourari, professeur à l'université d'Alger et directeur du Centre national pédagogique et linguistique pour l'enseignement de tamazight (CNPLET).
Première constatation relevée par un intervenant dans le public, la non-présence au Sila d'éditeurs de livres en tamazight, et même d'écrivains en cette langue. Et le même intervenant de déplorer le caractère symbolique de la présence de l'amazighité dans le Salon du livre allant jusqu'à dire que la présence du livre amazigh a été assurée plus par le royaume chérifien que par l'Algérie. Du reste, la représentante de l'Ircam a annoncé que son organisme a offert à la faculté de lettres de l'université d'Alger tout le stock de livres amazighs ramené pour le Sila. Ce qui évidemment a fait grand plaisir non sans susciter cependant l'étonnement d'un public, s'il était peu nombreux, n'en était pas moins initié. "Pourquoi avez-vous fait don de ces livres à la Faculté de lettres d'Alger et non à l'Université de Tizi-Ouzou ou de Béjaïa, là où l'amazigh est enseigné, là où cela aurait pu être utile, par exemple au HCA (Haut commissariat à l'amazighité ?)", demande une dame à Fatima-Zahra Oufara, sous l'œil médusé de Hamid Bilek, sous-directeur de la promotion culturelle au HCA. Réponse de la représentante de l'IRCAM : "La décision de faire ce don à la Faculté de lettres d'Alger a été prise en concertation avec M. Madi et le commissariat du Sila." Selon Fatima-Zahra Oufara, le stand marocain du livre amazigh a connu un succès fulgurant. "Nous avons reçu énormément de gens qui sont très intéressés et parmi lesquels on a décelé trois catégories : il y a les universitaires qui veulent des ouvrages de linguistique, de lexique et de vocabulaire pour le besoin de leurs recherches, il y a des néophytes qui veulent apprendre et aussi des gens qui s'intéressent à la poésie, aux traditions et aux proverbes". Et d'ajouter : "Nous avons déçu tout ce beau monde parce que nous avions décidé de ne pas vendre nos livres, et d'ailleurs le public n'a pas hésité à nous le reprocher."
L'édition amazighe n'arrive pas à décoller
Ceci, les interventions de Tassadit Yacine et d'Abderazak Dourari, se sont rejointes sur le constat que l'édition amazighe n'arrive pas à décoller. "Est-ce que les institutions font le travail pour lequel elles sont payées", s'est interrogée Tassadit Yacine avant de relever que le lectorat du tamazight est resté très restreint. Elle a insisté sur le fait que «ce sont les écrivains qui font la langue et non les littérateurs" qui a-t-elle expliqué peuvent avoir la maîtrise de la langue mais sans le don de la création. La connaissance d'une langue aussi parfaite qu'elle puisse être n'implique pas forcément posséder une aptitude à écrire dans cette langue, prévient-elle. Autrement dit, la production livresque en amazigh est sujette à caution. Quand Tassadit affirme qu'on est en train de reproduire pour le tamazight les mêmes erreurs qu'on avait commises lors de l'arabisation, elle fait sans doute allusion au système scolaire, et à l'ensemble de l'édifice politico-culturel chargé de l'amazighité. La langue à ses yeux devrait être nourrie aux métaphores, à la musicalité du rythme et au génie de l'auteur. Tassadit Yacine illustre ses propos en évoquant la verve poétique d'Aït Menguellet, poète auquel, du reste, elle avait consacré tout un livre, l'un des rares qui aient été préfacés par Kateb Yacine. Quant à Abderazak Dourari, il a mis en garde contre les traductions bâclées vers l'amazigh citant l'exemple du Fils du Pauvre de Mouloud Feraoun traduit en Mmis Ugellil, confessant qu'il préférait toujours la version originelle française. Le traducteur, a-t-il regretté, a cru bon de traduire cette œuvre vers le kabyle en invitant le lecteur à lire le glossaire qui donnait l'explication de nombreux néologismes dont il avait truffé son texte. Mais il a reconnu que l'édition amazighe a cassé un mythe et a rappelé le rôle joué par Rachid Alliche. "Les pionniers sont importants, ils ont montré que l'amazigh peut s'écrire, cela a débouché sur quelque chose de matériel, c'est important car cela donne la confiance en soi, mais il ne faut pas rester à ce stade", a-t-il conclu.
Le Maroc concurrence l'Algérie
La situation de l'édition amazighe au Maroc, à en croire Fatima Zahra Oufara, est meilleure, même si elle explique que le passage de l'oralité vers l'écrit n'est pas une chose aisée. 201 titres et 11 manuels scolaires ont été édités depuis l'institutionnalisation de l'amazigh, a-t-elle indiqué. Selon elle, en moyenne 30 livres sortent chaque année des imprimeries marocaines. L'Ircam sort la revue Asinag (institution) en trois langues (amazigh, arabe et français), une revue à caractère universitaire, dotée d'un Conseil scientifique. Fatima-Zahra Oufara, qui présentait cette revue comme la première au Maghreb, s'est vue corrigée par Tassadit Yacine, qui lui a rappelé l'existence de Libyca, éditée par le Centre national de recherches historiques et préhistoriques d'Alger et d'Awal, fondée par Mouloud Mammeri dans les années 80. Ceci, de grands acquis ont été du reste obtenus au Maroc, ainsi un prix national récompensant une œuvre amazighe a été institutionnalisé et la chaîne de télévision d'expression amazighe commence à diffuser une émission de promotion du livre berbère. Enfin, tous les intervenants s'accordent à souligner la nécessité qu'il y a de faire émerger une critique littéraire autour de la littérature amazighe afin d'aider l'édition berbère à faire sa mue. Ceci étant, cette conférence montre que la coopération entre le Maroc et l'Algérie en matière de recherche et de revalorisation du patrimoine culturel amazigh reste du domaine du possible.
La conférencière marocaine avait comme co-animateurs Tassadit Yacine, anthropologue et maître de conférences à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris ainsi qu'Abderazak Dourari, professeur à l'université d'Alger et directeur du Centre national pédagogique et linguistique pour l'enseignement de tamazight (CNPLET).
Première constatation relevée par un intervenant dans le public, la non-présence au Sila d'éditeurs de livres en tamazight, et même d'écrivains en cette langue. Et le même intervenant de déplorer le caractère symbolique de la présence de l'amazighité dans le Salon du livre allant jusqu'à dire que la présence du livre amazigh a été assurée plus par le royaume chérifien que par l'Algérie. Du reste, la représentante de l'Ircam a annoncé que son organisme a offert à la faculté de lettres de l'université d'Alger tout le stock de livres amazighs ramené pour le Sila. Ce qui évidemment a fait grand plaisir non sans susciter cependant l'étonnement d'un public, s'il était peu nombreux, n'en était pas moins initié. "Pourquoi avez-vous fait don de ces livres à la Faculté de lettres d'Alger et non à l'Université de Tizi-Ouzou ou de Béjaïa, là où l'amazigh est enseigné, là où cela aurait pu être utile, par exemple au HCA (Haut commissariat à l'amazighité ?)", demande une dame à Fatima-Zahra Oufara, sous l'œil médusé de Hamid Bilek, sous-directeur de la promotion culturelle au HCA. Réponse de la représentante de l'IRCAM : "La décision de faire ce don à la Faculté de lettres d'Alger a été prise en concertation avec M. Madi et le commissariat du Sila." Selon Fatima-Zahra Oufara, le stand marocain du livre amazigh a connu un succès fulgurant. "Nous avons reçu énormément de gens qui sont très intéressés et parmi lesquels on a décelé trois catégories : il y a les universitaires qui veulent des ouvrages de linguistique, de lexique et de vocabulaire pour le besoin de leurs recherches, il y a des néophytes qui veulent apprendre et aussi des gens qui s'intéressent à la poésie, aux traditions et aux proverbes". Et d'ajouter : "Nous avons déçu tout ce beau monde parce que nous avions décidé de ne pas vendre nos livres, et d'ailleurs le public n'a pas hésité à nous le reprocher."
L'édition amazighe n'arrive pas à décoller
Ceci, les interventions de Tassadit Yacine et d'Abderazak Dourari, se sont rejointes sur le constat que l'édition amazighe n'arrive pas à décoller. "Est-ce que les institutions font le travail pour lequel elles sont payées", s'est interrogée Tassadit Yacine avant de relever que le lectorat du tamazight est resté très restreint. Elle a insisté sur le fait que «ce sont les écrivains qui font la langue et non les littérateurs" qui a-t-elle expliqué peuvent avoir la maîtrise de la langue mais sans le don de la création. La connaissance d'une langue aussi parfaite qu'elle puisse être n'implique pas forcément posséder une aptitude à écrire dans cette langue, prévient-elle. Autrement dit, la production livresque en amazigh est sujette à caution. Quand Tassadit affirme qu'on est en train de reproduire pour le tamazight les mêmes erreurs qu'on avait commises lors de l'arabisation, elle fait sans doute allusion au système scolaire, et à l'ensemble de l'édifice politico-culturel chargé de l'amazighité. La langue à ses yeux devrait être nourrie aux métaphores, à la musicalité du rythme et au génie de l'auteur. Tassadit Yacine illustre ses propos en évoquant la verve poétique d'Aït Menguellet, poète auquel, du reste, elle avait consacré tout un livre, l'un des rares qui aient été préfacés par Kateb Yacine. Quant à Abderazak Dourari, il a mis en garde contre les traductions bâclées vers l'amazigh citant l'exemple du Fils du Pauvre de Mouloud Feraoun traduit en Mmis Ugellil, confessant qu'il préférait toujours la version originelle française. Le traducteur, a-t-il regretté, a cru bon de traduire cette œuvre vers le kabyle en invitant le lecteur à lire le glossaire qui donnait l'explication de nombreux néologismes dont il avait truffé son texte. Mais il a reconnu que l'édition amazighe a cassé un mythe et a rappelé le rôle joué par Rachid Alliche. "Les pionniers sont importants, ils ont montré que l'amazigh peut s'écrire, cela a débouché sur quelque chose de matériel, c'est important car cela donne la confiance en soi, mais il ne faut pas rester à ce stade", a-t-il conclu.
Le Maroc concurrence l'Algérie
La situation de l'édition amazighe au Maroc, à en croire Fatima Zahra Oufara, est meilleure, même si elle explique que le passage de l'oralité vers l'écrit n'est pas une chose aisée. 201 titres et 11 manuels scolaires ont été édités depuis l'institutionnalisation de l'amazigh, a-t-elle indiqué. Selon elle, en moyenne 30 livres sortent chaque année des imprimeries marocaines. L'Ircam sort la revue Asinag (institution) en trois langues (amazigh, arabe et français), une revue à caractère universitaire, dotée d'un Conseil scientifique. Fatima-Zahra Oufara, qui présentait cette revue comme la première au Maghreb, s'est vue corrigée par Tassadit Yacine, qui lui a rappelé l'existence de Libyca, éditée par le Centre national de recherches historiques et préhistoriques d'Alger et d'Awal, fondée par Mouloud Mammeri dans les années 80. Ceci, de grands acquis ont été du reste obtenus au Maroc, ainsi un prix national récompensant une œuvre amazighe a été institutionnalisé et la chaîne de télévision d'expression amazighe commence à diffuser une émission de promotion du livre berbère. Enfin, tous les intervenants s'accordent à souligner la nécessité qu'il y a de faire émerger une critique littéraire autour de la littérature amazighe afin d'aider l'édition berbère à faire sa mue. Ceci étant, cette conférence montre que la coopération entre le Maroc et l'Algérie en matière de recherche et de revalorisation du patrimoine culturel amazigh reste du domaine du possible.


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