En septembre, le réalisateur iranien, Mohammad Rasoulof, avait fait le pari de retourner en Iran, porté par l'espoir d'un climat apaisé. Depuis, son passeport a été confisqué, alors que son film fait le tour des festivals européens. En septembre, le réalisateur iranien, Mohammad Rasoulof, avait fait le pari de retourner en Iran, porté par l'espoir d'un climat apaisé. Depuis, son passeport a été confisqué, alors que son film fait le tour des festivals européens. Le siège de Mohammad Rasoulof est à nouveau vide. D'abord aux festivals de Londres et Stockholm, puis au festival "Un état du monde... et du cinéma", qui se tient en novembre au Forum des images à Paris. Rasoulof n'a pu quitter l'Iran pour présenter sa dernière réalisation, Les Manuscrits ne brûlent pas, qui dénonce frontalement la violence du régime iranien. Son voyage en Iran en septembre dernier devait durer cinq jours. Il s'éternise depuis bientôt deux mois, et ne semble pas près de s'achever. Venu défendre son film sur la Croisette en mai 2013, le réalisateur n'avait pas remis les pieds dans son pays natal depuis l'élection de Hassan Rohani. Porté par l'espoir d'un climat apaisé, après cette élection, mu par l'amour de son pays et son combat pour les droits de l'Homme, Rasoulof a fait le pari risqué de revenir en Iran. Mais son passeport a été confisqué, et il ne peut plus quitter le pays. Privé de sa liberté de mouvement, et surveillé dans son quotidien, Rasoulof vit l'expérience douloureuse d'un régime qui n'a rien changé de ses méthodes envers les intellectuels. Loin de renoncer, le cinéaste veut croire qu'il peut encore travailler en Iran, et son dernier film témoigne de cette pugnacité. L'espoir déçu d'une liberté retrouvée L'élection présidentielle de juin 2013 – qui a vu le modéré Hassan Rohani succéder à Mahmoud Ahmadinejad – a suscité un vif espoir chez les Iraniens. Rasoulof, comme beaucoup d'artistes iraniens, espérait que le climat et la liberté d'expression s'en trouveraient améliorés. Selon lui, le changement, certes, ne serait pas immédiat, mais il trancherait avec l'ère Ahmadinejad. La situation actuelle semble pourtant contredire les attentes du cinéaste. En effet, durant ces huit dernières années, les conditions de travail de Rasoulof en Iran n'ont fait qu'empirer : arrêté en 2010 aux côtés de Jafar Panahi, l'autre grande figure du cinéma iranien, Rasoulof s'est vu dans un premier temps condamné à six ans de prison. Motifs invoqués : "Propagande contre la République islamique" et "complot dirigé contre la sécurité nationale". En appel, la deuxième charge a été abandonnée, et la condamnation réduite à un an de prison. Epée de Damoclès qui menace encore Rasoulof, cette sentence n'a pas été appliquée. Le sera-t-elle sous Rohani ? Rien n'est moins sûr. Le régime iranien a souvent adopté une posture schizophrène envers ses intellectuels, en particulier les cinéastes. C'est le cas par exemple en 2010, quand Rasoulof fait parvenir au festival de Cannes Au revoir, un film pour lequel il a changé le scénario initial validé par la censure. Le ministère de la Culture prend conscience de ce changement non autorisé en même temps que les festivaliers. Et contre toute attente, Rasoulof se voit proposer de partir en France pour défendre son film. Le régime veut faire bonne figure sur la scène internationale, et le cinéma iranien y est un atout. Les lourdeurs bureaucratiques – son visa arrivant trop tard – l'empêchent cependant de s'y rendre à temps. Mais au cinéma, comme ailleurs, un revirement du régime peut en cacher un autre : toutes les archives du réalisateur avaient été confisquées en gage de retour. Continuer malgré tout à tourner des films en Iran Dans ces conditions, pourquoi Rasoulof a-t-il tenté de retourner en Iran pour un bref passage ? Selon son entourage, contacté par FRANCE 24, le cinéaste se refuse à mener son combat pour la démocratie en Iran depuis l'Europe, où il vit par intermittence. Malgré les contraintes liées à son métier et à la censure, il souhaite poursuivre de l'intérieur son analyse de la société iranienne. Sociologue de formation, le réalisateur croit en un cinéma social et engagé. Sa lecture de chevet, en attendant des jours meilleurs ? Hannah Arendt. La prise de risque a toujours fait partie du travail de Rasoulof. "Les Manuscrits ne brûlent pas", son dernier long-métrage, a été tourné clandestinement à l'aide d'une caméra cachée, en partie en Iran, sous la présidence d'Ahmadinejad. Le reste a été tourné en Allemagne. Un risque partagé par toute l'équipe du film : deux des acteurs qui vivaient en Iran ont dû depuis quitter leur pays. Pas non plus de générique de fin : tous les techniciens et acteurs sont restés anonymes. Malgré la surveillance dont il fait l'objet, le cinéaste continue à travailler depuis Téhéran. Son prochain projet ? Un film, où il questionnerait le concept d'identité, pour voir si "l'identité se résume à une carte d'identité nationale ou un passeport". Manière ironique de conjurer le sort. À la question des difficultés qu'il pourrait rencontrer, il répond : "on verra... Le plus important, c'est d'essayer. Je pense que je pourrai le faire !". Longtemps habitué au style métaphorique et aux symboles inspirés par la littérature persane, le cinéma de Rasoulof est devenu plus réaliste et frontal ces dernières années. Selon son entourage, les récents changements de la société iranienne sont à l'origine de ce désir de dire les choses plus directement. Les Manuscrits ne brûlent pas témoigne de ce tournant offensif dans le style de Rasoulof. Censure, persécution des intellectuels, exécutions sommaires, police et cyberpolice traquant ses citoyens... Ce film, très noir, montre que tous les moyens peuvent être mis en œuvre pour faire taire ceux qui iraient contre l'idéologie du régime. Si Rasoulof a choisi de montrer la condition des écrivains iraniens, frappés non seulement par la censure officielle, mais aussi par l'autocensure, l'histoire pourrait s'appliquer à quiconque n'est pas en règle avec la ligne officielle. Primé à Cannes dans la section Un certain regard, le film a reçu un très bon accueil du public parisien, le 11 novembre dernier au Forum des images. À Stockholm, les organisateurs du festival du film international ont manifesté les yeux bandés devant l'ambassade iranienne en signe de soutien. Alors que Rasoulof reste coincé en Iran, ses "Manucrits", eux, continuent de voyager. Le siège de Mohammad Rasoulof est à nouveau vide. D'abord aux festivals de Londres et Stockholm, puis au festival "Un état du monde... et du cinéma", qui se tient en novembre au Forum des images à Paris. Rasoulof n'a pu quitter l'Iran pour présenter sa dernière réalisation, Les Manuscrits ne brûlent pas, qui dénonce frontalement la violence du régime iranien. Son voyage en Iran en septembre dernier devait durer cinq jours. Il s'éternise depuis bientôt deux mois, et ne semble pas près de s'achever. Venu défendre son film sur la Croisette en mai 2013, le réalisateur n'avait pas remis les pieds dans son pays natal depuis l'élection de Hassan Rohani. Porté par l'espoir d'un climat apaisé, après cette élection, mu par l'amour de son pays et son combat pour les droits de l'Homme, Rasoulof a fait le pari risqué de revenir en Iran. Mais son passeport a été confisqué, et il ne peut plus quitter le pays. Privé de sa liberté de mouvement, et surveillé dans son quotidien, Rasoulof vit l'expérience douloureuse d'un régime qui n'a rien changé de ses méthodes envers les intellectuels. Loin de renoncer, le cinéaste veut croire qu'il peut encore travailler en Iran, et son dernier film témoigne de cette pugnacité. L'espoir déçu d'une liberté retrouvée L'élection présidentielle de juin 2013 – qui a vu le modéré Hassan Rohani succéder à Mahmoud Ahmadinejad – a suscité un vif espoir chez les Iraniens. Rasoulof, comme beaucoup d'artistes iraniens, espérait que le climat et la liberté d'expression s'en trouveraient améliorés. Selon lui, le changement, certes, ne serait pas immédiat, mais il trancherait avec l'ère Ahmadinejad. La situation actuelle semble pourtant contredire les attentes du cinéaste. En effet, durant ces huit dernières années, les conditions de travail de Rasoulof en Iran n'ont fait qu'empirer : arrêté en 2010 aux côtés de Jafar Panahi, l'autre grande figure du cinéma iranien, Rasoulof s'est vu dans un premier temps condamné à six ans de prison. Motifs invoqués : "Propagande contre la République islamique" et "complot dirigé contre la sécurité nationale". En appel, la deuxième charge a été abandonnée, et la condamnation réduite à un an de prison. Epée de Damoclès qui menace encore Rasoulof, cette sentence n'a pas été appliquée. Le sera-t-elle sous Rohani ? Rien n'est moins sûr. Le régime iranien a souvent adopté une posture schizophrène envers ses intellectuels, en particulier les cinéastes. C'est le cas par exemple en 2010, quand Rasoulof fait parvenir au festival de Cannes Au revoir, un film pour lequel il a changé le scénario initial validé par la censure. Le ministère de la Culture prend conscience de ce changement non autorisé en même temps que les festivaliers. Et contre toute attente, Rasoulof se voit proposer de partir en France pour défendre son film. Le régime veut faire bonne figure sur la scène internationale, et le cinéma iranien y est un atout. Les lourdeurs bureaucratiques – son visa arrivant trop tard – l'empêchent cependant de s'y rendre à temps. Mais au cinéma, comme ailleurs, un revirement du régime peut en cacher un autre : toutes les archives du réalisateur avaient été confisquées en gage de retour. Continuer malgré tout à tourner des films en Iran Dans ces conditions, pourquoi Rasoulof a-t-il tenté de retourner en Iran pour un bref passage ? Selon son entourage, contacté par FRANCE 24, le cinéaste se refuse à mener son combat pour la démocratie en Iran depuis l'Europe, où il vit par intermittence. Malgré les contraintes liées à son métier et à la censure, il souhaite poursuivre de l'intérieur son analyse de la société iranienne. Sociologue de formation, le réalisateur croit en un cinéma social et engagé. Sa lecture de chevet, en attendant des jours meilleurs ? Hannah Arendt. La prise de risque a toujours fait partie du travail de Rasoulof. "Les Manuscrits ne brûlent pas", son dernier long-métrage, a été tourné clandestinement à l'aide d'une caméra cachée, en partie en Iran, sous la présidence d'Ahmadinejad. Le reste a été tourné en Allemagne. Un risque partagé par toute l'équipe du film : deux des acteurs qui vivaient en Iran ont dû depuis quitter leur pays. Pas non plus de générique de fin : tous les techniciens et acteurs sont restés anonymes. Malgré la surveillance dont il fait l'objet, le cinéaste continue à travailler depuis Téhéran. Son prochain projet ? Un film, où il questionnerait le concept d'identité, pour voir si "l'identité se résume à une carte d'identité nationale ou un passeport". Manière ironique de conjurer le sort. À la question des difficultés qu'il pourrait rencontrer, il répond : "on verra... Le plus important, c'est d'essayer. Je pense que je pourrai le faire !". Longtemps habitué au style métaphorique et aux symboles inspirés par la littérature persane, le cinéma de Rasoulof est devenu plus réaliste et frontal ces dernières années. Selon son entourage, les récents changements de la société iranienne sont à l'origine de ce désir de dire les choses plus directement. Les Manuscrits ne brûlent pas témoigne de ce tournant offensif dans le style de Rasoulof. Censure, persécution des intellectuels, exécutions sommaires, police et cyberpolice traquant ses citoyens... Ce film, très noir, montre que tous les moyens peuvent être mis en œuvre pour faire taire ceux qui iraient contre l'idéologie du régime. Si Rasoulof a choisi de montrer la condition des écrivains iraniens, frappés non seulement par la censure officielle, mais aussi par l'autocensure, l'histoire pourrait s'appliquer à quiconque n'est pas en règle avec la ligne officielle. Primé à Cannes dans la section Un certain regard, le film a reçu un très bon accueil du public parisien, le 11 novembre dernier au Forum des images. À Stockholm, les organisateurs du festival du film international ont manifesté les yeux bandés devant l'ambassade iranienne en signe de soutien. Alors que Rasoulof reste coincé en Iran, ses "Manucrits", eux, continuent de voyager.