Secouée par des scandales et des affaires scabreuses Blida, une ville à risques pour les élus El Watan le 18.09.10 Salim M. Blida a perdu de sa réputation de ville des Roses Le chef-lieu du «zéro-neuf» sommeille dans un climat de disgrâce sur fond de contrastes entre fortunes émergeantes et misère sociale. L'écart entre les administrés et les autorités s'accentue. L'état des lieux n'inspire pas le bien-être Blida est une ville malade et maltraitée par une gestion chaotique. Pour les élus, c'est une ville à risques, si on comptabilise le nombre des poursuites judiciaires et des scandales. Le grand ménage nécessite une volonté soutenue qui dépasse le niveau local.Attention à la marche ! C'est à la gare routière que le premier choc attend le visiteur. C'est effrayant. On dit que c'est une gare. Il s'agit d'un terrain vague, à ciel ouvert, posé comme une injure face à l'université Saâd Dahlab et le stade Tchaker ; deux pôles qui accueillent des visiteurs du monde et du pays entier. Dans ce hall d'entrée de la ville des Roses, il ne faut pas être sensible aux odeurs écoeurantes, on y croise des abattoirs sauvages de volailles où se mêlent les boyaux, les plumes et des monticules de déchets en putréfaction de boucheries. Les étalages de fruits et légumes se disputent la place avec les produits pour cafards et de dératisation. Les bus sont nombreux. Les moteurs constamment en marche, même en stationnement. L'air ambiant est infesté par un cocktail de gaz et de particules de carburant dans un bruit de fond des rabatteurs qui appellent les clients. En fin de journée, vers 19 h, les transports en commun cèdent le champ aux taxis clandestins qui imposent leur tarif à des voyageurs en panique dans ce coin de «Bombay». Quant à la vieille gare ferroviaire, inaugurée par Napoléon III vers 1860, personne parmi les décideurs de la ville n'a pensé à une simple navette pour relier la ville. C'est le vide depuis la fin des messageries Mory. L'usager du train est obligé de finir son trajet à pied ou s'en remettre au taxi clandestin. Pour toute la ville, il y a un seul marché couvert pour les fruits et légumes dans le premier arrondissement. Le second, au bas de la rue Abdallah, a progressivement changé de destination, il est dédié entièrement aux textiles et la chaussure. Aussi, tout le centre-ville est saturé d'étalages de légumes et fruits. Aucune APC n'a envisagé le règlement de ce problème par l'affectation de lieux adaptés pour ces commerces. Côté ravalements des façades, seuls les immeubles de la cité Benboulaïd ont eu droit à un peu de bricolage à l'occasion d'une visite présidentielle. Tous les axes secondaires sont laissés pour compte. C'est normal. Aucun cortège officiel n'y passe. Le cimetière de Sidi Hallou, le plus ancien de la ville, est constamment vandalisé. Depuis 1962, aucune assemblée communale n'a inscrit à son ordre du jour un peu d'intérêt pour les morts.Il suffirait d'élever le mur d'enceinte et de remettre un portail qui ferme. Mais quand on veut, on peut, car, le cimetière chrétien voisin, sous surveillance, est bien entretenu. L'ambassade de France y veille. La guerre pour l'espace Blida est désormais à moins de trente kilomètres des portes d'Alger. C'est déjà la banlieue avec les facilités qu'offrent les nouveaux transports par train. La pagaille est en phase de débordement. La proximité avec la capitale suscite une implacable guerre pour l'appropriation de l'espace dans le périmètre interne et en périphérie. La disparition des terres agricoles est inscrite dans le sens de l'histoire. Cette forfaiture contre la terre ne suscite plus d'émotion. Les générations futures devront s'acquitter de la facture. Boufarik-Birtouta évoluent dans les directions nord et sud et s'engloutissent dans une mégacité qui étend ses tentacules. La construction effrénée attire de nombreuses populations de diverses régions du pays. Ce processus migratoire fait exploser la demande de logement social destiné aux prioritaires, en termes de précarité. Mais ici, la précarité se nomme «bidonville». Quant aux citoyens de longue date, ils sont nombreux à s'entasser à trois générations dans le même abri. Pour la construction de baraquement, la moindre étendue de terre est prise d'assaut, y compris le lit primaire de oued Sidi El Kebir qui est entièrement occupé. Les anciens se souviennent de la crue du siècle, celle de 1952, quand cet oued, aux allures paisibles, s'est réveillé subitement avec un grondement d'eaux boueuses recouvrant les deux berges. Le pont de Bouarfa avait été emporté. Les nouveaux résidants de oued El Kebir ne savent-il pas les dangers qu'ils encourent ? La ville des Roses collectionne le plus grand nombre de sacrilèges à l'encontre des lieux saints locaux porteurs de mémoire. Même Sidi Yacoub a été récemment menacé. Cet endroit mythique a échappé au saccage des marchands de prêt-à-manger grâce à des riverains révoltés qui ont osé dire non ! Des biens wakf ont été carrément transformés en commerce ou en habitat. Après la destruction hâtive de l'ancien hôpital militaire Ducrot et du centre équestre la Remonte, les promoteurs ont érigé des immeubles hideux, mal conçus avec une hauteur démesurée d' étages. Les murs ne sont pas droits. Les fenêtres sont barricadées par un assemblage de ferraille qui accentue l'impression de désordre et d'insécurité. En cas d'incendie, les sauveteurs n'y auront pas d'accès. Le climat social qui prévaut est saturé de méfiance et de sentiment de mépris. Il n'est pas permis d'envisager avec optimisme une restauration de la confiance. Les habitants, désabusés, perdent espoir et refusent de s'investir, ce qui explique, en partie, que tous les présidents d'APC qui se succèdent ne sont pas du cru. Les gens ne comprennent pas la léthargie qui marque la conduite des autorités locales, peu réactives, devant le délaissement de la structure urbaine. Il s'agit d'une population nombreuse et d'un chef-lieu de wilaya. Cela devrait intéresser les décideurs au plus haut niveau. Comment peut-on arriver à un tel stade de dégradation, en dépit d'une overdose de lois et de règlements ? On a vu des particuliers intervenir sur le réseau de canalisations pour leur propre besoin. A la périphérie de Ouled Yaïche, un propriétaire de hammam a fait brancher les eaux usées sur le réseau potable, et durant des semaines, les robinets domestiques crachaient une eau noire et nauséabonde. Des quartiers importants, démographiquement, sont figés dans leur immobilisme de cité dortoir. C'est le cas de Bab Zaouïa, Bab Khouikha, Douirette, Trab Lahmar… Pour tout acte administratif ou de soins primaires, il faut «aller en ville», selon l'expression consacrée en vigueur depuis l'époque coloniale ; pas de bureau de poste intra muros, pas de dispensaire, pas d'antenne de mairie, pas de police ou de gendarmerie, par de lieu de loisirs pour accueillir des enfants.