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L'issue fatale de la crise de l'été 1962.
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 27 - 08 - 2015

S'il y a un seul enseignement à tirer de la crise de l'été 1962, c'est que la coalition Ben Bella-Boumediene ne recule que pour prendre de l'élan. En tout cas, c'est dans cet esprit que s'inscrit l'accord du 2 aout 1962 entre le groupe de Tlemcen et le groupe de Tizi Ouzou. Bien que le caractère illégal du bureau politique (BP), proclamé le 22 juillet 1962, à Tlemcen, n'ait pas besoin d'être démontré, ses adversaires, représentés par le duo Krim-Boudiaf, acceptent de le reconnaître pour peu que ses chefs de file se résolvent à l'idée de se soumettre aux statuts de la révolution, dont le CNRA (conseil national de la révolution algérienne) est l'organe central.
Malheureusement, cette stratégie ne vise qu'à calmer les esprits. Alors que l'accord énonce clairement les prérogatives du nouveau BP, à savoir la préparation des élections à l'Assemblée nationale constituante (ANC) et la convocation de la réunion du CNRA, la coalition Ben Bella-Boumediene foule au sol les termes de l'accord en prétendant être la seule force détentrice –avant l'heure –de la souveraineté nationale.
Se sentant isolé au sein du BP, Mohammed Boudiaf claque la porte. En effet, après le report des élections à l'ANC prévues le 27 aout 1962, il démissionne du BP et dénonce le nouveau coup de force du groupe de Tlemcen. Dans ces conditions, une nouvelle crise est derechef inéluctable. Au grand dam de l'Algérie, l'espoir suscité par l'accord du 2 aout devient caduc, et ce, dans la mesure où la soif de pouvoir des animateurs du groupe de Tlemcen l'emporte sur celui de bâtir des institutions dignes des sacrifices des meilleurs fils de l'Algérie, tombés au champ d'honneur pour qu'elle vive libre et démocratique.
En tout état de cause, à peine la tension du mois de juillet est retombée, la coalition Ben Bella-Boumediene se met à trier sur le volet les candidats à l'ANC. Dans l'Algérois, le BP pousse le ridicule jusqu'à écarter les vrais maquisards au profit des anciens auxiliaires du système colonial. « Le bureau politique a jugé utile de proposer la candidature de Farés –ancien président de l'Assemblée algérienne, créée en 1947 –et du grand propriétaire terrien Cheikh Kheireddine dans la liste du département d'Alger et de Médéa. Les responsables de la wilaya IV ont souligné que ces deux hommes ne peuvent valablement représenter le pays et surtout le FLN au sein de la première assemblée constituante de l'Algérie indépendante, alors que d'authentiques militants, sortis de prisons ou des camps, sont oubliés ou écartés systématiquement », regrettent les membres du conseil de la wilaya IV dans une déclaration parue le 26 août 1962.
Quoi qu'il en soit, malgré les appels au calme des hommes raisonnables, à l'instar de Ben Youcef Ben Khedda, la coalition Ben Bella-Boumediene ne semble pas intéressée par une éventuelle médiation. Pire encore, deux poids lourds de la coalition benbelliste vont jusqu'à récuser au dernier président du GPRA – août 1961- juillet 1962 – le droit de s'exprimer. « Je n'ai même pas voulu en prendre connaissance, car elles [les propositions de Ben Khedda] ne répondent, ni de prés ni de loin, à la position affirmée à plusieurs reprises par le Bureau politique... M. Benkhedda est bien mal placé pour proposer quoi que ce soit, car il est lui-même la source de cette crise », réplique Mohammed Khidder à la proposition de dialogue émise par Ben Khedda.
Quant à Ferhat Abbas, il déclare que de « tels hommes devraient aujourd'hui se taire, se faire oublier, au lieu de continuer à intriguer, à semer la division, à jeter de l'huile sur le feu ». Quatorze ans plus tard, il signera avec le même Ben Khedda un manifeste contre la gestion dictatoriale des affaires de l'Etat par e régime de Boumediene.
Cependant, pour justifier la neutralisation des dernières poches de résistance, Ahmed Ben Bella appelle, à partir de Sétif, le 29 août 1962, les civils à se coaliser avec le BP contre les chefs de la wilaya IV. « La casbah est investie par les rebelles comme elle fut naguère par les troupes de Massu », force-t-il, toute honte bue, la comparaison. Tout compte fait, c'est dans ce contexte de guerre civile que les forces fidèles au BP, dont la colonne vertébrale est l'armée des frontières, s'emparent de la capitale.
Bien que des organisations civiles, à l'instar de l'UGTA et de l'UGEMA [de 1962, bien évidemment], implorent les forces belligérantes à cesser les hostilités, le rouleau compresseur est hélas lancé. « Les forces du colonel Boumediene sont équipées, en effet, d'un matériel moderne : canons sans recul, mortiers, mitrailleuses, bazookas, blindés, camions et Jeeps Skoda. Bref tout le matériel livré à l'armée algérienne des frontières basée en Tunisie et au Maroc qui n'a pratiquement jamais servi durant la guerre d'indépendance », écrit un reporter du journal « Le Monde », le 6 septembre 1962.
En guise de conclusion, on peut dire que la victoire du BP est obtenue grâce à l'appui décisif des troupes des frontières. Quant à la population civile, son refus de prendre position n'a fait que faciliter la prise du pouvoir la coalition Ben Bella-Boumediene. Un silence que cette dernière interprète à tort comme un soutien. Dans la réalité, il faut vraiment être de mauvaise foi pour étayer une telle thèse. Hélas, 53 ans après l'indépendance, ce mutisme est savamment entretenu. Par conséquent, les mêmes quiproquos subsistent encore.
Aït benali Boubekeur
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